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“Ce n’est pas facile de devenir ce que Felice est devenu”
“Ce n’est pas facile de devenir ce que Felice est devenu”

Un succès de plus au palmarès de Felice
Mazzù. Après une année difficile, son père
Pasquale est très fier. Nous les avons réunis.

Rencontrer Pasquale
Mazzù est une réelle
immersion en Italie.
Le soleil est à peine
levé quand son fils, Felice
Mazzù, nous ouvre la porte de
la maison familiale située à
quelques centaines de mètres

du stade du Sporting Charle-
roi.

À l’intérieur, où le patriar-
che vit seul depuis le décès de

sa femme il y a quelques

mois, l’odeur de café se mé-
lange avec celle de la sauce to-
mate cuisinée à l’huile d’olive.

“Je l’ai faite hier pour manger
des tagliatelles ce midi.”
Dans la cuisine, Pasquale
s’assied à sa place habituelle,
à droite de celle où Felice a

passé toute son enfance. L’ac-
cueil est chaleureux et la

grappa, cet alcool italien,

n’est jamais bien loin, peu im-
porte l’heure de la journée.

“On peut bien boire un petit
coup, non ?” lance-t-il, avec son
accent italien chantant, au
milieu de l’interview.
L’homme de 88 ans, “89

dans trois mois”, est un père lo-
quace et surtout fier de la

réussite de son fils dont des

photos dans le costume d’en-
traîneur de Charleroi et de

l’Union trônent au milieu du
salon.
“Ne dis pas trop de bêtises,
hein, papa”, lance Felice, qui
jouera par moments le rôle
de traducteur français-italien.
“On peut y aller, de toute façon
je ne dis jamais de bêtises”, se
marre Pasquale.
Quand est-ce que Felice a été
attiré par le football ?
Pasquale Mazzù : “Au début, il
aimait surtout le cyclisme et le
coureur italien Felice Gimondi.
Un jour, il a voulu un vélo de
course mais à cette époque, je
ne gagnais que 22 francs de
l’heure. Ma femme et moi avons
fait des économies pour lui
acheter son vélo… puis il a
voulu passer au football. Il était
tout le temps dehors avec son
ballon de foot, pas très loin de
la maison.”

Felice Mazzù : “Il y a une ving-
taine d’années, les terrains d’en-
traînement du Sporting Charle-
roi étaient à 500 mètres d’ici, au

stade Jonet. C’est là-bas que je
passais la plupart de mon
temps.”

P.M. : “Il voulait jouer au foot-
ball mais il fallait de l’argent

pour cela et encore faire des
économies. Je me rappelle qu’un

jour, il est rentré fâché du foot-
ball. En dialecte wallon, je lui ai

demandé : ‘Fiston, qu’est-ce qu’il
se passe ?’ Il m’a dit qu’il avait
joué contre un adversaire qui
devait être tenu par deux ou
trois adversaires tellement il
était fort. C’était Enzo Scifo.”

Quel était son caractère à
cette époque ?
P.M. : “C’était un bon garçon

et c’est toujours le cas. Mainte-
nant, il a beaucoup évolué et est

même devenu le premier coach
de Belgique (sourire). Cela me
rend très fier. Toute la famille
Mazzù est fière de la réussite de
Felice. Surtout que ce n’est pas

facile de devenir ce qu’il est de-
venu, connaissant notre his-
toire. Je vais vous expliquer d’où

je viens.”
F.M. : “Attends qu’on te pose
les questions, papa (sourire).”
Allez-y, expliquez-nous !
P.M. : “Mon village d’origine

est Scido, en Calabre. Je suis ar-
rivé en Belgique à l’âge de 18

ans, le 15 novembre 1951, un jour
où il faisait noir… Directement,
on m’a dit : ‘soit tu vas à la
mine, soit tu retournes en Italie.’
J’ai commencé à travailler puis
je me suis marié avec ma
femme, 61 ans de mariage !
Même s’il ne faut pas oublier
que de nombreux mineurs sont

morts dans les mines, la Belgi-
que est un beau petit pays qui a

donné du travail à beaucoup
d’étrangers. À l’époque, j’aimais
le football mais pas comme
maintenant. Désormais, mon
fils travaille dans ce milieu donc
je m’y intéresse plus. Quand il

entraînait à Charleroi, je m’as-
seyais même en tribune juste

derrière son banc.”
Est-il le même le long du terrain
et dans la vie de tous les jours ?
P.M. : “Quand le match ne
tourne pas en sa faveur, il peut

parfois s’énerver. Dans la vie de
tous les jours, il ne s’énerve pas
souvent, même s’il ne faut pas
non plus lui marcher sur les
pieds. C’est un chic garçon et je
ne le dis pas parce qu’il est assis
à côté de moi.”
Vous vous rendez compte
qu’il est l’entraîneur de l’actuel
meilleur club de Belgique ?
P.M. : “(sourire) Ah oui, je
m’en rends compte. J’y pense
tous les jours. Cela me donne

beaucoup de plaisir et c’est
beaucoup d’honneur pour toute
la famille Mazzù. Nous sommes

très fiers de lui, il a bien tra-
vaillé.”

Vous l’avez accompagné à
la remise du trophée Raymond
Goethals. Comment avez-vous
vécu ce moment ?
P.M. : “Je vais être honnête,

j’ai pris une cuite ce jour-là (ri-
res). Quand je mange, il me faut

du vin. Et ce jour-là, c’était du

très bon vin. J’ai rencontré pas
mal de personnes connues
comme Eddy Merckx ou Rodrigo
Beenkens. Il y avait aussi Eric

Gerets, l’ancien joueur du Stan-
dard.”

