Ces dernières semai-
nes, les supporters
des quatre coins du
pays ont mis leur ri-
valité de côté pour faire cause
commune autour de ce qu’ils
considèrent comme une
aberration et un manque de
respect envers les passionnés
de football : la programma-
tion de rencontres de cham-
pionnat les mardi, mercredi
et jeudi à 18 h 30, comme c’est
le cas cette semaine. “Nous de-
vons déjà faire face à un calen-
drier démentiel cette saison
suite à l’organisation scanda-
leuse de la Coupe du monde au
Qatar. Si, en plus, les horaires
ne répondent pas un minimum
aux réalités de chacun, nous
frôlerons vite l’indigestion. Et
comme toute bonne indiges-
tion, ça laissera des traces,
soyez-en sûrs”, prévenait le
collectif Ultras Belgium, dé-
but septembre, tout en sa-
luant la mise en œuvre d’un
groupe de travail avec toutes
les entités concernées autour
de Lorin Parys, le CEO de la
Pro League. “Le football sans
les supporters ne vaut rien. La
période du Covid l’a encore lar-
gement prouvé. Battons-nous
pour des horaires respectables
favorisant la présence de sup-
porters !”
Un message appuyé par des
banderoles de contestation
qui ont fleuri dans à peu près
toutes les tribunes de Pro Lea-
gue dernièrement. Le mes-
sage était sensiblement iden-
tique : “Le 12e
homme a aussi
un calendrier !”
Difficile de leur donner
tort. Il sera d’ailleurs intéres-
sant d’observer la moyenne
des assistances, fin de se-
maine, mais il y a fort à parier
qu’elle sera inévitablement
inférieure à la moyenne vu
les jours, les heures – et les af-
fiches. Comment un fan
d’OHL peut-il s’organiser rai-
sonnablement pour assister
au match à Eupen un mardi à
18 h 30 ? À quelle heure doi-
vent démarrer les suiveurs de
Courtrai pour avaler les
120 kilomètres jusque Charle-
roi à la même heure ?
. Un pont trop loin
Certains ne se sont pas in-
fligé pareil casse-tête. Exem-
ple à Courtrai, où le collectif
United 19 a opté, en signe de
protestation, pour un boy-
cott pur et simple du dépla-
cement au Mambourg. “Nous
avons décidé de ne pas nous dé-
placer pour ce match pourtant
très important. C’est plus qu’un
pont trop loin”, peut-on lire
dans le communiqué. “Notre
cœur saigne mais c’est une dé-
cision mûrement réfléchie, pour
le bien de l’avenir du football,
de notre club, de nos couleurs
et de nos valeurs fondamenta-
les.”
On apprend par ailleurs
qu’une dizaine de supporters
devraient tout de même ef-
fectuer le déplacement de
leur côté.
À l’Union SG, qui reçoit
Gand mercredi avant même
l’heure des journaux télévisés
du soir, l’assistance dans le
bloc adverse devrait égale-
ment être famélique. Selon
nos informations, les suppor-
ters gantois, mécontents, se-
ront en effet peu nombreux à
rallier le parc Duden.
. Les clubs assis
entre deux chaises
Du côté des clubs, on n’a en
réalité pas grand-chose à dire
sur ces horaires. Et même si
on entend le mécontente-
ment des fans, il paraîtrait
délicat de critiquer un déten-
teur de droits – Eleven Sports
– qui ne fait que répondre
aux exigences de la Pro Lea-
gue et qui a cassé sa tirelire
lors du dernier appel d’offres
pour rafler la mise grâce à
une enveloppe historique
pour le football belge de
quelque 103 millions d’euros
annuels sur cinq ans, de 2020
à 2025. Ce qui, in fine, aug-
mente les recettes des clubs.
“On n’aime pas, mais il n’y a pas 25 solutions”
Les supporters regrettent que l’argent des détenteurs
de droits télé prévale sur le bon sens.
P résident de l’association Belgian
Supporters, Eddy Janssis regrette
presque les matchs du samedi 20 h. Il
déplore certains horaires, mais reste
conscient du casse-tête que cela repré-
sente pour le manager du calendrier. Il
espère aussi que la case du dimanche à
21 h sera prochainement supprimée.
Quel est votre avis sur cette programma-
tion de matchs en semaine à 18 h 30 ?
“Le sujet est revenu sur la table,
mi-septembre, lors d’une réunion entre
notre collectif, le management de la Pro
League et Eleven Sports. Clairement, on
n’aime pas cet horaire, mais, dans cette
année de Coupe du monde décalée, il
n’existe pas vingt-cinq solutions possi-
bles, surtout avec autant de clubs impli-
qués en Coupe d’Europe. La saison
prochaine, avec la réduction du nombre
d’équipes en D1A (NdlR : de 18 à 16) et
sans grand tournoi, on espère que cela
n’arrivera plus de jouer un mardi, un
mercredi ou un jeudi à 18 h 30, même si
cela devrait encore se faire une fois
cette saison, probablement en janvier.”
Mais ce sont le détenteur des droits et
la Pro League qui décideront.
“Bien sûr, mais ils semblent ouverts
au dialogue. On a tous à y gagner.
