custom-header
Mazzù : « J’en ai marre d’être gentil et poli »  
Mazzù : « J’en ai marre d’être gentil et poli »  

PROPOS RECUEILLIS

PAR FRÉDÉRIC LARSIMONT

Felice Mazzù ne veut pas se lancer dans de vaines polémiques.Pierre-Yves Thienpont

L’ancien et le nouveau cohabitent forcément entre les deux passages au Mambourg de l’entraîneur carolo.   Avec au milieu, deux plaies en cours de cicatrisation :   Anderlecht, mais aussi l’Union dont les directions seules, ne se sont pas montrées à la hauteur   de sa confiance et de ses espoirs. Pour le reste,   il dit avoir savouré les deux expériences.   Mais désormais, il montrera les dents quand il le faut. next

  •  
  •  
  •  

Les hasards du calendrier, couplé à un limogeage au parc Astrid le 24 octobre dernier, précipitent des retrouvailles dont Felice Mazzù se serait volontiers passé dans un premier temps. Après la venue d’Anderlecht lors du Boxing Day (0-1), c’est au tour de l’Union de s’inviter à la maison, ce samedi. Celle où le technicien d’origine calabraise a grandi en tant que coach et où il a choisi de mûrir ses récents déboires : un départ mouvementé de l’Union et un C4 d’Anderlecht tout aussi loin d’être digéré. Mais au-delà de son amertume personnelle qu’il nourrit à l’adresse de ceux qui lui ont mesuré leur confiance, l’intéressé voit surtout son retour à Charleroi comme une opportunité de tourner la page d’une année 2022 on ne peut plus contrastée.

Felice Mazzù, le moment où vous acceptez de sortir du bois dans la presse francophone coïncide avec un certain Charleroi-Union. Contraint et forcé par les circonstances ?

J’aurais volontiers fait l’impasse mais vous êtes particulièrement persuasif (sourire grinçant).

N’était-ce pas le moment de crever l’abcès et d’évacuer définitivement les sujets qui fâchent, en même temps que votre déception ?

Je suis content que vous utilisiez le terme déception dans votre question. Je suis déçu, comme n’importe quel autre entraîneur limogé le serait, mais pas frustré. Vous n’allez pas le croire, mais je ne m’attendais pas à recevoir mon C4 à Anderlecht : la direction n’avait rien laissé transparaître et je pensais qu’elle m’accorderait un minimum de temps. Une demi-saison au moins.

Mais vous connaissez la loi du genre : pas de résultats, plus de contrat !

Après dix saisons en D1, je pense savoir comment ça fonctionne. Cependant, une chose m’interpelle et elle est valable dans beaucoup de pays, et donc en Belgique : la propension qu’ont les grands clubs qui traversent une conjoncture délicate depuis des longues années, à continuer à fonctionner comme dans leur période de gloire. Notamment au niveau de la communication vers l’extérieur. Pour plaire – ou plutôt pour ne pas déplaire – on continue à communiquer de la même manière qu’avant, avec des objectifs parfois surréalistes. De l’autre côté des écrans ou dans leur journal, les supporters et la presse finissent par croire à tout ce cirque savamment orchestré pour continuer à faire comme si. Indirectement, cela contribue à engendrer et à faire circuler une énergie négative par rapport à des résultats qui non seulement n’arrivent pas, mais qui ne peuvent tout simplement pas arriver. Faute de moyens pour acheter les renforts nécessaires.

On peut transposer votre analyse au Standard ou à Anderlecht par exemple…

Aux clubs qui se reconnaîtront, ici et ailleurs. Je veux juste vous dire qu’à un moment les dirigeants et leur armée de conseillers en communication doivent prendre leurs responsabilités et oser fixer des objectifs en rapport avec la réalité. Mieux vaut dire qu’on reconstruit de zéro sur les bases solides d’un centre de formation et qu’on joue le Top 8. Plutôt que de parler de Playoffs 1 voire de Ligue des champions ou de titre. Il est plus facile de se dire qu’on veut finir 8 e et finir plus haut, plutôt que de se projeter à une hypothétique 4 e place et courir derrière pendant toute la saison en pure perte. Et sous la colère des supporters en plus ! En deux mots, il faut cesser de vendre du vent. Comme disait Brel dans sa chanson « Chez ces gens-là » : « Faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sou. »

Pour beaucoup, Genk et Anderlecht ont marqué l’échec définitif de Mazzù dans les grands clubs. Estimez-vous avoir laissé passer votre chance ?

