C’était au temps où…
Il y a 44 ans, l’Union et le Standard avaient aussi partagé. On était là…
> Il avait donc suffi, ce dimanche 22 octobre 1972, que quelques “Allez l’Union” percent le silence qui enveloppait le Parc Duden pour que le ciel, comme s’il avait voulu lancer un message, ouvre toutes grandes ses portes à un soleil redevenu très généreux de ses rayons. Là-haut, donc au sommet de la Butte, l’avenue Victor Rousseau s’était elle aussi extraite de sa torpeur dominicale pour s’offrir, sans pudeur, aux pas décidés d’une meute bien
sympathique de bipèdes, tous flanqués d’une écharpe aux couleurs jaune et bleu. Comme à l’accoutumée, surtout à cette époque, pères et fils, voire frères et frères ou cousins et cousins, avaient donc mis volontairement le cap, enveloppés d’un sain esprit familial vers ce qui, pour eux, n’était rien d’autre que le Maracana belge, ce terrain de l’Union, terre de tant d’exploits passés. Chez ces gens-là, Monsieur, en ce temps-là, s’avouer supporter de l’Union était effectivement une vertu cardinale, ancrée dans votre ADN par héritage et qui se conjuguait au présent. On pénétrait dans le Parc Duden comme on entre en religion : sans calcul, mais avec foi. Celle du succès, souvent de l’exploit, parfois du folklore, toujours. Et ce 22 octobre 1972, alors que mes 20 ans n’avaient pas encore frappé à la porte de ma raison, c’est ni plus ni moins qu’une crise de foi que j’espérais ressentir avec la venue de ce Standard vêtu de son costume de dauphin du champion
de Belgique. À la mi-temps, l’euphorie collective avait enveloppé tout le Parc Duden d’un doux parfum d’exploit. Grâce à mon ami Willy Lots, compagnon sur les bancs de l’école, grâce aussi à l’Anglais Patrick Lowrey, c’est par deux fois que Christian Piot, dernier rempart des Rouches et des Diables Rouges, s’était vu condamner à récupérer le ballon au fond de ses filets. Elle était donc là, toute proche, cette première victoire de la saison attendue par un public pressé de chambrer, mais sans vulgarité ou agressivité, ses hôtes liégeois. Hélas ! pour les Unionistes, le dénommé Musovic, sorti tout droit de ce qui était encore la Yougoslavie, scalpa par deux fois les belles illusions jaunes et bleues, précipitant ainsi un fameux coup de froid dans une ambiance où la zwanze, pourtant, venait de se faire une place au chaud. Punie dans ce qui, a priori, était son dernier quart d’heure, la Royale et Impériale Union, slogan si cher à ses exploits passés, n’allait jamais se remettre
de cette remontada liégeoise, se voyant cette saison-là, condamnée à vivre pour de très (trop !) longues années dans les divisions inférieures… Mais les légendes ne meurent jamais. Une vérité dont le Heysel, vendredi, fut un témoin privilégié, abandonnant ses gradins à un public conquis d’avance par ce remake d’un film d’amour vieux de plus de 44 ans. À commencer par moi, trop heureux de prouver à ma progéniture que lorsque je lui affirmais qu’aimer l’Union un jour c’est l’aimer pour toujours, je n’avais rien de ce vieux radoteur qui est le seul à encore croire à ses vieilles histoires…