JULIEN DENOËL ET XAVIER THIRION
Jacques Teugels, Danny Ost et Walter Baseggio: trois légendes du football dans la capitale.J.D., S.HE.
Jacques Teugels, Danny Ost et Walter Baseggio ont marqué l’histoire du RWDM, de l’Union Saint-Gilloise et d’Anderlecht. Avec ces trois clubs bruxellois réunis en D1, c’est le retour de la zwanze. Nos trois invités s’en réjouissent même s’ils savent que tout n’est pas rose dans les formations de la capitale.
La Jupiler Pro League compte trois clubs bruxellois cette saison avec l’Union, Anderlecht et le RWDM. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Jacques Teugels : Que le football a changé. Ça fait plaisir mais quand on voit « les grands » qui ne le sont plus tellement : Anderlecht qui se bat pour les Playoffs 2… Maintenant c’est plutôt l’Union qui fonctionne.
Dany Ost : J’en suis très heureux. Comme Jacques, je suis un vrai Bruxellois et j’apprécie qu’on ait beaucoup de derbies. C’est chouette, c’est la zwanze. Mais je demande une chose : s’il vous plait, pas de bagarres. Qu’on zwanze, qu’on rigole. C’est un signal qu’on veut lancer : amusez-vous.
Walter Baseggio : Cela m’inspire du plaisir. Cela va offrir à la Pro League de très beaux derbies. Je n’ai malheureusement pas eu la chance de jouer ceux contre l’Union mais tout le monde m’en parlait au club quand j’étais jeune. Et ceux disputés contre le RWDM me laissent de super souvenirs. Il y avait chaque fois dans le stade et sur le terrain une ambiance toute particulière. J’espère que le RWDM parviendra à se maintenir car, pour lui, ça s’annonce vraiment compliqué après toutes les choses folles qui viennent de s’y passer.
Mais est-ce que Bruxelles est encore le centre du foot belge ?
J.T. : Aujourd’hui, oui, il y a trois clubs, mais qui font quoi ? Il y a 5 ou 10 ans, il n’y en avait qu’un seul club mais qui dominait.
D.O. : Je ne pense pas. Le niveau des finances est très court. Aujourd’hui, les grands clubs financiers, ce sont Bruges, l’Antwerp et Genk qui a une politique de transferts qui est pas mal du tout. Même si la plus belle, c’est celle de l’Union.
W.B. : J’en suis convaincu. En dépit de ses résultats ces dernières années, Anderlecht reste toujours le plus grand club belge. Il suffit de parler football quand vous allez à l’étranger pour le comprendre. Maintenant, avec l’Union – n’oublions pas qu’elle compte 11 titres de championne de Belgique – et le RWDM – champion en 1975 – qui sont de retour, cela renforce encore plus l’importance de Bruxelles dans le foot.
Qu’est-ce que l’Union, Anderlecht et le RWDM représentent à Bruxelles ?
J.T. : A part du côté ouest, je crois que ça ne représente pas grand-chose. A Woluwé, je crois qu’ils s’en foutent du RWDM. Le malheur des trois clubs bruxellois, c’est qu’ils sont tous au même endroit. Le Racing White aurait dû être là mais c’était trop chic. Là-bas, c’est plutôt le hockey.
W.B. : La fierté de leurs habitants. Même si, pour Anderlecht, les supporters viennent davantage des quatre coins de la Belgique que de Bruxelles.
Les clubs ont-ils encore leur ADN ?
J.T. : Quand on voit le RWDM, qui a recommencé en cinquième division… Je ne suis pas certain qu’Anderlecht aurait la même chose s’il devait faire pareil. Il y avait 2, 3.000 personnes quand le club a été relancé. Mais la mentalité historique du RWDM est toujours là. Et c’est grâce à Thierry Dailly, qui a tout fait.
D.O. : A l’Union, ça reste l’ambiance de l’Union Saint-Gilloise. On la sent encore très fort malgré tout ce qui s’est passé. La mentalité du club est toujours là malgré le changement de propriétaire. L’ADN est toujours là malgré le fait que le club a grandi de manière incroyable en peu de temps.
W.B. : L’ADN a quelque peu disparu ces dernières années à Anderlecht avec le changement de direction et les nombreux changements à tous les étages du club. Ils ont eu tort de vouloir effacer le passé. Mais je pense que cela pourrait changer avec une plus grande considération pour les anciens.
Que pensez-vous des propriétaires actuels ?
J.T. : Ce sont tous des businessman étrangers, des Américains. Ils ne connaissent rien au football. Ils ne savent même pas qu’un ballon est rond ces dirigeants. A Anderlecht, quand on voit Marc Coucke et Wouter Vandenhoute, ça vient du cyclisme. Ces gens sont là pour acheter et vendre. Avant, il y avait des dirigeants qui s’y connaissaient, qu’on respectait.
D.O. : Chris O’Loughlin m’a expliqué la philosophie de cette Union et c’est fantastique. Ils ont un principe et ils s’y tiennent. Tout est basé sur le mental et l’état d’esprit, c’est assez génial.
W.B. : Marc Coucke a beaucoup investi et il a encore rajouté de l’argent ces deniers temps pour sauver le club. Il a fait des erreurs et il les a reconnues. Mais ces deniers temps on sent un réel effort de bien faire. La pression est désormais sur les épaules des Danois.
Qu’est-ce que vous aimez et n’aimez pas dans le club aujourd’hui ?