Eleven Sports a quand même lâché
environ 100 millions d’euros et doit
respecter les accords passés. La chaîne
ne fait que répondre au cahier des
charges de la Pro League pour les horai-
res. C’est elle qui demande de ne pas
jouer deux
matchs simulta-
nément lors d’un
week-end tradi-
tionnel.”
Le manager
du calendrier doit
déjà jongler avec
un tas d’impondé-
rables…
“On en est conscients. Charleroi ne
peut par exemple pas jouer à domicile
le dimanche à 13 h 30 parce qu’il y a le
marché en matinée ; le Standard et le FC
Liège n’ont pas le droit de recevoir en
même temps pour une question de
dispositif policier ; il a également été
décidé que le club belge impliqué en
Coupe d’Europe avec le plus long dépla-
cement en semaine joue le dimanche
soir pour avoir plus de temps de récupé-
ration. Il y a énormément d’éléments à
prendre en considération. Je ne voudrais
pas être à la place du manager du
calendrier (sourire).”
Vous êtes déjà parvenu à faire stopper
la case du lundi soir. Avez-vous d’autres
revendications ?
“On essaie aussi de faire cesser les
matchs du dimanche à 21 h. Mais le
dilemme est toujours le même : il faut
pouvoir assurer la retransmission de
tous les matchs pour que les supporters
puissent regarder leur équipe. Donc il
n’en faut pas trop en même temps,
question de logistique humaine et
matérielle.”
Le multiplex n’est
pas à l’ordre du jour
La Pro League n’envisage pas un multiplex,
alors qu’Eleven est prêt à discuter pour
avancer l’horaire du match du dimanche.
I l y a un mois, à l’initiative
de la Pro League, une réu-
nion a été organisée avec les
représentants des suppor-
ters.
Lorin Parys, le CEO de la Pro
League, Jan Mosselmans, le
directeur des programmes
d’Eleven, et Nils Van Bran-
tegem, le manager du calen-
drier, étaient présents pour
écouter les doléances des
supporters, mais aussi appor-
ter quelques réponses.
“On est conscients des préoc-
cupations des supporters et on
ne veut pas les laisser de côté”,
explique Lorin Parys, qui as-
sure vouloir chercher des so-
lutions pour contenter tout
le monde. Il avance par exem-
ple la suppression du match
du lundi, une idée éphémère
qui n’a pas tenu longtemps.
Mais le CEO de la Pro Lea-
gue rappelle les impondéra-
bles dont le manager du ca-
lendrier doit tenir compte.
“Les pouvoirs locaux, et donc la
police, ont leur mot à dire. À An-
vers ou Bruxelles, il y a plu-
sieurs clubs à gérer. Certaines
situations empêchent de jouer
plus tôt, aussi. À Charleroi, par
exemple, il y a un marché à
proximité du stade le dimanche
jusqu’à 13 h 30. Il est difficile,
dans ce cas, de jouer avant
18 h.”
Le match du dimanche à
21 h est un des créneaux visés
par les supporters, comme
les matchs en semaine à
18 h 30. “On est prêts à discuter
de tous les créneaux”, assure
Jan Mosselmans, qui n’écarte
pas la possibilité d’avancer
l’heure du coup d’envoi pour
le match du dimanche.
Cette idée n’est pas encore
à l’ordre du jour, assure-t-on
du côté de la Pro League. Sur-
tout, le match de 21 h réalise
une bonne audience télé,
tout comme ceux program-
més à 13 h 30 et 18 h 30.
Le découpage d’une jour-
née, du vendredi au diman-
che, avec un horaire différent
pour chaque match, comme
cela se fait en Espagne, est
aussi un frein au change-
ment. “Ce n’est pas Eleven qui
décide des horaires”, alerte Jan
Mosselmans, pour couper la
tête à une vieille idée qui
veut que la télévision dicte sa
loi. C’est en effet la Pro Lea-
gue, quand elle a lancé son
appel d’offres en 2019, qui a
demandé un maximum de vi-
sibilité (pour les sponsors
des clubs, notamment).
Un multiplex, comme cela
se fait en Allemagne (les
matchs du samedi à 15 h 30)
ou en Angleterre (les matchs
du samedi à 16 h), est-il envi-
sageable en Belgique ? “On
n’en a pas encore discuté, note
Jan Mosselmans. On est tou-
jours ouverts au dialogue, mais
il ne faut pas oublier que
quand on signe un contrat, il
est difficile de changer les ter-
mes en cours de route (NdlR : le
contrat télé actuel est valable
jusqu’en juin 2025). Il faudrait
aussi voir quel est l’impact sur
le business model du produit.”
Lorin Parys, lui, avance une
difficulté de production. “Ce
n’est pas à l’ordre du jour et on
n’a pas les moyens de produc-
tion pour un grand multiplex.”
Une éclaircie pourrait ve-
nir, à terme, puisque la D1A
sera ramenée à 16 clubs à par-
tir de la saison prochaine.
“Mais la Challenger Pro League
va également passer à 16
(NdlR : elle est à 12 pour le
moment), et la réforme des
Coupes d’Europe, à partir de
2024, va encombrer aussi le ca-
lendrier en semaine.”