Alors que le Sporting de Charleroi et l’Union Saint-Gilloise se sont métamorphosés ces dernières années, le technicien carolo du parc Duden a grandi de son expérience à Genk, en enrichissant ses principes
LE SPORTING A BIEN CHANGÉ
BENJAMIN HELSONnexQuand on regarde le Sporting de Charleroi version 2018-2019, le dernier de Felice Mazzù, puis celui qui se produit depuis le début de la saison sous Edward Still, il y a un monde de différence, cela saute aux yeux sous de nombreux aspects. Le matricule 22 s’est métamorphosé ces derniers mois et Felice Mazzù lui-même va probablement ouvrir de grands yeux ce samedi en revenant au boulevard Zoé Drion, en tant qu’adversaire pour la première fois depuis mi-septembre 2019. Le changement était moins net alors qu’il avait vidé son casier quelques mois auparavant.Remis en couleurs, le couloir qui mène au terrain n’a plus rien de l’arrivée sur le pré austère d’antan. Quant au noyau, la plupart des joueurs ne savaient pas situer Charleroi sur une carte du temps où Felice Mazzù faisait des merveilles avec le Sporting. C’est en tout point un RCSC bien plus professionnalisé que le Belgo-Italien va retrouver ce samedi.Ce virage moderne a été pris sous la houlette d’Edward Still, mais n’aurait certainement pas été possible sans le passage de Felice Mazzù en bord de Sambre. « Felice est à la base de tout le développement du club. Il a grandi avec nous, mais la réciproque vaut également », pointe d’emblée Pierre-Yves Hendrickx. Sous la nouvelle direction, l’ancien entraîneur du White Star restera « celui de toutes les premières, que ce soit le retour en Europe, l’accession aux Playoffs 1 ou la victoire en Playoffs 2 », ajoute le directeur administratif du club.Certes, la direction avait vu juste en tentant les paris Neeskens Kebano, Cristian Benavente, Victor Osimhen ou encore Dodi Lukebakio et Kaveh Rezaei – première époque –, mais c’est bel et bien Felice Mazzù qui a fait croître leur valeur pour permettre au Sporting de grandir petit à petit, grâce à des finances de plus en plus saines chaque année. Et ce sont ces finances dans le vert qui permettent au cercle hennuyer de poursuivre sa croissance et de continuer à investir dans ses installations, malgré l’arrivée future d’un nouveau stade et d’un centre d’entraînement.Il a marqué l’histoire du clubSi cela ne s’applique pas qu’à Charleroi, Felice Mazzù a ouvert la voie à de nombreux entraîneurs par la suite. Pierre-Yves Hendrickx nous contait récemment la fierté du club d’avoir fait (re)découvrir trois entraîneurs plus que crédibles en D1A ces dernières années. « C’est un exemple à plein de niveaux et il a montré que c’était possible de réussir au plus haut niveau sans un passé de joueur professionnel », expliquait Edward Still ce vendredi. « Felice est l’un des entraîneurs qui aura le plus marqué l’histoire du club et là, je ne parle pas uniquement du Sporting sous la nouvelle direction. Cela a été important pour moi de m’immiscer dans le passé du club pour en comprendre son fonctionnement. » Et celui-ci n’a probablement pas d’égal parmi l’élite belge.Carolo jusqu’au bout des ongles, Felice Mazzù avait permis à ce modèle de se pérenniser. Notamment autour d’un plan de jeu où les transitions rapides se taillaient la part du lion. Si les performances sur attaque rapide n’ont pas disparu, les hommes ont trop changé – dans le staff et sur le pré – pour estimer que ce réflexe soit issu du temps de Felice Mazzù. C’était davantage le cas sous Karim Belhocine puisque le noyau carolo – stable depuis plusieurs saisons et donc vieillissant – n’avait pas encore été chamboulé comme ce fut le cas l’été dernier. « Il mérite le plus grand respect, que ce soit comme entraîneur ou comme personne », conclut Edward Still.
