Boniface revient sur son arrivée à Bodø/Glimt
et ses débuts avec son nouveau club.
Appelez-le Boni-face,
“face” à l’anglaise.
Ou “Boni”, comme
beaucoup de monde
à l’Union. “Ou Victor, comme au
Nigéria.” On pourrait aussi
dire “Mister Europe”. Une for-
midable passe décisive à Ber-
lin pour Lynen (0-1) puis un
but synonyme de victoire
contre Malmö (3-2) : l’atta-
quant nigérian des Saint-
Gillois a déjà été décisif deux
fois en deux sorties européen-
nes. L’Union doit regretter de
ne pas avoir pu l’aligner con-
tre les Rangers, vu qu’il avait
déjà joué en C1 avec Bodø/
Glimt cette saison. Il y avait
fait fort cet été, en plantant
cinq roses aux premier et
deuxième tours préliminaires
de Ligue des champions. En
ajoutant ses stats d’Europa
League 2020, vous obtenez un
total de huit buts et trois pas-
ses décisives en quinze sorties
européennes. Entretien avec
celui qui sait sortir son cos-
tume de gala pour les soirées
continentales.
Victor, vous en êtes déjà à onze
gestes décisifs en 15 matchs
européens, à 21 ans à peine.
“Je ne connaissais pas ce
chiffre, même si je sais évidem-
ment que j’ai marqué cinq buts
en préliminaires de Ligue des
champions cet été. En fait, avec
Bodø/Glimt, c’était très différent
en Europe et en championnat,
où on était favoris, et où les
adversaires nous attendaient
de façon très défensive. En
Coupe d’Europe, on ne nous
connaissait pas trop, j’avais
plus d’espace.”
Revenons sur votre arrivée
dans le foot, au Nigéria.
“Je joue au football depuis
que mes jambes me permettent
de tenir debout, je crois. Je
jouais pour l’équipe de l’école
et le club de Sapphire m’a
proposé de rejoindre son aca-
démie, où j’ai été formé.”
Puis vous avez quitté votre pays
à 19 ans à peine, pour l’Europe.
“L’académie envoyait des
joueurs en équipe nationale de
jeunes chaque année et je
faisais partie de ceux-là, chez
les U20. Adeleke s’était fait
connaître en quittant Sapphire
pour la Lettonie puis la Nor-
vège. Il y a eu pas mal d’intérêt
de Norvège et la direction du
club a dit : ‘On en a d’autres qui
sont bons aussi ici.’ Et j’ai fait
partie d’un groupe de neuf
joueurs choisis pour aller faire
des essais en Norvège.”
Vous avez dû vivre un sacré
choc en passant en Norvège…
“Oh oui ! Quand j’ai quitté le
Nigéria, en février, il faisait
encore chaud (NdlR : en
moyenne, entre 26 et 33° à
Lagos). En Norvège il faisait
froid, mais vraiment très froid.
Le premier jour, c’était un choc
car j’étais venu avec une sim-
ple chemise et mon agent a dû
m’acheter un manteau. J’étais
là pour un test à Valerenga, qui
était en stage en Espagne, donc
je ne suis resté qu’un jour à
Oslo, puis j’ai passé deux
semaines en Espagne, mais on
ne m’a pas proposé de contrat.
Bodø/Glimt m’a alors proposé
un test. Après deux jours d’en-
traînement et un match ami-
cal, l’entraîneur a dit à mon
agent qu’ils voulaient m’enga-
ger.”
À la différence d’Oslo,
Bodø est situé au nord du pays,
au-dessus du cercle polaire.
“Je ne savais rien du climat
et de la ville avant d’y aller.
C’était très différent, évidem-
ment. J’y ai découvert la neige
que je n’avais jamais vue de
ma vie. Ça doit être un des
endroits les plus froids du
monde. Bien sûr que c’était un
choc. Vous ne pouvez rien faire
après l’entraînement. À 16 heu-
res, il fait nuit comme s’il était
minuit, il y a de la glace par-
tout en hiver. Ce n’était pas
facile. Comme Bodø était au
nord de la Norvège, les dépla-
cements pour les matchs
étaient longs : il fallait
prendre l’avion à chaque
fois. À ce niveau, c’est
mieux ici !”
Comment avez-vous
vécu vos deux
blessures sérieuses,
en Norvège ?
