Propriétés de Tony Bloom, Brighton et l’Union
Saint-Gilloise vont tous les deux se qualifier
pour l’Europe pour la première fois. “Ce n’est
pas un souci”, explique-t-on à l’Union.
S ixième de Premier
League à deux jour-
nées de la fin… avec
un match en retard en plus
que la concurrence à dispu-
ter : les chances sont gran-
des pour que Brigh-
ton & Hove Albion termine
le championnat anglais à
une des sept places euro-
péennes et soit qualifié
pour une coupe continen-
tale pour la toute première
fois. Un “milestone” dans
l’histoire de ce club de la
côte sud-est de l’île, racheté
par le milliardaire local,
Tony Bloom, en 2009.
Cela pourrait-il avoir des
conséquences sur le destin
européen de l’Union Saint-
Gilloise ? La question se
pose vu l’actionnariat majo-
ritaire, qui est le même
dans les deux clubs, et vu
les textes de l’UEFA, a priori
intransigeante à cet égard.
L’article 5 du règlement des
Coupes d’Europe, sur la
“multipropriété” annonce
que “pour assurer l’intégrité
des compétitions UEFA de
clubs”, “aucun individu […]
ne peut avoir le contrôle ou
l’influence dans plus d’un
club participant à une compé-
tition UEFA de clubs”.
L’instance européenne
définit ensuite “influence” et
“contrôle” comme le fait de
“détenir la majorité des droits
de vote” ou “avoir le droit de
nommer ou démettre une ma-
jorité de membres de l’admi-
nistration ou de la direction”
du club, ou encore “être en
mesure d’exercer d’une quel-
conque manière une in-
fluence décisive sur le proces-
sus décisionnel du club”.
. Une analyse
commandée dès 2018
Or, Bloom est aussi l’ac-
tionnaire majoritaire du
club bruxellois depuis le ra-
chat par la société à respon-
sabilité limitée anglaise
Langford Holdings Limited
au printemps 2018. Lang-
ford est codétenu par
Bloom et Alex Muzio, qui
est le président de l’Union.
Bloom, actionnaire majori-
taire et président de Brigh-
ton, pourrait-il être consi-
déré comme ayant une in-
fluence dans deux clubs
européens ? “Non”, assure-
t-on du côté de Saint-Gilles.
“Dès la reprise du club il y a
cinq ans, une société externe
avait été mandatée pour ana-
lyser cette situation et son
avis était clair qu’il n’y aurait
pas de problème en cas de
qualification des deux clubs,
car M. Bloom n’est pas impli-
qué dans l’organisation et la
gestion journalière de
l’Union, explique Philippe
Bormans, CEO de la RUSG.
M. Bloom est un investisseur,
mais silencieux, car il n’a pas
d’influence sur le travail du
club et n’est pas membre du
Conseil d’administration non
plus. C’est la première fois
que la situation pourrait se
présenter, mais nous n’avons
pas reçu de question spécifi-
que de l’UEFA à ce sujet. Quoi
qu’il en soit, nous sommes à
100 % certains que cela ne po-
sera pas de problème.”
“En tant que propriétaire et
président du club anglais de
Brighton & Hove Albion FC,
évoluant en Premier League,
Tony Bloom ne sera pas impli-
qué personnellement dans le
management de l’Union
Saint-Gilloise et n’occupera
pas de poste de directeur
dans notre club”, avait déjà
annoncé l’Union sur son
site internet dès son rachat
par l’ancien joueur profes-
sionnel de poker, en
mai 2018.
. Bloom,
décisionnaire minoritaire
Pour renforcer cela, Mu-
zio et Bloom ont procédé en
avril 2019 à une opération
visant à modifier les droits
de votes de leurs parts,
pour faire en sorte que,
même s’il est actionnaire
(très) minoritaire de Lang-
ford, Muzio dispose en réa-
lité d’un droit de vote majo-
ritaire et, Bloom, d’un droit
de vote minoritaire, malgré
sa majorité d’actions. Sur
papier, le poids décisionnel
dans Langford, qui pèse
34 millions € d’après les
comptes publiés en 2022,
n’est donc pas chez Bloom.
