JEAN-FRANÇOIS PATTE
V. Duterne (News), Kipsta, iStock
À quelques heures du coup d’envoi du championnat, Philippe Albert préface cette nouvelle saison. Notre consultant dégage trois grands candidats au titre et prévoit une lutte haletante pour le Top 6.
Huit semaines après l’incroyable dénouement qui a couronné l’Antwerp, la Jupiler Pro League sort de son estivation. Nouvelle saison, nouveaux visages, noyaux remaniés et ambitions adaptées. À l’aube du coup d’envoi de cette campagne 2023-2024 (avec un alléchant Union SG-Anderlecht en ouverture ce vendredi soir), Philippe Albert lance les hostilités. Notre consultant, qui sera aux commentaires du derby bruxellois, pointe ses principaux candidats au titre, passe en revue les forces et faiblesses des équipes et dresse les grandes lignes du championnat de Belgique. « J’espère qu’on aura encore droit à une saison très relevée d’un point de vue footballistique. Avec, qui sait, le même suspense ? En tout cas, avec le retour des Playoffs 1 à six équipes, la lutte sera très intéressante. Je pense qu’il y aura dix équipes… pour six places », avance-t-il.
L’Antwerp, auteur d’un incroyable triplé en trois mois (championnat, Coupe et, plus récemment, Supercoupe), est-il forcément le principal candidat au titre ?
Non. Pour moi, le Club Bruges reste l’ultra-favori. Mais je pense que, comme la saison dernière, l’Antwerp et Genk sont armés et vont batailler avec les Blauw en Zwart. Ce sont vraiment les trois équipes qui sortent du lot même si, bien entendu, il faudra attendre la fin du mercato pour se faire une idée plus précise des forces en présence. Un cran derrière ces trois-là, on retrouve La Gantoise. Puis des équipes comme l’Union, le Standard, Anderlecht, Charleroi. En tout cas, cette saison, il y aura beaucoup de pression sur certains entraîneurs…
Dont Ronny Deila qui doit ramener Bruges sur le devant de la scène nationale…
Ce qu’il a fait au Standard, c’était exceptionnel. Au niveau de la gestion psychologique d’un groupe, c’est un maître en la matière. À Bruges, il va pouvoir compter sur un noyau de qualités avec des cadres d’expérience. De ce que j’ai vu pendant la préparation, il a déjà réussi à faire renaître Yaremchuk. Et il ne faut pas oublier les jeunes joueurs du cru qui, en fin de saison dernière, ont obtenu leur chance. Bruges n’aura pas la Ligue des champions à disputer, mais bien la Conference League. Quand on entend de la bouche d’un garçon comme Vanaken que le Club peut aller chercher la finale de la compétition, ça signifie beaucoup. Notamment qu’il y a du talent, de la confiance et de la sérénité dans ce groupe. Maintenant, il faudra évidemment assumer ces belles ambitions sur le terrain.
Bruges me semble l’ultra-favori donc, mais attention donc à l’Antwerp et Genk. Ce sont deux clubs qui travaillent dans la continuité avec, à leur tête, des excellents coaches au style différent. Pour l’heure, ils n’ont perdu aucun de leurs joueurs majeurs. Même les jeunes éléments fortement courtisés, comme Vermeeren, Trésor, El Khannouss. S’ils parviennent à conserver de tels éléments, cela démontrerait leur puissance sur les plans financier et sportif. Indéniablement, ce sont les trois locomotives du football belge actuel.
L’Union, qui a échoué de très peu dans la course au titre ces deux dernières saisons, a vécu un véritable remue-ménage cet été avec notamment les départs de Teuma, Van de Heyden, Kandouss, Boniface… Qu’attendre de cette équipe ?
L’Union était arrivée en fin de cycle et fait face au plus grand chantier de cet été en Belgique. Arrivé si près du titre à deux reprises, c’est vraiment dur à digérer. Ce sont en fait deux tragédies. On peut comprendre que certains joueurs avaient des envies d’ailleurs. Et pour le coup, la direction a réalisé de très belles opérations financièrement. Elle ne pouvait pas faire autrement. Suite au départ de Karel Geraerts, l’Union doit maintenant écrire une nouvelle page avec Alexander Blessin. Je pense que c’est l’entraîneur qu’il fallait aux Saint-Gillois. Il a réalisé du super boulot, précédemment, à Ostende et peut compter sur une colonne vertébrale de qualité. Oui, l’Union repart de zéro mais elle va pouvoir s’appuyer sur Moris, Burgess et Lynen qui sont restés ainsi que quelques joueurs de qualités comme Rasmussen. Il ne faut plus attendre de voir l’Union lutter pour le titre. En revanche, si la direction arrive à dénicher un attaquant capable de planter une quinzaine de buts, l’Union a tout ce qu’il faut pour s’installer dans le Top 6.
La saison dernière, le Standard n’était pas si loin des Playoffs 1 mais s’était finalement contenté des Playoffs 2. Cette fois, l’objectif est clair : le top 6. Carl Hoefkens parviendra-t-il à faire mieux que Ronny Deila ?
