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“J’ai dit à Coucke qu’il doit mettre une cravate”
“J’ai dit à Coucke qu’il doit mettre une cravate”

L’ancien arrière droit Michel Lomme, qui a fait plusieurs
allers-retours entre le Parc Astrid et le Parc Duden, n’avait
pas sa langue en poche quand il a reçu La DH.

On a failli faire chambre à part,
la nuit après Belgique – Maroc.
Mon mari a refait tout le

match dans le lit. Je ne l’ai ja-
mais connu si nerveux. Encore un peu et

il me prenait pour un ballon de football.”
Pina, l’épouse italienne de Michel
Lomme (67 ans), vainqueur de la
Coupe d’Europe avec Anderlecht en
1976, donne le ton au début de notre
première interview de l’année. Son

époux, un ancien arrière droit, a em-
brayé en racontant plusieurs anecdo-
tes inédites et en faisant des déclara-
tions audacieuses à l’avant-veille du

match entre ses deux anciens clubs,
Anderlecht et l’Union.
De toute l’histoire du football
bruxellois, personne ne doit avoir fait
autant d’allers et retours entre les
deux clubs que lui. À la fin des années

1970, il a été deux fois joueur à Ander-
lecht (29 matchs en équipe A dont 7

en Coupe d’Europe), deux fois à

l’Union (53 matchs), a ensuite en-
traîné les jeunes à Anderlecht et y est

devenu responsable de l’équipe des
vétérans avant de retourner à l’Union
comme (unique) scout. “Vu que j’ai fait

mes classes de jeunes à Anderlecht de-
puis mes neuf ans, mon cœur penche

pour les Mauves.”

On ne vous retrouve pas sur la photo
d’équipe de la saison 1975-1976 ni dans
l’album Panini, Michel.

“Je jouais en juniors, je faisais des étu-
des de kinésithérapie et je n’avais pas de

contrat. J’étais parti dans les Ardennes
avec les scouts quand une voiture s’est

arrêtée devant notre camp. Je devais re-
joindre l’équipe A qui allait affronter les

Glasgow Rangers au tournoi de Twente,
Van Binst s’était blessé. Mon adversaire

direct était l’international écossais Jo-
hnstone. Il n’a pas touché un ballon et

est allé jouer sur l’autre flanc. Je suis de-
venu le grigri du bizarre entraîneur Hans

Croon.”
Vous avez surtout brillé lors de cette
campagne historique en Coupe d’Europe.
Vous n’avez pas joué le premier match
au Rapid Bucarest mais Gille Van Binst
m’a raconté une anecdote de la veille
dans votre chambre d’hôtel.

Pina intervient : “Ah bon ? Tu me ca-
ches quelque chose, chou ?”

Michel : “Mais non, Lou. Ils ont loué

une fille pour moi. C’est ce qu’on appelle
de l’initiation. J’avais 19 ans.”
Pina : “Cela date d’avant le début de
notre relation. Allez, raconte.”

Michel : “Eh bien, Lou, le Gille m’a en-
fermé dans ma chambre et m’a dit qu’il

avait réglé quelque chose pour moi. Il y a
une belle jeune fille qui est rentrée et elle
s’est déshabillée. C’était le communisme.

Pour des bas nylon et un paquet de ciga-
rettes, tu avais tout. Ce que j’ignorais,

c’était que toute l’équipe était témoin de

la scène depuis le balcon de ma cham-
bre… Ah, le Gille. Dans ce même hôtel, il

se baladait nu sous un long pardessus,
comme celui de l’inspecteur Colombo.
Quand il croisait une fille, il ouvrait son
pardessus et lançait : ‘Coucou !’. Et par

superstition, il ne lavait pas son slip pen-
dant deux ou trois semaines. Puis il le dé-
posait dans mon sac. C’était le guignol

de la bande. Mais sur le terrain, il y al-
lait. Dans cet Anderlecht-là, il y avait les

vedettes et les porteurs d’eau, comme
moi. Je connaissais mon rôle.”

