La bataille juridique engagée entre l’Union
et Anderlecht autour de l’entraîneur est très
technique. Un avocat du sport nous éclaire.
Les rapports entre
l’Union et Anderlecht,
cordiaux il y a encore
quelques mois, ont
pris un sérieux coup de froid
ces derniers jours. La faute au
départ de Felice Mazzù chez
le voisin. Une bataille de la
communication s’est enga-
gée via communiqués de
presse mais le vrai duel est ju-
ridique. On vous explique
avec Renaud Duchêne, avocat
spécialisé dans le sport pour
le cabinet TactX.
1 Pourquoi l’Union et le RSCA
ne sont-ils pas d’accord ju-
ridiquement ?
À l’Union, Mazzù avait un
contrat à durée indétermi-
née. Comme les deux clubs
ne trouvaient pas d’accord fi-
nancier pour rompre ce CDI à
l’amiable, Mazzù a demandé
mardi à rompre le contrat,
comme chaque employé en a
le droit, peu importe le do-
maine. “C’est là que ça se com-
plique, sourit Me
Duchêne
quand on lui expose les faits.
Deux lois régissent ces ruptures
de contrat. Deux lois de 1978.
Une générale relative aux em-
ployés du 3 juillet 1978 et une
autre ‘spécifique’ aux sportifs et
entraîneurs rémunérés, celle du
24 février 1978 qui fait souvent
polémique quand elle est bran-
die comme menace.”
Dans le cas Mazzù, c’est la
loi générale qui s’applique.
“Les modalités de rupture d’un
CDI concernant un entraîneur
de football rémunéré sont fixées
par la loi générale. C’est la Con-
vention collective de travail spé-
cifique aux entraîneurs rému-
nérés qui le dit. C’est évidem-
ment moins favorable aux
entraîneurs en cas de licencie-
ment, ce qui explique que les
clubs belges ‘tranchent les têtes’
assez facilement en cas de
moins bons résultats. Mais dans
l’autre sens, l’entraîneur peut
partir beaucoup plus facile-
ment, ce qui semble le cas ici.”
2 L’Union a-t-elle le droit
d’ajouter une clause spéci-
fique de rupture à un CDI ?
On est donc sur la rupture
d’un CDI classique. Ander-
lecht avait proposé un mon-
tant à l’Union (250 000 €), un
peu supérieur aux six semai-
nes légales de préavis. Mon-
tant refusé par l’Union qui de-
mande plus (500 000 €). Se-
lon nos informations, l’Union
avait ajouté une clause spéci-
fique de rupture dans le con-
trat de Mazzù. Clause qui
donne droit à un montant de
préavis plus élevé si le coach
venait à rompre le contrat. “Je
ne connais pas le dossier de l’in-
térieur, précise Me
Duchêne.
En principe, les dispositions de
la loi du 3 juillet 1978 sont impé-
ratives, c’est-à-dire obligatoires.
Mais si l’Union invoque des
clauses spécifiques, comme
vous me le dites, on risque de se
retrouver devant le tribunal du
travail pour régler le litige. Ce
qu’on a souvent pu constater,
c’est que les clauses favorables
à l’employé étaient déclarées lé-
gales mais pas les clauses favo-
rables à l’employeur, comme
c’est le cas ici.”
Si le dossier va jusqu’au tri-
bunal, il ne faudra pas atten-
dre une réponse rapide. Il
avait fallu entre un an et un
an et demi dans un dossier ré-
cent pour obtenir un juge-
ment.
3 L’Union peut-elle priver
Mazzù de la reprise au
RSCA ?
Après un peu plus de deux
ans à l’Union, Mazzù a un
préavis de six semaines à
prester, selon la loi. Ce qui
nous amène au début du
mois de juillet, deux semai-
nes après la reprise des en-
traînements au RSCA. “Mais
dans les faits, l’Union ne pourra
pas empêcher Mazzù de com-
mencer à travailler ailleurs. La
direction pourrait envoyer des
lettres, des mises en demeure et
faire constater que Mazzù tra-
vaille ailleurs pendant son
préavis. Mais il ne faut pas ima-
giner que la police va venir le
chercher à Neerpede et l’obliger
à donner des entraînements à
l’Union. Cela peut être men-
tionné au dossier mais le tribu-
nal tranchera uniquement sur
l’aspect financier.”
Il est fort probable que
Mazzù paie le montant corres-
pondant à son préavis avant
de commencer à Anderlecht.