J.T. : C’est mon club, c’est lui qui m’a lancé mais quand je vois l’équipe de notre temps et maintenant… Il n’y a pas de système. Vous savez dire dans quel système ils jouent ? Puis il y a le cas Thierry Dailly. C’est mon ami et ça me refroidit un peu ce qu’il a subi.
D.O. : Je n’ai rien de négatif à dire sur l’Union. Ce que le club est occupé à réaliser sur ces dernières années, c’est incroyable. J’ai souvent mis l’accent sur la politique de transfert mais il y a aussi la gestion des joueurs, la mentalité.
W.B. : J’espère vraiment que cette saison les résultats seront au rendez-vous car le RSCA a plus que jamais besoin de stabilité. Ces derniers temps, c’était la révolution chaque année. Si on doit transférer dix joueurs chaque été, ça n’ira jamais.
Le peu de joueurs bruxellois dans les effectifs, qu’en pensez-vous ?
J.T. : L’exemple de Julien Duranville est flagrant. Il n’avait joué qu’un match qu’on parlait déjà de lui pour la Coupe du monde. Ou alors, on les démolit comme Lucas Stassin et Mario Stroeykens.
D.O. : Ce n’est pas facile pour les jeunes de réussir. Mais le football a évolué, c’est fini ce côté régional. Il faut vivre avec son temps. Il faut vraiment être très fort pour s’imposer.
W.B. : C’est clair qu’il y en avait davantage de mon temps. Même moi j’étais considéré comme un Bruxellois en venant de Clabecq. Mais, à condition de continuer à leur donner leur chance, il y a quand même pas mal de jeunes de Neerpede dans le noyau A. Zeno Debast est le plus bel exemple. Cela dit, je trouve dommage de ne pas faire confiance à un enfant de la maison comme Lucas Stassin. En dehors du côté bruxellois, c’est Amadou Diawara, pourtant fort critiqué, qui m’a toujours bien plu ces derniers mois.
Comment jugez-vous l’évolution du club depuis que vous n’y êtes plus ?
J.T. : Il y a encore cet amour du club, des lettres qu’on ne sait pas oublier. Mais je pense que le club vit sur le passé. Je m’en rends compte. Le RWDM, c’est la fusion et le titre. Si on prend le club des années 1990 à 2010, ce ne furent pas de grandes années. Il faut être honnête, les gens parlent de 1975, du titre, mais pas de 2000. Mais la comparaison est difficile.
D.O. : Je l’ai quitté en D2-D3 et l’évolution, pendant des années, il n’y en a pas eu. Avant le fameux changement de propriétaire qui a été incroyable. Mais c’est l’argent qui a fait changer les choses. C’est le repreneur qui a fait la différence pour ça. Comme disait Mitterrand, il faut savoir s’entourer et ils l’ont bien fait.
W.B. : On a entendu tellement de promesses et vu tellement de bouleversements depuis cinq ans que, désormais, les dirigeants doivent se taire et travailler. Et j’ai l’impression que c’est ce qui est en train de se passer. Seuls les résultats doivent parler. S’ils ne sont pas là dans les prochains mois, j’ose à peine imaginer ce qui pourrait se passer.
Comment voyez-vous la saison de votre club ?
D.O. : Si demain, l’Union est à nouveau à la troisième ou la quatrième place, je leur tire mon chapeau parce que ça voudra dire que la politique de transferts a porté ses fruits. S’ils font encore une grosse saison, ce ne sera plus de la chance. Et s’il y en a bien une qu’ils doivent réussir, c’est celle-ci.
J.T. : Ce sera catastrophique pour le RWDM. Catastrophique.
W.B. : La pression sera grande dès le début car, après la onzième place de l’an passé, le Sporting n’aura plus le droit à l’erreur. Le début du championnat, avec un programme très difficile, sera essentiel. Début septembre, au soir du déplacement à Genk, on y verra déjà beaucoup plus clair.
Quel derby attendez-vous ?
J.T. : J’ai connu les vrais derbies, entre l’Union et le Daring. Avec le Racing White, ce n’était pas un vrai derby. Mais maintenant, je ne connais plus les joueurs, ce n’est plus la même chose. C’est comme un autre match désormais.
D.O. : Je n’en attends pas un de particulier. Chacun sera particulier. Ceux entre l’Union et Anderlecht, c’est déjà 6-0 pour les Saint-Gillois. Ils seront tous passionnants même si ceux RWDM – Union le seront un peu plus pour moi parce que j’en ai joué. Mais je vais tous les apprécier.
W.B. : Ce sera un match équilibré, entre deux équipes en pleine reconstruction et qui devront encore trouver leurs marques. Mais je pense que pour Anderlecht, c’est le bon moment pour affronter l’Union. Il faut prendre le maximum de points lors des premiers matches.
Comment est la rivalité entre les clubs ?
D.O. : Il faut que l’esprit bruxellois reste. Ce n’est qu’un match de football. Il faut les aborder avec la zwanze et que les supportent gardent cette âme.
J.T. : Ce n’est pas une rivalité avec de la haine mais pas juste folklorique non plus. A notre époque, les joueurs bruxellois se connaissaient, on se voyait en dehors des terrains. Et ça, il n’y a plus. Aujourd’hui, je ne suis pas certain que les joueurs de l’Union connaissent ceux du RWDM ou d’Anderlecht et inversement. Ce n’est plus la même chose.
W.B. : Elle est saine. Il y a toujours eu un respect mutuel entre les trois clubs. Evidemment, Anderlecht ne voudra pas être battu une septième fois d’affilée contre l’Union, qui l’a dépassé sportivement ces dernières années. Mais la rivalité bruxelloise, je pense que les joueurs étrangers s’en foutent.