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Michou, une p’tite Mauve qui soulève « La Coupe » depuis 40 ans  
Michou, une p’tite Mauve qui soulève « La Coupe » depuis 40 ans  

XAVIER THIRION

Ne parlez pas de pression avant un match des Mauvesà Michou, cela fait 40 ans qu’elle gère…Hatim Kagat

À l’occasion des 40 ans de « La Coupe », Michou a été mise à l’honneur par le RSCA, lors du Clasico. Mais qui est vraiment la plus célèbre supportrice du Sporting ? Bien davantage qu’un petit bout de femme fanatique des Mauves  

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J’avais un beau bonnet de laine tricoté par ma mère. Un écusson de l’Anderlecht cousu sur mon derrière. Bien avant que je savais prononcer papa ou maman. Sur le terrain, je criais, je gueulais : ‘Allez les mauves et blancs’. » Le Grand Jojo n’a pas composé sa célèbre chanson « Anderlecht champion » pour son amie Michou Dehenain (77 ans), mais ça aurait pu.

Pas d’écusson du RSCA cousu sur son derrière, mais des sous-vêtements invariablement mauves et blancs, et un tatouage de l’amour de sa vie sur son biceps, pour ce petit bout de femme à la démarche reconnaissable entre mille, avenue Théo Verbeeck. « Ce tatouage date de 1986 », explique-t-elle. « J’ai dû être la première femme de Belgique à être tatouée avec l’écusson du club. On a toujours été un peu barjos dans la famille. »

Une famille qui, tant du côté maternel que paternel, supporte Anderlecht de manière inconditionnelle depuis quatre générations. Née en 1946, au cours de la saison du premier titre de champion de Belgique du Sporting, Michou en est le plus incontournable symbole.

Supportrice

dès le plus jeune âge

Confiée très jeune à sa grand-mère maternelle à la suite de la séparation de ses parents, Michou fréquenta le patro et les guides mais, bien plus que le foulard, c’est l’écharpe qu’elle aimait porter. Dès qu’elle a su marcher, son papa venait la chercher chaque week-end pour assister aux rencontres des Mauve et Blanc. À 2 ans, elle vivait son premier match dans le stade Émile Versé avant de connaître, juste avant ses 10 ans, son tout premier déplacement. Laveur de vitres, son paternel ne la priva plus du moindre match à l’extérieur dès l’instant où il reçut une voiture de fonction. Le jour où Anderlecht ne jouait pas, le White Star ou l’Union étaient au programme dominical. À la télévision, c’était le Real Madrid, où la famille a des origines, qui faisait déjà vibrer la petite Michou. Jamais autant, toutefois, que ses idoles de Saint-Guidon.

« Je n’avais pas encore 5 ans qu’on m’obligeait à entonner le refrain à la gloire de Cassis Adams sur le chemin du stade. Après avoir bu quelques godets place de la Vaillance, au Chapeau Blanc puis rue porcelaine, on faisait une dernière halte place de Linde dans un célèbre établissement rempli de billards. Là, debout sur la table, je chantais systématiquement la même chanson : ‘Monsieur attendait au café du palais…’. Attendris, les gens me donnaient quelques pièces. C’était mon argent de poche pour la semaine, comme disait mon père. »

« La Coupe »

Si « La Coupe » est aujourd’hui ancrée dans l’imaginaire collectif de tout sympathisant anderlechtois qui se respecte, après 40 années d’activité face à l’entrée principale du stade Constant Vanden Stock – pour Michou, il ne changera jamais de nom –, elle n’a pas toujours été synonyme de joie et d’insouciance pour sa propriétaire. En 1983, privée de mutuelle, d’allocations familiales et de droit au chômage à la suite d’un divorce pour le moins compliqué, Michou réalise le rêve de sa vie en reprenant ce café ayant succédé au « Jury » trois ans plus tôt. Elle bossera toute sa vie pour qu’il lui appartienne définitivement.

Lorsque « La Coupe » entre dans le quotidien de sa fille Pascale, à 8 ans à peine, la gamine a déjà fêté deux coupes d’Europe dans les gradins du Heysel en 1976 et à Paris, deux ans plus tard. Deux nuits de fête mémorable durant lesquelles Michou sillonne les rues d’Anderlecht fièrement assise sur le capot de la belle Mercedes familiale.

La réalité la rattrapera bien vite. Le divorce, les dettes et « ma petite Volvo qu’on a failli me saisir alors que notre restaurant ‘Le Caporal épinglé’ (devenu L’Ascoli, chaussée de Waterloo à Uccle, NDLR) nous avait offert un magnifique train de vie durant de nombreuses années. » Mais pas question pour Michou, attachée aux valeurs transmises par sa grand-mère, de suivre son homme dans son projet de clubs libertins.

Son bar à elle, après avoir aussi tenu le Royal Racing Club de Bruxelles et le Mazarin (local de l’ABSSA), ce sera donc celui de « La Coupe ». Depuis quatre décennies, elle y est la confidente et la deuxième maman de beaucoup. « Ma grand-mère m’appelait déjà Menie Grégoire ou Mère Theresa ».