“Je me suis blessé une pre-
mière fois (NdlR : en
mars 2019) alors que je prépa-
rais la saison mais aussi la
Coupe du monde des moins de
20 ans que je devais disputer
avec le Nigéria. Je me suis
déchiré les ligaments croisés
d’un genou. Après cette pre-
mière blessure, j’étais au plus
bas moralement vu que j’allais
rater la Coupe du monde. Mais
aussi parce que j’avais perdu
ma mère à cette époque donc
c’était un moment très difficile
pour moi. Puis on a remporté le
championnat l’année suivante
pour la première fois de l’his-
toire de Bodø/Glimt… puis je
me suis encore blessé, au mé-
nisque (NdlR : en novem-
bre 2020, ce qui l’a mis sur la
touche jusqu’en novem-
bre 2021) et je suis revenu pour
disputer une minute du tout
dernier match de la saison, où
on a à nouveau été champion.”
Honnêtement, aviez-vous déjà
entendu parler de l’Union Saint-
Gilloise avant qu’on ne vous
dise qu’ils étaient intéressés
par vous ?
“Pour être franc, non. Avant
de me blesser (NdlR : fin
2020), j’étais censé signer pour
le Club Bruges. Puis quand je
suis bien revenu en forme, mon
agent m’a dit que l’Union était
intéressée, tout comme Gronin-
gen aux Pays-Bas et Anderlecht,
qui n’a pas fait une offre con-
crète, je crois, contrairement à
l’Union. À ce moment, on était
en train de disputer les prélimi-
naires de Ligue des champions
avec Bodø. J’ai regardé un peu
l’Union sur Internet, j’ai appelé
ma famille pour prendre con-
seil. Puis j’ai discuté avec la
direction, avec Chris (O’Lou-
ghlin, le directeur sportif),
qui m’a parlé du plan du club
et j’ai eu l’impression que ce
serait une bonne étape pour
moi, que l’Union était un bon
endroit pour démarrer (sic). Je
jouais dans un club qui était en
Ligue des champions, je ne
voulais pas aller dans un club
qui ne se bat pas pour des
titres et qui ne joue pas l’Eu-
rope, pour ma carrière.”
Ce non-transfert à Bruges
avait-il été dur à accepter ?
“À ce moment-là, oui. Le Club
était vraiment intéressé et tout
s’est arrêté d’un coup avec cette
blessure.”
Il y a pas mal d’intérêt belge
pour vous et les attaquants
nigérians, dont beaucoup sont
passés ici comme Henry
Onyekuru, Terem Moffi, Taiwo
Awoniyi, Paul Onuachu, etc.
“Je ne les ai pas contactés
avant de venir, car je ne les
connais pas vraiment, il s’agit
d’une autre génération. Mais
voir ceux-là jouer ici m’a donné
envie de venir. J’ai juste discuté
avec un ami d’Hertha Berlin,
Chidera Ejuke, qui m’a dit que
la Belgique devrait être un bon
endroit pour moi. C’est un pas
en avant dans ma carrière.”
Espérez-vous vous rapprocher
de l’équipe nationale ?
“Non, en ce moment l’équipe
nationale n’est pas dans ma
tête. Je sais que mon temps
viendra, mais plus tard. Mon
objectif actuel est d’aider
l’Union en championnat et en
Europe, pas d’aller en sélection.
Bien sûr que si je continue à
bien jouer j’aurai l’occasion d’y
aller, mais on verra.”
Le Nigéria n’est pas qualifié :
pour qui tiendrez-vous durant
le Mondial, alors ?
“Le pays était très triste de ne
pas en être, pourtant on a de
très bons joueurs, mais parfois
ça ne marche pas. Je supporte-
rai le Brésil, parce que j’adore
Neymar, qui est mon idole… et
la Belgique, aussi, où j’aime
beaucoup Eden Hazard. Dans le
vestiaire, Dante (Vanzeir)
m’appelle ‘Lukaku’, d’ailleurs,
que j’apprécie beaucoup aussi.
J’ai aussi beaucoup regardé des
vidéos de Thierry Henry, dont je
m’inspire.”
Vous avez déjà été très décisif,
en championnat aussi avec ces
buts contre Eupen et Anderlecht.
“Je suis content de mes dé-
buts. Le club me convient bien.
Je dois encore beaucoup ap-
prendre, je suis nouveau, on
joue dans un autre système.
