En manque de temps de jeu, Guillaume François (33 ans) joue un rôle
essentiel dans le vestiaire unioniste.
S
eptante minutes sur
1890 toutes compéti-
tions confondues :
voilà le maigre temps de
jeu de Guillaume François
avec l’Union Saint-Gilloise
cette saison. “C’est un peu
plus si on prend en compte
les arrêts de jeu”, sourit-il
quand on le retrouve dans
un restaurant du centre de
Waterloo où il habite avec
Aisling D’Hooghe, la gar-
dienne de l’équipe natio-
nale belge de hockey.
Seulement titulaire à une
reprise cette saison et ab-
sent de la liste pour les
matchs européens, l’ancien
Carolo joue malgré tout un
rôle primordial de grand
frère dans l’ombre du ves-
tiaire des Bruxellois. Tout
en continuant à se battre
quotidiennement pour
faire partie des sélections
de son coach. “Je ne veux
pas juste m’entraîner et faire
en sorte que le groupe vive
bien, je reste un compéti-
teur”, glisse-t-il en sirotant
son cappuccino.
Entretien vérité avec ce-
lui qui, à 33 ans, pense à
son après-carrière tout en
ayant encore bel et bien
faim de football.
Guillaume, comment
qualifieriez-vous votre début
de saison en un mot ?
(Il réfléchit longuement)
“Je dirais ‘réaliste’, car je
suis déçu de mon temps de
jeu mais je connaissais la
situation. Je suis réaliste car
la concurrence est énorme
avec Castro-Montes et Terho
sur le côté droit donc je
m’attendais à être dans
cette position. Avant le
début de la saison, j’ai
discuté de mon rôle dans le
groupe avec Blessin. Il m’a
dit que cela allait être com-
pliqué d’avoir beaucoup de
temps de jeu si les autres
répondaient présent, mais
qu’il comptait quand même
sur moi.”
Comment arrive-t-on à
rester motivé quand on saute
fréquemment des sélections ?
“Je me pose souvent cette
question quand je me lève le
matin et je me rends à cha-
que fois compte que j’aime
retrouver mes coéquipiers au
centre d’entraînement, res-
sentir l’atmosphère qui y
règne puis prendre du plaisir
sur le terrain. J’aime toujours
autant taper dans la balle et
tant que la passion est
présente, je continuerai à
jouer. C’est clair qu’il y a de
la frustration et de la décep-
tion quand je ne suis pas
dans les sélections du coach
mais il y a aussi de la com-
préhension quand je lis les
noms qui y figurent. C’est
souvent assez logique mais
je continue chaque semaine
à me battre pour essayer de
faire partie du groupe.”
Quel rôle jouez-vous
dans le vestiaire ?
“J’avais un rôle de grand
frère puis je suis devenu le
tonton, le papa, voire le papy
(sourire). J’aime discuter
avec mes coéquipiers et
aider les plus jeunes. Récem-
ment, j’ai par exemple parlé
durant 30 minutes lors du
voyage en Autriche avec
Elton Kabangu qui ne joue
pas beaucoup. Je lui ai
donné mon avis d’un point
de vue tactique et sur son
langage corporel. Si je vois
qu’il a modifié certains
éléments la semaine sui-
vante à l’entraînement, je me
dis que j’ai servi à quelque
chose. Je le fais aussi avec
des joueurs titulaires comme
Cameron Puertas à qui je
rappelle souvent ce qu’il a
vécu la saison dernière. Et à
l’entraînement, je pousse
tout le monde en les pinçant
par moments. Je peux être à
la limite de l’agression
verbale quand il faut en
réveiller certains. Personne
ne le prend mal car ils sa-
vent que je ne suis pas un
méchant (sourire).”
Trouvez-vous que certains
clubs ne prennent pas assez
en compte ce rôle de
l’ombre ?
“Clairement ! C’est l’une
des forces de l’Union qui a
compris que l’aspect humain
était aussi important que les
qualités techniques. Cet été,
la majorité des équipes se
serait séparée d’un élément
comme moi avec si peu de
temps de jeu en champion-
nat et après avoir été sorti de
la liste européenne. Mais
l’Union a compris qu’il fallait
autre chose que des titulai-
res pour qu’un groupe vive
bien. Dans certains clubs du
top belge, il y a trop de
titulaires potentiels et cela
affecte inévitablement l’am-
biance générale. Sans me
jeter de fleurs, je pense qu’il
est important d’avoir des
joueurs comme moi qui
jouent ce rôle de l’ombre à
fond.”
Être en tête du championnat
permet d’accepter plus
facilement votre situation ?
“Complètement car je me
dis que le jeu en vaut la
chandelle. Je ne sais pas si je
pourrais jouer ce rôle dans
un club du bas de classe-
ment qui ne joue pas l’Eu-
rope. Cela permet de combler
pas mal de frustrations. À
choisir, je préfère ma situa-
tion actuelle à l’Union plutôt
qu’aller prendre du temps de
jeu dans un autre club de
D1A ou de D1B.”