Je ne me pose même pas la question ! Je suis même à des années de ça. J’ai retrouvé un job directement alors que je pensais faire un break. Dans un club que je connais et dans une région qui me correspond. Avec à la clé, un projet de développement comme seul Gand avec la construction de la Ghelamco Arena, en a connu depuis quarante ans. La création d’un nouveau stade à Charleroi est un défi auquel j’adhère pleinement. Je suis content d’avoir repris le train en marche même si, encore une fois, j’avais dans la tête de partir éventuellement sur autre chose que le coaching à bientôt 57 ans.

Par dépit ?

Pire : par dégoût. Je suis parti en vacances avec ma femme à Saint-Raphaël puis avec un ami en Espagne. Avec une vraie nausée du foot et de ses mensonges. L’hypocrisie ambiante et les petits agissements de ceux qui se couvrent alors qu’ils savent qu’ils sont en faute m’étaient devenus insupportables.

Pourtant, vous avez replongé.

Pas dans le même bocal ! Ici, à Charleroi, c’est mon biotope, mon terrain de jeu où le fait d’être moi-même, ce que je me suis toujours évertué à faire, ne va pas être utilisé contre moi.

Estimez-vous avoir été victime de votre personnage, notamment à Anderlecht ?

Victime de mon authenticité et de ma franchise. Mais il n’y a pas qu’à Anderlecht.

À l’Union aussi ?

Oui, c’est étrange à dire, hein !

Un peu, oui. Vous en êtes parti de votre plein gré, non ?

Ecoutez, je vais vous le dire très franchement : la fin de mes deux parcours bruxellois me reste en travers de la gorge. Mais je ne veux pas alimenter de polémique, en aucune manière, en généralisant. Vous savez ce que j’ai vécu au parc Duden avec une montée en D1 et une saison dans un climat comme on n’en rencontre peut-être qu’une fois dans sa vie d’entraîneur. Les joueurs, le staff, les supporters, ce stade d’un autre siècle, ces fêtes improvisées dans les rues de Forest : j’en suis encore ému aujourd’hui. Puis il y a eu aussi cet accueil chaleureux à Anderlecht, où je remplaçais pourtant une icône en la personne de Vincent Kompany. On a connu l’un des meilleurs débuts de saison depuis vingt ans, avec une qualification pour les phases de poules de la Conference League après avoir éliminé les Young Boys, qui ont joué plusieurs fois la Ligue des champions ces dernières années. Compte tenu des contingences du recrutement, c’était plus que pas mal : c’était même pas mal du tout. Là aussi, j’avais le sentiment qu’on allait me laisser faire du Mazzù en me permettant d’implémenter une dimension humaine à mon vestiaire, à mon entourage de travail.

Et est arrivé ce qu’il arriva.

Les résultats et la panique. Mais je ne souhaite pas en rajouter. Je suis passé à autre chose.

Plus surprenant – et on y revient – votre amertume par rapport à l’Union.

Par rapport à certaines personnes au sein de la direction de l’Union. Pas au club en lui-même.

Mais encore…

Je ne veux pas polémiquer, n’essayez pas d’appuyer sur le bouton. Je garde tout ça pour moi. Mais ceux qui connaissent le fin mot de mon départ à Anderlecht, savent que je ne le souhaitais pas. Que je ne l’ai pas vraiment choisi. Je suis parti parce que rien ne bougeait. Depuis des mois ! Disons que certaines personnes n’ont pas tout fait pour retenir un entraîneur qui, avec son staff, les a menés de la D2 aux préliminaires de la Ligue des champions. S’ils ont un tant soit peu de cran et d’honnêteté, ils raconteront eux-mêmes un jour ce qu’il s’est réellement passé. Mon départ de l’Union est une plus grande déception professionnelle que mon limogeage d’Anderlecht. Je sais que c’est difficile à concevoir vu de l’extérieur mais c’est pourtant la réalité.

