Diplômé en histoire et vegan, actif auprès des
migrants et pour l’environnement, Christian
Burgess est un joueur à part. Interview.
A vec Christian Bur-
gess (30 ans), il est
possible de parler
longuement de foot-
ball. Et aussi de nombreux
autres sujets. Arrivé à l’Union
durant l’été 2020 en prove-
nance de Portsmouth, l’An-
glais s’intéresse au monde
qui l’entoure. Et s’ac-
tive pour changer
les choses, à son
échelle, depuis
sa position de
footballeur
reconnu.
À votre arrivée à l’Union, vous
expliquiez que signer en Belgi-
que était risqué. C’était impor-
tant pour vous de sortir de
votre zone de confort ?
“Je suis resté cinq saisons à
Portsmouth
et j’étais tombé dans une
certaine routine. J’avais besoin
de rejoindre un autre pays et
de me confronter à une autre
culture. Cela a toujours été un
objectif de vie d’apprendre une
nouvelle langue par exemple.
Je suis des cours deux fois par
semaine et je m’améliore
(sourire). C’était un choix
risqué car je ne connaissais
pas la D2 belge ni le niveau
global de l’Union. J’ai pris ma
décision en me basant sur le
discours de Chris (NdlR :
O’Loughlin, directeur sportif
du club) et cela a payé.”
La difficulté de quitter
Portsmouth, où vous
étiez vu comme un
roi, a été grande ?
“Je ne dirais pas
que j’étais vu
comme un roi
mais j’avais
une très
bonne rela-
tion avec les
fans. J’ai un
lien très fort
avec ce club
où j’ai passé
mes meilleu-
res années
en tant que
footballeur.
Je me suis fait
des amis pour la
vie et cela restera tou-
jours un endroit spécial
pour moi. Mais je sentais
que mon aventure touchait à
sa fin et qu’il fallait passer à
autre chose. Je
garde de mer-
veilleux
souvenirs comme la victoire en
EFL Trophy face à Sunderland
devant des milliers de specta-
teurs à Wembley. Nous avons
vécu cette journée comme un
conte de fées.”
À Portsmouth, vous avez aussi
passé beaucoup de temps aux
côtés d’une œuvre de charité
liée au club. Quelle importance
cela avait pour vous ?
“C’est l’une des plus belles
choses que je retiens de mon
passage à Portsmouth. J’ai
essayé de m’impliquer le plus
possible en donnant de mon
temps et en essayant d’aider à
mon échelle. J’ai eu la chance
de faire partie du conseil de
“Pompey in the community”
qui a pour but d’influencer
positivement la vie de beau-
coup de personnes de la ville.
Cela a été une sacrée expé-
rience.”
Sur vos réseaux sociaux, on
peut voir que vous essayez
d’être le porte-parole de diffé-
rentes causes comme par
exemple la lutte contre le
réchauffement climatique.
“Les footballeurs sont beau-
coup suivis sur les réseaux
sociaux et je pense que cela
peut servir de tribune pour
faire passer des messages.
L’environnement est un sujet
qui me préoccupe particulière-
ment. La nature est notre
futur, c’est à nous d’en prendre
soin et de la préserver pour les
générations futures. Sans
imposer ma vision et sans
paraître arrogant,
j’essaye de conscientiser les
gens sur différents sujets en
montrant qu’on peut par
exemple se préoccuper de
l’environnement tout en réus-
sissant ce qu’on veut faire
dans la vie.”
Pourquoi avez-vous décidé de
devenir vegan ?
“D’abord, beaucoup disent
que ce mode de vie peut aider
les sportifs de haut niveau à
être plus performants et à se
remettre plus vite de blessures.
Quand je me suis intéressé au
sujet, je me suis rendu compte
que cela avait en plus un
impact positif sur l’environne-
ment. Il fallait que j’essaye et
je n’ai jamais arrêté depuis
lors. Je me suis toujours dit
que j’arrêtais si cela engen-
drait un impact négatif sur
ma carrière de footballeur.
Mais ce n’est pas le cas, loin
de là.”
Le lendemain du dernier match
de l’Union en D1B la saison
dernière, vous êtes parti pas-
ser du temps auprès de mi-
grants à Calais. Qu’est-ce que
cette expérience vous a ap-
porté ?
“Cela a été très enrichissant
mais aussi très triste de voir
des gens dans de telles condi-
tions. Il y avait beaucoup de
réfugiés d’Afghanistan, de
Syrie ou du Sud-Soudan qui
étaient désespérés. Le gouver-
nement anglais ne facilite pas
leur asile et c’est important de
les aider. L’association “Care
for Calais” avec laquelle
je suis allé sur place
les aide au quoti-
dien, leur donne des habits ou
encore des sacs de couchage.
Des choses qui leur permettent
simplement de rester en vie…
J’espère pouvoir y retourner le
plus vite possible quand le
club nous donnera du temps
libre.”
Vous avez décroché un diplôme
d’histoire tout en jouant au
football. Pourquoi était-ce si
important que cela d’aller au
bout de votre cursus universi-
taire ?