Vous avez joué une bonne finale contre
West Ham.
“La veille, j’étais pourtant nerveux

quand Croon m’a annoncé que je débu-
terais. On m’a donné un cachet pour sa-
voir dormir. Je me souviens aussi d’une

anecdote du jour de la finale. Un type de
notre sponsor Adidas était passé à notre
hôtel avec une grande caisse. On devait

tous mettre nos chaussures de foot de-
dans. Moi, je jouais avec Puma parce que

je ne me sentais pas bien dans des Adi-
das. Pendant trois heures, le gars s’est

amusé à repeindre nos chaussures. Il fal-
lait que les trois lignes blanches d’Adidas

soient visibles parce que le match était
retransmis en direct à la télé. J’ai joué
avec des Pumas repeintes en Adidas.
C’était le début du sponsoring.”
Il paraît que vous étiez le premier à
quitter la fête après le match.
”Mon père était très strict. L’école

avant tout. Les discothèques, je ne con-
naissais pas ça. Pendant toute cette sai-
son, je ne m’étais entraîné que l’après-
midi. J’allais à l’université le matin et je

filais à mobylette à Anderlecht à midi. Je

ne touchais que 175 € de frais de déplace-
ment par mois, plus 300 € par victoire.

Mais j’étais heureux. J’étais un des qua-
tre Mousquetaires formés par le club,

avec Vercauteren, De Groote et Munaron,
qui est arrivé plus tard. Raymond
Goethals a signé à la fin de cette saison.

Il m’a dit : ‘Soit tu arrêtes l’école et tu de-
viens pro. Soit tu pars.’ Mon père ne m’a

pas laissé le choix. Et Georges Heylens
est venu me chercher pour aller à l’Union
en D2. Je suis parti en prêt avec option
d’achat.”
Vous avez failli monter en D1 avec
l’Union en 1977.
“On avait une terrible équipe avec Jan
Verheyen, De Bolle, De Nul, Paul Philipp.
On a loupé la montée lors du dernier
match du tour final, contre Waterschei.
Puis la bulle de notre président et

homme d’affaires Ghislain Bayet a ex-
plosé. Il n’y avait plus d’argent. L’Union

n’a pas su m’acheter. Je suis retourné à

Anderlecht. Dommage, parce que l’am-
biance au Parc Duden était exception-
nelle. Dans les tribunes, il y avait autant

ou même plus de monde que mainte-
nant.”

Vous n’avez plus joué qu’un seul match à

Anderlecht lors de votre deuxième pas-
sage au Parc Astrid : une montée au jeu

pour Coeck contre Beringen.

“Ah, je ne savais même plus cela. Pen-
dant deux saisons, j’ai joué en réserves,

avec Martin Lippens comme coach. Il

était l’adjoint de Goethals en équipe A et
devait entraîner l’équipe B. Je n’ai jamais

fait de mon nez. Je travaillais à la ban-
que CGER – je n’ai finalement jamais uti-
lisé mon diplôme de physiothérapeute –

et je jouais mes matchs avec les réserves.

Je suis allé au Parc des Princes pour as-
sister – en tant que spectateur – à la

deuxième finale gagnée, cette fois contre
l’Austria Vienne.”
En 1979, vous retournez à l’Union, qui
descendra en D3 au terme de cette
saison.
“Le public était encore là lors de cette

saison de la relégation. Mais pour le
reste, c’était le déclin total. Il n’y avait
plus d’argent, rien. Après cette saison, je
suis parti jouer à Hal.”
Et plusieurs années plus tard, vous avez
repris une fonction à Anderlecht.
“En tant qu’entraîneur des minimes
nationaux. Et pendant trois ans, j’étais
responsable de l’équipe des vétérans. Ce
n’était pas évident de convaincre les

grands noms de venir jouer. Quand Mi-
chel Verschueren lisait dans le journal

qu’on avait joué avec une équipe d’in-
connus, il m’appelait pour m’engueuler.

On avait pourtant des chouettes tournois
en France, en Italie et en Allemagne, où
on a joué contre Rummennigge. Heylens
venait parfois, De Nul aussi, Merckx est

venu une fois. Haan est arrivé en hélicop-
tère pour un match dans le Limbourg.

Van Binst était également présent, mais
il est resté dans la buvette. Résultat des
courses : la moitié des spectateurs est

restée chez le Gille pour écouter ses his-
toires.”

On ignorait que vous avez été scout à
l’Union.
“Aussi pendant trois ans. Je partais le
vendredi et je revenais le dimanche soir.