Donc je suis toujours en train
de m’adapter. L’objectif est
d’aider l’équipe à remporter le
championnat ou alors, au
moins, se qualifier pour l’Eu-
rope la saison prochaine.”
D’autres joueurs passés par
Bodø/Glimt, avec qui vous avez
joué, sont arrivés en D1 cette
saison également : Philip Zinc-
kernagel, qui s’est déjà montré
à son avantage avec le Standard
contre Bruges, et le Gantois
Jens Petter Hauge.
“Oui, mais j’ai découvert
qu’ils venaient en Belgique le
jour où ils ont signé, je ne le
savais pas avant ça. J’ai vu Jens
Petter il y a quelques jours et je
dois encore fixer un rendez-
vous avec Philipp. À l’époque,
depuis son côté droit, il me
donnait de bons ballons pour
que je marque, on avait une
bonne relation. Je pense que
c’est le meilleur joueur avec
lequel j’ai joué jusqu’ici.”
L’Union peut-elle
encore imiter Bruges ?
Après son six sur six initial, l’équipe de
Geraerts est face à un tout gros morceau.
C ela ressemble à une fi-
nale aller, puisque
Braga et l’Union, qui trônent
tous deux en tête du groupe
D avec six points, vont se ren-
contrer deux fois en huit
jours. Le premier rendez-
vous a lieu ce jeudi, dans la
douceur d’une soirée portu-
gaise qui doit inspirer les
joueurs de Karel Geraerts. Il y
aura plus de 25 degrés au
coup d’envoi. De quoi donner
l’envie de pousser l’aventure
européenne jusqu’au prin-
temps, en mars, quand se dis-
putent les huitièmes de fi-
nale. Terminer en tête du
groupe D offrirait cette certi-
tude. La route est encore lon-
gue, mais prendre un point
dans ce stade atypique, cons-
truit à même la roche, serait
un pas dans la bonne direc-
tion.
Ceci dit, Braga n’est ni
Malmö ni Berlin. Actuelle se-
conde du championnat por-
tugais, l’équipe d’Artur Jorge
– aucun lien avec son homo-
nyme à la moustache qui a
entraîné Benfica, le PSG, etc. –
est un gros morceau. Techni-
que, solide, elle n’a perdu
qu’une rencontre en dix sor-
ties. “Que les choses soient clai-
res, prévient Karel Geraerts,
toujours très prudent. Pour
moi, il n’y a qu’un favori, et c’est
Braga. C’est une équipe techni-
que, qui joue bien au foot, a de
la vitesse.”
Des qualités qui peuvent
faire mal à cette défense, c’est
certain. “Ils sont deuxièmes du
championnat portugais et vont
chaque année assez loin en Eu-
rope alors que nous décou-
vrons toujours cette compéti-
tion”, répète-t-il depuis un
mois. Un discours d’humilité
qui fonctionne.
En face, on se dit prévenu.
“Nous ne serons pas surpris par
l’Union car nous savons ce dont
cette équipe est capable, pro-
met l’entraîneur lusitanien.
Elle s’est qualifiée pour les pré-
liminaires de Ligue des cham-
pions, a battu les Rangers, a
réalisé un six sur six. Non, il n’y
aura pas de surprise.”
Mais une certaine pression,
tout de même, après la dé-
faite subie à Porto vendredi.
Là où un autre club belge a
brillé cette saison. “On a vu ce
que Bruges a fait au stade do
Dragao, souligne le capitaine,
Ricardo Horta, en référence
au 0-4 du Club. Je ne compte
pas voir l’Union réaliser la
même chose chez nous ce
jeudi.”
Chiche ?
Braga a tout
pour faire mal à l’Union
Les Portugais font un bon début de saison,
malgré leur récente défaite face à Porto.
La lourde défaite subie
ce week-end face à
Porto (4-1) a changé la
façon de voir le début
de saison de Braga. Jusque-là,
il était proche de la perfection
avec un partage face au Spor-
ting Portugal (3-3) lors de la
première journée de cham-
pionnat, suivi de huit victoi-
res toutes compétitions con-
fondues.