“Quand j’ai signé à Middles-
brough, le manager m’a dit
que j’avais fait un premier pas
vers une carrière de footbal-
leur professionnel mais que
rien n’était garanti. Il m’a
poussé à terminer mes études
pour avoir un diplôme entre
les mains au cas où cela ne
fonctionnait pas. J’ai suivi un
cursus de quatre ans en his-
toire et j’ai réalisé mon sujet
de fin d’études en lien avec la
Première Guerre mondiale.
Cela a toujours été important
pour moi d’avoir un plan B car
même quand on arrive à
devenir profes-
sionnel, une
carrière peut vite se terminer.
Le diplôme en tant que tel ne
m’aidera pas à jouer au foot-
ball mais cela me permet
d’avoir un certain regard sur
le monde extérieur grâce à
mon expérience universitaire.
Cela ne peut qu’être positif.”
Comment avez-vous vécu votre
mise à l’écart des centres de
formation d’Arsenal, de West
Ham et de Tottenham durant
votre jeunesse ?
“Cela a été très dur à vivre
et c’est une des raisons pour
lesquelles j’ai voulu décrocher
mon diplôme. Dans ces mo-
ments-là, il faut essayer de
passer rapidement à autre
chose en se concentrant sur
l’après. Pour moi, l’après était
la combinaison entre l’univer-
sité et le football. Ensuite, j’ai
eu la chance de réussir un test
qui m’a ouvert les portes du
monde professionnel.”
Vous sentez-vous parfois à part
dans le monde des footbal-
leurs ?
“Vu mon background, je
serai toujours un peu diffé-
rent. Mais il y a beaucoup
d’autres footballeurs, spé-
cialement à l’Union, qui
s’intéressent au monde
qui les entoure et qui
aident différentes
causes. La plupart
ont un bon état
d’esprit et veulent
utiliser leur petite
notoriété pour aider. Si
on peut avoir un impact
positif, ce serait idiot de ne
pas en profiter.”
“Je me sentais
moins impliqué”
Christian Burgess n’a pas reçu sa chance
tout de suite en début de saison.
L e début de saison a
été long pour Chris-
tian Burgess. Joueur le plus
utilisé par Felice Mazzù en
D1B, l’Anglais a dû attendre
la sixième journée et la ré-
ception du Standard pour
enfin recevoir ses premiè-
res minutes en D1A. “Cela a
été très difficile à vivre, ex-
plique celui qui était alors
devancé dans la hiérarchie
par le trio Bager-Kandouss-
Van der Heyden. J’avais
déjà connu la même situa-
tion à Portsmouth et Peter-
borough donc je savais à
quoi m’attendre. J’ai bien en-
tendu demandé les raisons
au coach qui m’a expliqué
que c’était une décision diffi-
cile à prendre mais que
c’était son sentiment à ce
moment-là. Il faut l’accepter,
le coach est payé pour pren-
dre ce genre de décisions. Je
n’avais pas d’autres choix
que de continuer à travailler
et à supporter l’équipe.”
La frustration du grand
défenseur central était
d’autant plus grande que
l’Union réalisait alors un
début de saison de haute
qualité… sans lui. “J’étais
content car les résultats
étaient bons mais je me sen-
tais moins impliqué dans le
projet. C’était frustrant car
j’avais l’impression de ne pas
contribuer de la même ma-
nière que mes coéquipiers.
J’ai fait en sorte d’être prêt
pour saisir ma chance quand
l’occasion se présentait et
c’est finalement arrivé face
au Standard. Le coach a dû
penser qu’il était temps de
changer certaines choses,
après la défaite à Malines. Je
dois avouer que j’étais assez
nerveux avant cette rencon-
tre (sourire).”
Depuis, celui qui est de-
venu le taulier de l’arrière-
garde participe activement
aux solides prestations dé-
fensives de Bruxellois deve-
nus champions d’automne
et dont les performances
ressemblent à celles de Lei-
cester, ce Petit Poucet an-
glais devenu champion en
de la saison s’il y a des simi-
larités, sourit Burgess. Bien
sûr qu’on pourrait le faire, ce
n’est pas impossible si nous
continuons à jouer comme
on le fait actuellement. Mais
il faut que de nombreux pa-
ramètres entrent en jeu
comme le fait d’éviter les
blessures ou d’avoir un peu
de chance à certains matchs.
Parfois, des discussions tour-
nent autour de cela dans le
vestiaire mais nous ne som-
mes pas non plus naïfs :
nous savons qu’il reste beau-
coup de matchs et que tout
peut changer rapidement en
football. J’ai vu des équipes
être au sommet avant de
complètement s’effondrer.”
Le joueur de 30 ans s’at-
tend à voir les grosses écu-
ries de notre division se ré-
veiller et venir embêter
l’Union. “De nombreuses
équipes peuvent nous stop-
per, conclut-il. Il y a l’An-
twerp contre qui nous avons
eu des difficultés ou encore
Malines qui nous a battus à
deux reprises. Bruges a
d’énormes qualités tout
comme Genk et Anderlecht.
Par rapport aux équipes
avec de plus gros budgets,
nous essayerons de changer
les choses durant le mercato.
C’est pourquoi nous ne de-
vons pas nous projeter à trop
long terme. Concentrons
nous simplement sur le pro-
chain match en tentant de
mettre la même intensité
que lors de la rencontre pré-
cédente.”