Par ailleurs, trois autres
personnes impliquées à Bri-
ghton et parfois conviées à
l’Assemblée générale de
l’Union ont quitté la struc-
ture du club bruxellois ces
derniers mois : Paul Mullen,
qui est aussi COO (chief ope-
rating officer) de Brighton,
Russell Wood, directeur
commercial de Brighton, et
Jennifer Gower, responsable
de la billetterie du club an-
glais, avait révélé Het Laatste
Nieuws il y a peu. “Elles ne
sont pas parties pour ces rai-
sons-là ; il s’agissait simple-
ment de personnes invitées,
mais non membres du Conseil
d’administration”, répond
Bormans, sans en dire plus.
. L’Union prioritaire
sur Brighton
Rien ne relie Brighton à
l’Union à ce jour, assure-
t-on donc du côté de la
Butte, où l’on combat l’idée
que Brighton et Union se-
raient membres d’un
même réseau. Et ce, même
si le propriétaire est le
même et même si Brighton
a prêté quelques joueurs
ces dernières années à son
“cousin”. “Le fonctionnement
est transparent : je suis le CEO
et je suis en contact avec le
président, Alex Muzio.
M. Bloom et Brighton ne sont
pas liés à l’Union au niveau
du recrutement non plus”,
ajoute Bormans, faisant
écho à ce que nous avait ex-
pliqué le directeur sportif
du vice-champion de Pro
League, Chris O’Loughlin,
exemples à l’appui.
Le message est clair : reste
à voir s’il convaincra bien
l’UEFA si qualification euro-
péenne il y a, pour Brigh-
ton. En cas de désaccord, ce
serait probablement le club
anglais qui aurait un pro-
blème, car le règlement
UEFA prévoit dans une telle
situation que c’est “le club
qualifié pour la moins presti-
gieuse Coupe d’Europe” ou le
moins bien classé au cham-
pionnat qui est sanctionné
d’une non-qualification.
Vers un lifting du règlement UEFA ?
Comme l’Union SG et Brighton, de plus en
plus de clubs ont des liens avec d’autres
engagés eux aussi en Coupe d’Europe.
L es liens entre les
clubs de différents
championnats sont
devenus légion. Même si
l’on ne peut certainement
pas parler de “réseau de
clubs” dans le cas de
l’Union et Brighton, cette
pratique ne fait que mon-
ter en puissance, ces dix
dernières années, au point
de faire passer Roland Du-
châtelet pour un vision-
naire.
La question de l’in-
fluence revient donc de
plus en plus souvent dans
l’actualité. Le cas le plus
emblématique a été celui
de l’empire Red Bull, qui
possédait les clubs de Salz-
bourg et Leipzig, sur le
Vieux Continent, et a dû
modifier sa structure à l’été
2017, lorsque les deux for-
mations se sont qualifiées
pour la Ligue des cham-
pions. Un changement
(cosmétique ?) dans l’orga-
nigramme du club autri-
chien avait été opéré pour
répondre à l’UEFA, qui esti-
mait après enquête que le
fameux article 5 était violé.
. Toulouse et Milan
dans l’embarras
En France, la même ques-
tion se pose actuellement
pour Toulouse, qualifié
pour l’Europe via la Coupe,
et l’AC Milan, puisque les
deux clubs appartiennent
au fonds d’investissement
américain RedBird. 777 Par-
tners, qui possède le Stan-
dard chez nous, pourrait
également être confronté à
ce problème tôt ou tard,
puisqu’il est également ac-
tionnaire majoritaire du
Hertha Berlin, de la Genoa,
qui remonte en Serie A, ou
encore du Red Star en
France.
Face à la multiplication
de ces situations… et le po-
tentiel rachat de Manches-
ter United par un autre pro-
priétaire de réseau, Aleksan-
der Ceferin, le président de
l’UEFA, avait d’ailleurs ex-
pliqué en mars que l’“on ne
peut pas juste dire non aux
investissements de multipro-
priété. On doit décider quel-
les règles on veut mettre en
place dans ces cas-là.”
Un lifting en vue qui ras-
surera beaucoup d’investis-
seurs, mais permettra pro-
bablement aussi à des si-
tuations peu saines de se
multiplier.