F.M. : “Et ton histoire avec la

joueuse de tennis, Sabine Appel-
mans, tu ne la racontes pas ?”

P.M. : “(rires) Cette dame
était à côté de nous à table et a
salué Felice. À ce moment, j’ai
dit : ‘Et moi madame, vous ne
me saluez pas ?’ On dit bonjour

à Felice car c’est un champion…

mais elle m’a quand même sa-
lué ! Dans la vie, il faut travailler

et c’est ce qu’il a fait. Malgré son
succès actuel, il n’a pas changé.
Il est toujours très proche de sa
famille. Il vient me voir souvent
et me donne un coup de fil tous
les jours. Ici à Charleroi, on me
parle encore souvent de lui. Le

dimanche, il y a un grand mar-
ché en ville et quand j’y vais, on

me dit souvent : ‘Monsieur
Mazzù, il faut qu’il revienne
ici !’”
Comment vivez-vous la grande
médiatisation qu’il y a autour
de l’Union et de Felice ?

P.M. : “Je trouve que c’est mé-
rité. Il a commencé avec ce club

en deuxième division. Cela fai-
sait 48 ans que l’Union n’avait

plus joué en D1 et arrive alors ce
gamin-là : mon fils. En D1, il est
en tête du classement… Il y a

dix-huit équipes et ils sont pre-
miers, vous imaginez, c’est ma-
gnifique ! Il reste combien de

matchs désormais ? Dix ?”

F.M. : “Il en reste treize jus-
qu’à la fin de la phase classi-
que.”

P.M. : “Treize, ouh là là ! Alors

c’est encore trop tôt pour pou-
voir dire si l’Union peut être

championne. Mais j’espère que
mon fils va être champion, c’est
quelque chose de possible. Si
l’Union y arrive, ce ne sera pas
seulement grâce à lui, ce sera
grâce à toute l’équipe qui fait

un travail magnifique depuis le
début de saison. Je suis tous les
matchs à la télévision.”

F.M. : “Et quand on joue à do-
micile, il vient au stade avec

mon beau-frère.”

P.M. : “Samedi, à 18 h 30, je se-
rai assis devant ma télévision

(NdlR : l’Union se déplace à Se-
raing). Peu importe l’heure, je

regarde les rencontres. Quand
ils jouent à 13 h 30, je me fais
quelque chose à manger et je
me mets devant la télé. Je suis
assez calme durant les matchs
mais quand l’équipe perd, mon

cœur s’emballe un peu… Heu-
reusement, cela n’a pas trop été

le cas depuis le début de la sai-
son.”

Quel est le joueur de l’Union
que vous appréciez le plus ?

P.M. : “J’aime beaucoup le nu-
méro 13 (NdlR : Dante Vanzeir).

Lors du dernier match, contre la
Gantoise, il a touché le poteau
en début de rencontre. Si c’était
goal, je pense que l’Union aurait
gagné la rencontre. Mais un
match nul contre Gand, ce n’est
déjà pas si mal…”
Comment avez-vous vécu son
passage compliqué à Genk ?

P.M. : “Quand il est arrivé là-
bas, l’équipe venait de vendre

trois joueurs importants (NdlR :

Trossard, Malinovskyi et
Aidoo). Je trouve qu’il n’a pas
reçu assez de temps que pour se
faire une place. Genk est une
équipe qui doit enchaîner les
victoires rapidement et il fallait
être performant très vite. Quand
l’équipe perd deux ou trois
matchs d’affilée, on dit au
coach : ‘au revoir !’ Il a parfois
été critiqué et cela m’a fait de la
peine. Pour moi, Felice n’est pas

responsable. Quand tu es nou-
veau quelque part, il faut te lais-
ser un peu de temps.”

Comment qualifieriez-vous
la relation que vous avez avec
votre fils ?

P.M. : “Nous sommes très pro-
ches. Pour moi, la relation père-
fils est très importante. Il y a des

conflits dans certaines familles
mais chez les Mazzù, tout se
passe bien. Quand il vient me
voir, nous parlons de football
mais aussi d’autres choses.”

F.M. : “Je l’aide à faire ses pa-
piers ou ses paiements. Quand

maman était encore là, je ve-
nais aussi souvent manger.”

P.M. : “Sa maman aimait bien
le regarder à la télévision. Avant
que Felice n’entraîne Charleroi,

elle ne s’intéressait pas au foot-
ball. Mais quand son fils a com-
mencé à entraîner au plus haut

niveau, elle restait accrochée à

la télévision tout le temps (sou-
rire). Je ressens beaucoup le

soutien de Felice ces dernières
semaines (NdlR : la femme de
Pasquale Mazzù est décédée
en août dernier). Malgré son
emploi du temps surchargé, il
trouve le temps de venir me voir.
Il est comme cela (il lève son
pouce en l’air). Il a une famille
et une maison mais il sait que
j’ai deux chambres libres à
l’étage (rires). Felice est aussi
un peu le patron de la maison.”

Quel est votre plus grand sou-
hait pour la suite de sa car-
rière ?

P.M. : “Il pourrait devenir
comme le monsieur qui fumait
des cigarettes, Raymond

Goethals ! Ou comme l’entraî-
neur anglais qui mâchait tou-
jours son chewing-gum, je ne

sais plus comment il s’appelle
(NdlR : Alex Ferguson). Et qu’il
aille en Italie pour entraîner la

Juventus de Turin, ce serait ma-
gnifique. J’ai envie qu’il arrive le

plus loin possible dans sa car-
rière d’entraîneur. Quand on

emprunte une route, il faut aller

tout droit sans prendre de dé-
tours. Bien compris ? (sourire)”

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