FIDÈLE À SES PRINCIPES
Arrivé à l’Union il y a plus d’un an et demi, Felice Mazzù a réalisé des miracles, permettant à l’Union de s’extirper de D1B jusqu’à se hisser au sommet de la D1A. Pour autant, le coach saint-gillois, lui, ne semble pas avoir dérogé à ses principes. C’est ce que Damien Marcq a pu constater lorsqu’il a débarqué à la Butte durant l’été 2021. Il avait, à cette occasion, retrouvé un coach qu’il avait côtoyé durant quatre saisons à Charleroi, entre 2013 et 2017. Mais qu’il n’avait jamais perdu de vue. « On continuait à se tenir au courant, à s’envoyer des messages et à s’appeler, même quand j’évoluais à Gand et à Zulte. Cela fait dix ans qu’on se connaît. J’ai pu remarquer, quand je suis arrivé à l’Union, que son envie de nous apprendre le football, de nous expliquer ce qu’il attend de nous au niveau de nos mouvements et de nos courses est restée intacte. J’ai retrouvé la même personne, avec sa joie de vivre et le fait qu’il mette une bonne atmosphère dans le groupe. Il parle toujours autant avec les joueurs. Et ce, quel que soit leur statut. Titulaire, blessé, suspendu : il ne fait aucune différence. Il est resté très proche de nous. Et c’est son approche très humaine qui fait qu’on a envie de se battre pour lui. »Mais pour autant, Damien Marcq a noté plusieurs changements notables dans le chef du Carolo, dont le principal : son schéma tactique. « Quand j’étais sous ses ordres à Charleroi, c’était un fervent défenseur du 4-4-2 ou du 4-2-3-1. Si on lui avait parlé à l’époque d’un système avec trois défenseurs et deux pistons, il aurait sauté au plafond. Mais je pense que c’est son expérience à Genk qui l’a fait grandir. Il a joué contre des grandes équipes, notamment en Ligue des Champions, avec des systèmes différents et qui savent en changer en cours de match. Sa vision du football a en quelque sorte évolué. Elle s’est élargie. C’est ce qui lui permet de réaliser de telles choses avec l’Union cette année, tout en proposant du beau football. »« Il a rodé son système la saison dernière »Du beau jeu accompagné d’efficacité. Car à la manière, il a apporté des résultats probants. Alors qu’il affichait un bilan de 78 victoires et 86 défaites (pour 66 nuls) avec les Zèbres en six saisons, il en est à 42 victoires et 8 défaites (et 7 nuls) avec l’Union, en un peu plus d’un an et demi. « Mais on n’est pas non plus dans la même dynamique », réagit encore Damien Marcq. « À Charleroi, c’était le renouveau d’un club. Mehdi Bayat venait de reprendre les rênes et il fallait construire. Alors qu’à l’Union, la saison dernière en D1B lui a permis de roder son système avec des joueurs de qualité, au-dessus de la moyenne pour la D1B. Je me demande d’ailleurs toujours comment des Undav, Nielsen ou Moris ont pu jouer en D1B pendant plusieurs saisons. Sa culture de la gagne a dès lors pu évoluer. »Tellement que Felice Mazzù n’a tout simplement jamais perdu deux matches d’affilée depuis qu’il est arrivé à l’Union. Et que chaque défaite a permis de relancer une nouvelle dynamique, positive. Sera-ce une nouvelle fois le cas ce week-end après le revers subi face à Saint-Trond dimanche dernier ? « En tout cas, il nous pousse toujours à aller plus loin pour gagner, à faire le maximum dans les efforts. C’est cela qui fait qu’on est capable d’enchaîner les grosses prestations. »Nul doute, dès lors, que les Unionistes seront remontés à bloc ce samedi soir à l’heure de monter sur la pelouse du Mambourg.
L’ADJOINT DE MAZZÙ RETROUVE AUSSI LE MAMBOURG
PROPOS RECUEILLIS PAR VINCENT MILLER
Karel Geraerts a porté le maillot des Zèbres pendant deux saisons, entre 2014 et 2016.