Votre retour à Charleroi constitue une sorte de win-win à la signature : Mehdi Bayat apaise la colère de ses supporters et vous retrouvez immédiatement un job en vue à deux pas de chez vous. N’avez-vous pas l’impression d’être utilisé comme le pompier de service ?

C’est manquer de respect à tout un club et à ce qu’il représente, que de penser de la sorte. Je repars pour un projet, un vrai projet. Je suis revenu au Mambourg pour recréer quelque chose, pour reconnecter l’équipe à son public. J’ai suffisamment sauté comme un fusible pour que ce fusible serve cette fois à transmettre une énergie positive entre les gens.

Et ça marche avec, après la défaite initiale face à Anderlecht fin décembre, un 8 sur 12 pour entamer l’année 2023…

On aurait pu revendiquer un peu plus encore, notamment à Bruges. J’agis depuis quatre matches sans appréhension d’avoir perdu la main ou me croire obligé d’appliquer les vieilles recettes. Je suis un entraîneur en perpétuelle évolution, en questionnement constant par rapport à ce que je peux encore apprendre.

Vous revoilà plongé au cœur d’une succursale carolo où la politique d’achats-ventes est claire : au risque de vous y perdre ?

Vous le dites vous-même : la ligne de conduite est claire et elle contribue à faire de Charleroi un des deux ou trois clubs les mieux gérés du pays depuis une décennie maintenant. En revenant au Sporting, j’ai accepté d’adhérer aux principes de gestion, je ne vais pas me mettre à les déblatérer.

Avez-vous pensé à vous expatrier ?

Lille et l’Hellas Vérone sont venus aux nouvelles avec de réelles marques d’intérêt pour négocier, vous l’aviez écrit à l’époque. Mais il y a eu aussi des possibilités au Qatar et dans d’autres pays exotiques.

Pourquoi ne pas avoir tenté le coup ? Ne fût-ce que pour vous changer les idées pendant six mois dans un pays du Golfe ?

J’ai perdu ma maman en août 2021 et mon papa est aujourd’hui âgé de 90 ans. Je ne m’éloignerai pas de lui tant que la vie me permettra de m’en occuper, avec mon frère et ma sœur. Je lui dois ça après tous les sacrifices consentis par mes parents pour nous éduquer et nous donner une vraie chance dans la vie. Je ne me vois pas me contenter d’un coup de fil du bout du monde pour lui demander chaque jour comment il va.

Samedi, vous ferez l’accolade à votre ancien adjoint, Karel Geraerts, qui vous a succédé. Vous attendiez-vous à une telle ascension, lui que l’on citait il y a quelques jours encore au Club de Bruges ?

Je lui avais déjà dit en son temps qu’il avait les qualités pour réussir. Et il a déjà pris de l’avance grâce à son intelligence et à ses qualités de meneur d’hommes dans son style.

Certains affirment qu’il vous soufflait beaucoup de bonnes idées…

(Il se fâche) Tant qu’on y est, allons aussi jusqu’à dire que je n’étais pour rien dans le succès de l’Union. Karel était dans le staff de Tomas Christiansen et comment se fait-il dès lors que l’Union ne soit pas montée à l’époque ? Pourquoi Charleroi n’a-t-il pas réussi ses bons résultats avant Mazzù, hein ? Quand j’ai quitté le Mambourg en 2019, j’ai également entendu dire que je n’étais rien sans mon staff. J’en ai marre d’être poli et gentil ! Mon mode de fonctionnement, où je délègue et je responsabilise des adjoints que j’estime compétents, en vient à se retourner contre moi. Je ne suis pas un entraîneur qui écrase son staff, qui s’attribue seul les bons résultats et qui rejette la faute à ses joueurs quand le ballon ne roule pas pour eux. J’ai toujours travaillé et pris des décisions comme je suis dans la vie : avec mon feeling, ma personnalité et mes sentiments. Et plus que jamais, je continuerai à fonctionner de la sorte : jusque bien après ma carrière d’entraîneur. Jusqu’à mon dernier souffle !