On parcourait toute la Belgique. On tra-
vaillait à l’ancienne. Je notais tout et un

caméraman filmait le match. Puis on ex-
pliquait tout à l’entraîneur, sur des gran-
des feuilles attachées au mur, avec des

marqueurs et des stylos. C’était l’époque

où Meunier jouait à Virton. Après dix mi-
nutes de match, j’ai appelé notre prési-
dent d’honneur pour dire qu’il fallait le

prendre. Finalement, le comité a décidé
que c’était trop compliqué de lui donner
un studio et un job…”
Vous êtes plus supporter d’Anderlecht,
mais vous vous sentez aussi Unioniste ?
“Comme beaucoup de Bruxellois. À
l’époque, Anderlecht jouait le samedi
soir et l’Union le dimanche après-midi.

Beaucoup de Bruxellois allaient encoura-
ger les deux équipes. À long terme – d’ici

40 ou 50 ans, quand je ne serai plus là –
je crois qu’une fusion sera inévitable
pour pouvoir signifier quelque chose en
Europe. Maintenant, on n’est plus rien en
Europe. Quand on mène 1-0 contre une
équipe inconnue, on panique, tellement
on a peur d’encaisser. Avant, on savait
que le match était plié quand on menait
1-0.”

L’Union pourrait redevenir le club nu-
méro 1 de Bruxelles ?

“Peut-être dans une vingtaine d’an-
nées, quand le club aura ajouté plu-
sieurs titres à son palmarès, comme

dans les années 1930. Pour le moment, il
n’y a pas photo au niveau des trophées.
Mais je dois dire que leur propriétaire
anglais fait du bon boulot. Il trouve les
pièces qu’il faut pour son puzzle. Et dès

qu’ils partent – comme Undav – ils per-
dent de leurs capacités.”

Vous allez parfois voir Anderlecht ou
l’Union ?
“À la télé, je regarde tous les matchs.
Mais dans le stade, on ne va voir que les
Anderlecht – Charleroi, parce que c’est le
premier match que j’ai vu avec ma
mettre une cravate”

“Notre neveu Lolo, à qui j’ai
offert mon écharpe
d’Anderlecht – West Ham, a
été retrouvé dans le canal,
le dimanche de Noël.”

femme, il y a cinq ou six ans. Elle a adoré
l’ambiance. Le jour où elle goûtera à
l’ambiance à l’Union, elle voudra y aller
toutes les semaines.”
Vous avez aussi été mis à l’honneur en
tant qu’ancien vainqueur de la Coupe
d’Europe, avant Anderlecht – West Ham,

avec Haan, Ressel, De Groote et This-
sen.

Michel : “Correct. J’ai pris du poids –
quand on vit entre les Italiens à Tubize,
on ne fait que bouffer – mais Haan et
Ressel aussi. Je leur ai demandé s’ils
étaient devenus gros à cause du fric
qu’ils mettaient partout dans leur veste.
(rires). Je ne crois pas que Coucke savait
qui j’étais, mais je lui ai quand même dit
qu’il devrait mettre une cravate en tant
que patron d’Anderlecht. Il m’a répondu :
‘L’habit ne fait pas le moine.’ Je veux
bien, mais il doit quand même savoir
qu’Anderlecht, c’est le style cravate.
L’Union, par contre, c’est le style ‘cosy’, le
club de la joie. À la réception après le
match, j’étais assis à côté du président
Vandenhaute. Il m’a demandé ce que je
pensais de Mazzù. J’ai dit que c’était un
bon psychologue et qu’il était fait pour
des clubs comme Charleroi et l’Union,

mais qu’il ne réussirait jamais à Ander-
lecht. Dès que des gars avec un grand

ego dans le vestiaire tapent sur la table,
ça ne va plus. Vandenhaute m’a dit qu’il

s’est peut-être laissé emporter par le suc-
cès de Mazzù. Puis j’ai dessiné mon

équipe type sur ma serviette. Avec quatre
défenseurs. Il a dit que la direction avait

la même idée, mais qu’il n’était pas l’en-
traîneur.”

Pina : “(En larmes) Quand vous parlez
de ce match Anderlecht – West Ham, je
pense à Lolo.”
Michel : “C’est une triste histoire, ça.
Même un drame. J’avais reçu une
écharpe d’Anderlecht et West Ham, je
l’avais offerte à Lolo, le neveu de mon
épouse. C’était un très grand supporter
de West Ham. La semaine avant Noël, il
est venu ici. Je lui avais promis d’aller
voir un match de West Ham à Londres.
Mais je trouvais que mentalement, il
était absent. Le dimanche de Noël, on
était au restaurant en famille quand on
nous a annoncé qu’on l’avait retrouvé
dans le canal. Mort. Il avait 43 ans. On l’a
enterré ce mardi. Avec l’écharpe sur son
cercueil…”

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