Offensivement, l’équipe
d’Artur Jorge a montré sa soli-
dité avec 27 buts inscrits en 10
matchs. “Braga est une équipe
très offensive, explique André
Gonçalves, journaliste pour le
quotidien sportif portugais
Record. Les statistiques démon-
trent qu’ils sont surtout dange-
reux à deux moments d’un
match : dans le premier et dans
le dernier quart d’heure de la
rencontre. Ils ont déjà marqué
six buts dans les quinze premiè-
res minutes et huit dans le der-
nier quart d’heure. Ils veulent
toujours réussir à faire la diffé-
rence très tôt. Ils se procurent
beaucoup d’occasions et osent
souvent tirer au but. Plusieurs
éléments du groupe sont capa-
bles de faire la différence.”
. Une hargne défensive
Si l’on excepte le off-day
face à Porto, Braga s’appuie
sur une solidité défensive qui
lui a permis de déjà réaliser
sept clean-sheets en dix ren-
contres.
“Les joueurs ont l’habitude de
se battre de la première à la der-
nière seconde, continue André
Gonçalves. Cette hargne leur
permet de ne jamais abandon-
ner, même quand le match ne
tourne pas en leur faveur. Avec
leur mental, les joueurs arrivent
bien souvent à retourner certai-
nes situations. Leur solidité est
impressionnante, d’autant
qu’ils évoluaient dans un autre
système de jeu la saison der-
nière : ils sont passés sans diffi-
culté d’un 3-4-3 à un 4-4-2.”
Quatrième la saison der-
nière, Braga s’est séparé cet
été de son entraîneur. À la
place de Carlos Carvalhal, qui
n’a pas été prolongé, un en-
fant du club a endossé le cos-
tume d’entraîneur principal.
“Artur Jorge est un coach spé-
cial car il est né à Braga et a
joué plusieurs saisons pour
l’équipe première tout en étant
capitaine. La saison dernière, il
a travaillé avec les jeunes et
l’équipe réserve du club mais a
toujours voulu prouver qu’il
était capable de devenir coach
principal de Braga. On voit dans
la célébration de certains goals
qu’Artur Jorge est vraiment heu-
reux d’être à la place où il est.”
. Horta, le leader
Sur le terrain, Jorge peut
compter sur une icône du
club pour pousser son
équipe vers la victoire. Ri-
cardo Horta, international
portugais de 28 ans, est la
star de l’équipe, lui qui est
devenu la saison der-
nière le meilleur buteur
de l’histoire de Braga
avec 98 goals inscrits de-
puis son arrivée durant
l’été 2016.
“On a beaucoup parlé de
lui dans la presse cet été
car il était proche de rejoin-
dre Benfica. Il est finalement
. Ricardo Horta, ici buteur face à Malmö, est le leader de Braga, qu’Artur Jorge, l’enfant de la maison, a repris en main cette saison. © AFP
resté à Braga et ses statistiques
(NdlR : cinq buts et trois as-
sists) montrent qu’il est focalisé
sur le club. C’est le leader dans
le vestiaire et sur le terrain.”
Derrière Horta, plusieurs
autres joueurs tirent l’équipe
vers le haut. C’est
le cas de Si-
mon Banza,
attaquant
arrivé cet
été de Lens,
ou encore
de Vitinha. “Banza a fait un
magnifique début de saison, ex-
plique André Gonçalves au su-
jet d’un joueur qui a déjà ins-
crit cinq buts et réalisé deux
assists. Il a marqué lors de ses
cinq premiers matchs et tra-
vaille beaucoup pour le collectif.
Vitinha, un autre élément offen-
sif, se bat tout le temps sur le
terrain. Les défenseurs ont des
difficultés à le stopper car il se
bat sur chaque balle. Abel Ruiz,
international U21 espagnol, est
aussi un bon joueur. Braga a
pas mal de cartouches dans son
groupe et sur son banc.”
. Facile contre Malmö
Avant d’affronter l’Union,
les Portugais sont déjà venus
à bout de Malmö (0-2) et de
l’Union Berlin (1-0). Les deux
équipes s’affronteront pour la
première place du groupe.
“Contre Malmö, Braga aurait
pu gagner plus largement mais
a bien contrôlé le match. Face à
Berlin, cela a été plus compliqué
avec de nombreuses occasions
pour les Allemands en première
mi-temps. Les joueurs ont mon-
tré leurs qualités défensives et
leur capacité à résister. Pour
moi, l’équipe actuelle est
meilleure que celle de la saison
dernière qui avait atteint les
quarts de finale. Il y a onze ans,
ils ont joué la finale de l’Europa
League, pourquoi pas à nou-
veau cette saison ?” conclut en
souriant André Gonçalves.