Photo News / Peter De Voechtprevnext
Dans le staff saint-gillois, il n’y a pas que Felice Mazzù qui va retrouver le Mambourg. Ce sera aussi le cas de Karel Geraerts, son adjoint, qui avait terminé sa carrière de joueur au Sporting de Charleroi en 2016.Karel, retourner au stade du Pays de Charleroi après autant de temps, cela doit vous faire quelque chose.Oui, car c’est la première fois que j’y reviens dans un rôle de terrain (NDLR : il était apparu comme coordinateur sportif avec Ostende). C’est un vrai retour pour moi. Cela fait déjà plus de cinq ans que je suis parti mais j’ai l’impression que c’était hier. Le temps passe si vite !À vous entendre, on présume que vous gardez de bons souvenirs de votre passage au Pays noir ?J’y ai vécu deux excellentes saisons, au sein d’un vestiaire très positif et qui comptait beaucoup de nationalités. C’était une expérience très spéciale mais qui s’est révélée magnifique.Comment vous êtes-vous, en 2014, retrouvé à Charleroi après OHL ? Un choix qui pouvait paraître surprenant.Je n’ai jamais eu peur d’accepter les challenges. Il y a vingt ans, quand j’ai choisi de partir de Bruges pour le Standard, tous les gens me disaient que j’étais fou. Quand je suis parti à Charleroi, beaucoup se sont demandé ce que j’allais faire là-bas, se disant que ce n’était pas un bon choix. Il faut toujours écouter le projet et puis prendre une décision, peu importe ce que les gens racontent. Une fois que ma décision était prise, je ne me suis pas trop posé de questions et j’y ai été à fond.Vous ne l’avez visiblement pas regretté…Absolument ! Je peux affirmer que je suis un Flamand qui aime Charleroi. J’apprécie beaucoup la ville et les gens là-bas.Comment aviez-vous été accueilli au Sporting, sachant que vous aviez porté le maillot du Standard ? Quand on connaît la rivalité qui existe entre ces deux clubs…Quand j’ai signé à Charleroi, il y a eu un peu de remous. Des gens se demandaient comment les supporters allaient réagir. Mais les fans des Zèbres m’ont directement accepté parce que j’étais un joueur qui donnait tout et qui était toujours ouvert à la discussion. Je suis toujours resté moi-même et les gens apprécient cela.Connaissez-vous encore des gens à Charleroi ?Il n’y a plus de joueurs avec qui j’ai évolué. Mais je retrouverai Frédéric Renotte, le préparateur physique qui est de retour cette saison, ainsi que Mehdi Bayat et Pierre-Yves Hendrickx, sans oublier « Bello », le magasinier. Pour moi, ce sera vraiment une super-rencontre samedi soir.Que pensez-vous de ce Sporting version 2021-2022 ?Il y a un nouvel entraîneur qui travaille avec un grand noyau. Il y a dès lors une grosse concurrence. Pour l’instant, les Zèbres font du bon travail, ils sont sur la bonne voie et veulent se qualifier pour les Playoffs 1.Si l’enjeu est grand pour Charleroi ce samedi, il le sera également pour l’Union qui devra se reprendre après sa défaite contre Saint-Trond. Comment allez-vous aborder ce match ?Le plus important, ce sera d’avoir une bonne réaction. Certes, sous Mazzù, nous n’avons jamais perdu deux matches d’affilée. Mais ce n’est qu’une statistique. Il y a le passé et le futur. Je ne sais pas de quoi ce dernier sera fait. La seule chose que je sais, c’est que les joueurs partiront à Charleroi avec une grosse envie.Vous devrez toutefois vous passer de trois joueurs suspendus, dont Nielsen qui n’a pas encore manqué la moindre rencontre cette saison. Cela vous inquiète ?Non, car on a un bon noyau pour les remplacer. Je n’ai aucun doute là-dessus. C’est le moment idéal pour montrer qu’on a un bon groupe, et non pas seulement onze bons joueurs.Revenons-en à votre carrière d’entraîneur-adjoint. Comment jugez-vous votre évolution, deux ans et demi après votre arrivée à l’Union ?J’ai appris énormément, et de tout le monde. D’abord de Thomas Christiansen, qui a été le premier coach avec qui j’ai collaboré. Et puis de Mazzù, que je connaissais de mon passage à Charleroi. C’est une fierté de pouvoir travailler avec lui. Il est, pour moi, l’un des meilleurs coaches en Belgique et ce, depuis longtemps. Que ce soit mentalement, tactiquement ou au niveau de la communication. En tout cas, venir à l’Union est le meilleur choix que j’ai pu faire il y a deux ans et demi.Comment se passe votre collaboration avec Mazzù ? Vous consulte-t-il pour chaque décision ?Il demande toujours mon avis, ainsi que celui des autres personnes du staff. Mais au final, c’est toujours lui qui prend la décision définitive.C’est vraiment une qualité de savoir écouter puis de trancher ensuite.Contrairement à lui, vous êtes un ancien joueur pro. En quoi votre expérience vous aide-t-elle ?J’ai vécu presque 18 ans comme pro en Belgique, que ce soit au plus haut niveau mais aussi à des niveaux plus bas. Je suis passé par beaucoup de clubs.Je sais dès lors comment le vestiaire va réagir par rapport à telle ou telle situation.Car moi-même, je l’ai généralement vécue. Certes, c’est un gros avantage pour moi, mais je sais aussi qu’il faut avoir d’autres qualités pour être coach.Vous n’avez jamais caché votre ambition d’un jour devenir T1. Si un club vous appelait aujourd’hui, vous sentiriez-vous prêt ? Ou estimez-vous que votre « écolage » n’est pas encore terminé ?Je pense que tu ne sauras jamais si tu es prêt ou non. Cela fait quelques années que je prends de l’expérience, que je parle avec beaucoup de gens dans le monde du football. Je suis convaincu que le jour où je devrai faire un choix, je ferai le bon.Mais on ne sait pas ce que la vie va nous réserver. Cela peut aller très vite, que ce soit dans un sens ou dans l’autre. Donc il faut toujours rester les pieds sur terre et vivre au jour le jour.Pour conclure, la plupart des joueurs de l’Union n’ont jamais foulé la pelouse du stade de Charleroi. À quoi doivent-ils s’attendre ?À un stade très chaud où les supporters savent faire du bruit et mettre de l’ambiance. Les joueurs ont toutefois montré qu’ils étaient capables de gérer leurs émotions quand ils évoluaient en déplacement.Je fais notamment référence au dernier match hors de nos bases face à l’Antwerp. En tout cas, ils sont bien dans leur tête et prêts à affronter une bonne équipe.