Onomatopées ou discours philosophiques, Michou se met au niveau de chacun de ses interlocuteurs. Mais chez elle, c’est le degré zéro de tolérance pour la violence. Les gars du O-Side, en plein hooliganisme dans les années 80, ont rapidement trouvé à qui parler. Pas plus tard que jeudi soir après le Clasico, quatre lascars ont vite ravalé leurs intentions belliqueuses lorsqu’ils ont vu ce petit bout de femme d’1m50 les empoigner un par un.

Un train de vie sain

Oiseau de nuit, Michou n’a jamais dormi plus de 5 heures par jour mais elle garde toujours l’esprit vif. Son secret pour tenir ? Pas d’alcool pendant le match, qu’elle vit intensément en tribune, « et un Cécémel à la mi-temps pour remettre de l’ordre dans l’estomac. » Même la vingtaine de « p’tits mauves » – spécialité maison qui n’a rien à voir avec du péket – offerts chaque soir de match par les clients ne lui font pas perdre la tête. Main de fer dans un gant de velours, telle une bonne institutrice. Elle en a le diplôme, décroché aux Filles de la Sagesse, mais les circonstances de la vie ne lui ont jamais permis d’exercer. Ses premières années professionnelles, elle les vécut comme secrétaire de direction dans une entreprise de construction. Qu’importe, elle enseigna la vie à bon nombre de joueurs durant toutes ces années. Son aura a toujours largement dépassé le cercle fermé de ses parrains Czernia, De Greef, Frimann, Oliveira, Zetterberg, Crasson ou Gillet. C’est à « La Coupe » qu’Henrik Andersen rencontra son épouse. Et, si Benito Raman est depuis quelque temps son plus fidèle ambassadeur, Michou a officialisé vendredi dernier le parrainage de Théo Leoni.

Les heures de gloire

Lorsqu’ils n’ont pas l’un de leurs favoris à se mettre sous la dent, les fans se délectent des centaines de photos retraçant l’histoire du RSCA. Un trésor soigneusement enrichi au fil des ans par la patronne de « La Coupe », qui avait dépensé pas moins de 50.000 francs belges, à l’époque, pour acquérir les premiers clichés. Une exposition permanente, proposée sur des murs tapissés d’une moquette verte d’un autre âge – comme les banquettes – et traversée de dizaines de sigles RSCA. Un cadeau kitch mais savoureux de Mister Michel, qui n’avait pas voulu que sa « grave petite bonne femme » lui paie les 50 mètres carrés d’un tapis ayant très longtemps recouvert le sol des salons feutrés du parc Astrid. Michou n’avait demandé aucun privilège au manager général du Sporting, mais elle a l’art d’obtenir gain de cause. Lorsqu’elle se retrouva dans les bureaux de Verschueren pour discuter de l’avenir de son gendre Luis Oliveira en 1989, les murs tremblèrent. Le talentueux Brésilien n’en obtint pas moins tous les avantages qu’un certain Vladimir – il était aussi l’agent de Krncevic et de de Mos – lui avait dit d’exiger. « Tout le monde a cru que j’avais touché le pactole lors de son transfert à Cagliari pour 120 millions de francs belges mais j’ai juste reçu une montre Cartier de la part de son conseiller. »

« La Coupe » vivait alors ses heures de gloire, faisant même office de ticketing sur le temps de midi. Et sa responsable, avec l’aide de sa maman Micky (96), un autre phénomène, bouclait des journées de 20 heures. Les joueurs de minifoot de la salle Simonet assuraient l’ambiance jusqu’au milieu de la nuit en semaine tandis que les 50 kilos de moules du vendredi chauffaient la salle en vue du week-end.

Faute de clients, Michou ne rentre aujourd’hui de Tenerife – elle y vit avec sa maman dans un appartement exclusivement mauve et blanc depuis 2011 – que pour les jours de match. Aux îles Canaries, elle vient de fonder le club de supporters « Hòla Anderlecht Tenerife ». Souvent loin des yeux mais toujours près du cœur.

Mise à l’honneur

Pour les 40 bougies de son bébé, Anderlecht a eu le bon goût de mettre sa mamy préférée à l’honneur, ce dimanche, à l’occasion du deuxième Clasico en l’espace de quatre jours. La dernière icône à avoir été acclamée au parc Astrid est Paul Van Himst pour ses 80 ans. À sa façon, Michou est aussi une légende du RSCA. Sa « petite fleur », comme l’avait rebaptisée Constant Vanden Stock.

Une petite fleur dont le cœur a saigné jusqu’à la dépression, lorsque le Sporting faillit déménager à l’autre bout de la capitale voici quelques années et quand les belles promesses de Marc Coucke accouchèrent d’une demi-décennie de désillusions avant le renouveau actuel. Il a également beaucoup pleuré, lors du décès inopiné d’Eric Foulon la nuit de la qualification à La Louvière, le 9 novembre. Comme son grand ami l’avait souhaité, elle a répandu une partie de ses cendres sous la place qu’il occupait à ses côtés depuis quarante ans, en tribune 1.

Dimanche, au même titre qu’à ses plus fidèles complices de « La Coupe » (Françoise, Muriel, Murielle, Fabrice, Olivier, Carlos, son neveu Jordan, sa fille Pascale et sa sœur Fabienne), elle lui a dédié l’ovation que lui a réservée toute la famille anderlechtoise. Et les larmes ont coulé ; comme la bière dans son café…

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