FELICE MAZZÙ S’EST EXPRIMÉ SUR STULIC
« Il a la mentalité de Charleroi »
BENJAMIN HELSON
prevnext

Comme annoncé dans nos colonnes, Nikola Stulic devrait être le futur attaquant du Sporting de Charleroi. Si les différents accords oraux se concrétisent bel et bien dans les faits, le néo international offrira une cartouche supplémentaire à Felice Mazzù. « S’il arrive, c’est un joueur qui va pouvoir nous aider énormément parce qu’il a un profil très intéressant, comme on n’en a pas dans le noyau actuellement. C’est un garçon qui a quand même eu une formation au Partizan, où il a même joué quelques minutes. C’est un des meilleurs buteurs du championnat serbe. Il a marqué douze buts (NDLR : toutes compétitions confondues) et donné deux assists. De plus, il vient de jouer en équipe nationale. C’est un pivot, un travailleur et, d’après ce qu’on a vu de lui, il dispose d’une mentalité qui va correspondre à celle de Charleroi. Dans la complémentarité, il pourra nous aider à traverser les étapes pour grandir », expliquait Felice Mazzù ce vendredi. Et d’ajouter : « Notre échange était très positif et il a la tête bien sur les épaules. Ce sont des championnats qui vous durcissent et vous font rapidement devenir un homme. A voir si Charleroi est une priorité pour lui. Pour nous, lui en est une en tout cas. »
De son côté, absent de la sélection pour la deuxième fois de suite, Ali Gholizadeh est plus proche que jamais d’un départ.
Retour des Ultras
Par ailleurs, ce match contre l’Union sera le premier depuis le retour au bercail de Felice Mazzù pour les Storm Ultras et le Block 22, privés des cinq dernières rencontres suite aux débordements face à Malines. « C’est un nouveau départ. Je suis très content que tout le public soit de retour ce samedi parce qu’on a besoin de lui, de soutien, d’applaudissements et j’espère que cette partie du public qui revient, associée à l’ensemble du stade, nous aidera à nous dépasser pour aller chercher quelque chose », concluait le T1 des Zèbres.

« Ce n’est pas Felice contre Karel »
V.M.

Les ex-collègues.Belga
prev

Les retrouvailles entre l’ancien entraîneur principal de l’Union et son ex-adjoint seront évidemment au centre des attentions. « Mais ce sera Charleroi contre l’Union. Et non pas Felice contre Karel », tient à préciser Geraerts qui indique également qu’il n’a pas eu de contact avec Mazzù cette semaine. « On ne s’est pas sonné. Mais on ne se téléphone pas non plus toutes les semaines, même si on s’envoie parfois des messages. »
Ce qui n’a pas empêché Geraerts d’observer d’un œil attentif le retour au bercail de son ancien T1. « Si je vois déjà la griffe de Felice sur Charleroi ? Bien sûr. Il s’est imposé directement dans le vestiaire. Et cela se ressent sur le terrain. Les joueurs affichent beaucoup de confiance. Match après match, ils sont en train de grandir. Je suis en tout cas très content pour lui que cela ait bien commencé. Et je m’attends à un match très difficile. D’autant que les Zèbres ont des joueurs très rapides notamment sur les flancs, comme Kayembe ou Mbenza. À moi de prendre les bonnes décisions. »
Si l’Union ne s’incline pas, elle poursuivrait sa toute grosse série d’invincibilité en championnat. Elle enchaînerait en effet une quinzième rencontre de rang sans défaite (elle en est actuellement à onze victoires pour trois nuls). Son dernier revers face à un adversaire belge remontant au 11 septembre dernier face à Genk. « Mais honnêtement, c’est quelque chose dont on ne parle jamais entre nous », réagit l’entraîneur saint-gillois. « C’est bien qu’on nous rappelle ce chiffre… Car je ne le connaissais pas. Pour notre part, on essaye de rester dans notre spirale positive le plus longtemps possible. Et de tout faire pour l’emporter. »

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

CLASSEMENT D1A

Prochaine journée - RUSG

Calendrier

Meilleur buteur