LE BEAU JEU DOIT PAYER
BENJAMIN HELSON
Edward Still.
Belgaprev
Une semaine après le revers concédé au FC Bruges, au terme d’un match pourtant très cohérent jusque dans l’avant-dernier geste, le Sporting de Charleroi s’apprête à en découdre avec un autre gros morceau ce samedi puisqu’il reçoit le leader unioniste, dans un Mambourg qui ne devrait pas être rempli à la hauteur de l’affiche. « C’était important de réaliser qu’on a livré un gros match, qu’on aurait mérité au moins un point, mais qu’on n’a pas été assez tueur lors de ce match à Bruges », pointait Edward Still, ce vendredi. Dominer sans parvenir à finir ses rencontres, le matricule 22 l’avait déjà connu plus tôt dans la saison. « La situation était comparable lors de nos matches à Zulte, à OHL et contre Saint-Trond, où on jouait très bien mais on n’était pas toujours assez juste dans le dernier geste. On tente de recréer ces situations à l’entraînement parce qu’il faut de la confiance, mais aussi de la technique. Shamar (Nicholson) a aussi connu ça. Ce côté tueur va revenir, mais ça doit arriver dès maintenant. On n’a plus le temps d’attendre. »« Focalisé sur ce match »Cela commence donc pas la réception de l’Union, qui avait donné une leçon à Charleroi lors du match aller (4-0). « Je regarde très rarement en arrière. Je suis focalisé sur le moment à venir. Certes, on a analysé ce qui s’était passé à l’aller pour comprendre notre adversaire et ce vers quoi il voulait nous mener, mais je ne suis pas du genre à aller chercher de la motivation dans les émotions négatives. De plus, notre groupe a évolué et nous sommes plus avancés en termes de jeu qu’à l’époque », ajoutait Edward Still. Charleroi a en effet changé depuis lors notamment suite à un mercato qui offre davantage de cartouches, mais l’Union aura elle aussi un visage différent de l’aller suite aux suspensions de Nielsen, Van der Heyden et Kandouss. Cela n’a pas pour autant perturbé la préparation de la rencontre dans les rangs hennuyers. « L’Union s’est intelligemment renforcée cet hiver, avec des joueurs ayant une grosse cote en Europe. Les profils sur le terrain seront peut-être un peu différents, mais ça ne va pas altérer l’identité de l’Union. Ce que réalisent les Bruxellois est magique, il n’y a que du positif autour du club et ça remet tout le monde en question au sein du football belge. »Tandis que la phase classique approche de son épilogue, les points sont de plus en plus chers pour chacune des formations ayant encore de réels objectifs. « Cela procure une grande excitation et j’adore ça. Tout le travail mis en place, c’est pour arriver là. Ce match contre l’Union, on ne doit pas le gagner, mais on veut à tout prix le faire pour repousser nos limites », expliquait Edward Still, pour qui la pression actuelle est bien plus positive que si le club jouait pour sa survie. « C’est une pression très positive parce qu’on est bien. On a laissé des points en route et ça changerait la donne pour les PO1, mais le passage de six à quatre équipes modifie les choses aussi. Quand on regarde les équipes autour de nous, elles ont entamé leur processus avant nous. Sur papier, on ne devrait même pas être compétitif… »Charleroi l’est pourtant et tentera de le démontrer face à des Bruxellois qui prennent une partie de la lumière dont le Sporting, en total renouveau, bénéficierait dans une saison sans surprise de la taille de celle de l’Union.