Le Standard connaît un peu le même problème que l’Union, à savoir qu’il repart d’une feuille blanche. Les Rouches sortent d’une bonne saison, sans pour autant qu’elle soit extraordinaire. D’où le fait que c’est quand même dingue de voir que le club est parvenu à vendre 20.000 abonnements. Il n’y a qu’au Standard que l’on voit une chose pareille. Pour en revenir à Carl Hoefkens, je ne sais pas s’il fera mieux que Ronny Deila. Or, ce dont je suis certain, c’est qu’il a prouvé qu’il savait faire du bon travail avec les jeunes. Il va devoir remplacer les joueurs qui sont partis. Mais il y a des garçons qui pointent le bout du nez comme Price et Mundle. S’il parvient à faire exploser Ohio, ce sera très intéressant. Il y a aussi le retour de Vanheusden, qui a connu plusieurs galères et est un joueur fragile. Mais s’il est épargné par les blessures et parvient à former une charnière solide avec Bokadi, il devrait indéniablement faire partie des meilleurs défenseurs du championnat avec Vertonghen et Alderweireld. L’objectif du top 6 me semble donc réalisable… à une condition : que le Standard affiche plus de régularité contre les plus petites formations. Car, contre les cadors, les Rouches ont répondu présents. Si l’un des grands de notre championnat perd pied en cours de saison, le Standard doit être là pour en profiter.
Anderlecht, qui sort d’une saison catastrophique, se doit de relever la tête.
C’était une saison à oublier. Il y a 30 ans d’ici, on nous aurait ri au nez si notre saison s’était terminée fin avril. Même moi, qui ai évolué deux saisons à Anderlecht et où j’ai commencé à bâtir mon palmarès, j’ai du mal à en parler. Car ça m’a choqué. Maintenant, une nouvelle saison commence avec des nouveaux venus. Je pense tout d’abord à Patris, qui peut être une belle alternative, en tout cas avec plus de rigueur défensive que Murillo. Dupé me semble être un bon gardien, capable de suppléer Verbruggen. Les Mauves ont aussi signé Dolberg, qui n’est pas n’importe qui. Lors de son époque à l’Ajax, c’était une véritable pépite à l’échelle mondiale. Il a désormais un esprit de revanche et est un buteur-né. Ce sont des transferts super intéressants. En défense, Riemer peut compter sur la solidité de la paire Debast-Vertonghen. Il y a aussi des garçons talentueux comme Ashimeru, Diawara, Amuzu, Dreyer… sans oublier Verschaeren, à qui j’espère un rapide retour de blessure. Franchement, cette équipe peut avoir très fière allure. Plus vite Anderlecht enchaînera des résultats positifs, plus vite il retrouvera la confiance et luttera pour les Playoffs 1. En tout cas, cette équipe est armée pour redonner du plaisir à ses supporters, qui n’en ont pas vraiment eu depuis le départ de Kompany.
Où placez-vous le Sporting de Charleroi dans le concert de prétendants aux Playoffs 1 ?
Comme pour Anderlecht et le Standard, Charleroi devra profiter de l’éventuel effondrement de l’un ou l’autre grand. Les Zèbres se doivent d’être compétitifs et donc de viser le Top 6. La Coupe, Mehdi Bayat n’en parle plus trop publiquement car cela ne lui a pas trop porté bonheur ces dernières saisons. On sent que le retour de Felice Mazzù a fait un bien fou au club et qu’il entretient une relation passionnelle avec le public carolo. Celui-ci se montre de plus en plus exigeant au fur et à mesure des années, c’est légitime. Mais avant toute chose, les supporters sambriens attendent des joueurs qu’ils mouillent le maillot, vident leurs tripes sur le terrain, soient hargneux. S’ils affichent cette mentalité chaque week-end, le public leur pardonnera tout. Même des résultats qui pourraient être plus décevants. Pour Charleroi, la clé sera de bien entamer le championnat car je pense que la mayonnaise prendra par la suite. Faut-il aller chercher un buteur capable d’empiler les buts ou faut-il faire confiance à Badji, qui est pétri de qualités et qui pourrait être transcendé par Mazzù ? La suite du mercato le dira.
Pour son retour parmi l’élite, le RWDM vise le maintien mais le remue-ménage de cette semaine avec l’éviction de Vincent Euvrard n’augure rien de bon…
C’est le problème quand on a un investisseur étranger (NDLR : John Textor) qui possède plusieurs clubs. À quatre jours de la reprise, il vire un entraîneur qui est en place depuis plusieurs saisons et qui a obtenu des résultats incroyables. Ça va à contresens de la réalité. Dans ces conditions, comment voulez-vous avoir des garanties et une certaine cohérence avant d’entamer la saison ? Pour moi, c’est un risque inconsidéré. Il vient de démolir tout ce qui a été mis en place. Il a donc été chercher Caçapa et De Camargo. La présence d’Igor, qui connaît parfaitement le championnat, étant sans doute pour atténuer quelque peu la colère des supporters et pour guider Caçapa. J’espère que ça va bien se passer pour le RWDM mais, quand je vois ça, j’ai peur que le club vive des moments difficiles cette saison… Pour le maintien, j’ai l’impression ça se jouera entre le RWDM, Courtrai, Eupen et peut-être une autre équipe.
Quelle équipe sera la belle surprise de la saison ?
La saison dernière, Westerlo a brillé. Et je pense que le club campinois est encore capable de l’être cette année-ci. Westerlo est parvenu à conserver Jonas De Roeck, un excellent coach qui fait progresser les jeunes. Le club a aussi réalisé l’acquisition la plus chère de son histoire (NDLR : Matija Frigan pour à 5,5M). Ce qui démontre que la direction en place a de l’argent dans les caisses et de l’ambition…