Est-ce la raison principale
pour laquelle vous n’avez pas
accepté l’offre du RWDM
durant le dernier mercato ?
“Le RWDM me voulait pour
entrer en concurrence au
poste de back droit. La direc-
tion m’a fait une proposition
mais j’ai très vite décliné car
je me sentais trop bien à
l’Union pour changer dans la
dernière ligne droite de ma
carrière. Le fait qu’il s’agisse
d’un club rival est aussi entré
en ligne de compte. Sans
savoir que j’avais déjà dé-
cliné l’offre du RWDM, plu-
sieurs coéquipiers ont insisté
pour que je ne quitte pas le
club. La direction voulait
aussi que je reste, tout
comme le coach. Tout le
monde voulait que je reste et
cela m’a encore plus récon-
forté dans le fait qu’il s’agis-
sait de la bonne décision.”
Comment avez-vous vécu
le fait de ne pas être repris
dans la liste européenne
réalisée par le staff avant le
parcours en Europa League ?
“La saison dernière, je ne
l’avais pas vu venir et je
n’avais pas compris la déci-
sion (NdlR : il avait été sorti
de la liste à partir des
huitièmes de finale). Cette
saison, je savais qu’il s’agis-
sait d’une possibilité vu la
grosse concurrence. Cela a
été une énorme déception
mais j’ai su relativiser plus
facilement. Je fais quand
même les déplacements avec
l’équipe, ce qui me permet de
garder le rythme en vue du
match du week-end. C’est
frustrant de s’asseoir en
tribunes mais cela me permet
tout de même de vivre l’expé-
rience européenne. Même si
cela vaut ce que cela vaut,
j’ai par exemple pris un
plaisir dingue de m’entraîner
à Anfield la veille du match
contre Liverpool.”
Vous arrivez en fin de contrat
en juin prochain : quels sont
vos plans pour le futur ?
“J’ai encore envie de jouer
et le corps suit toujours
même si je manque logique-
ment de rythme. Tant que la
direction me permet de
rester dans le groupe des
joueurs, je resterai. Ma
volonté est donc de prolon-
ger à l’Union mais il faudra
voir ce que la direction prend
comme décision. Rejoindre
un autre club ? Je me sens
vraiment bien à l’Union et
j’ai en tête l’idée d’y rester
dans un autre rôle à la fin de
ma carrière. Je n’ai donc plus
envie de changer de club.”
Pourriez-vous mettre un
terme à votre carrière si
l’Union décidait de ne pas
vous prolonger cet été ?
“J’espère ne pas devoir me
poser cette question en fin de
saison car j’ai vraiment envie
d’encore jouer une ou deux
saisons. Si le club me dit qu’il
n’y a plus de place pour moi
dans le groupe, je verrai
quelles sont les possibilités.
Mais je n’ai pas trop envie
d’en parler maintenant
d’autant que la direction m’a
dit que je continuerai avec
eux tant que j’aurai ce ni-
veau. J’ai donc bon espoir.”
Dans quel rôle voudriez-vous
travailler à l’Union après
votre carrière ?
“Il faudra en discuter en
temps voulu avec la direc-
tion mais je me vois rester
d’abord dans un rôle de
terrain. C’est pour cette
raison que je passe actuelle-
ment mes cours d’entraîneur.
Si je devais arrêter demain,
je me verrais bien rentrer
dans un staff tout en étant
consultant pour la télévision
sur le côté. J’aime beaucoup
ce rôle qui me permet de
rester dans le monde du
football. En tout cas, je suis
plus excité qu’angoissé au
sujet de mon après-carrière.
Je sais qu’aucune reconver-
sion n’est facile mais je suis
serein pour l’avenir.”
Plus globalement, parlez-
vous du titre de champion
entre vous dans le vestiaire ?
“On en parle mais avec
beaucoup de dérision et de
détachement car nous avons
très mal vécu la perte du titre
en toute fin de saison der-
nière. Même si c’est un sujet
logique vu notre position au
classement, nous n’avons pas
envie de trop nous projeter.
C’est beau d’avoir des points
d’avance maintenant mais il
faudra surtout être en forme
au bon moment.”
Avec le recul, comment
avez-vous vécu cette fin de
match cruelle face au Club
Bruges ?
(Il coupe) “C’est la pire
expérience de ma vie. En fin
de match, le staff m’a de-
mandé d’aller m’échauffer et
je m’apprêtais à monter au
jeu. L’atmosphère dans le
stade était incroyable, nous
avions déjoué tous les pro-
nostics et j’allais monter dans
la peau d’un champion de
Belgique sur le terrain. J’étais
à côté du quatrième arbitre à
attendre que le ballon sorte
pour monter au jeu quand
Bruges a égalisé. Je me dis
après coup que j’aurais pu
éviter ce but et que j’aurais
fait la faute nécessaire si
j’étais monté sur le terrain.
Mais c’est facile à dire… Nous
avons tous eu du mal durant
une ou deux semaines. Je suis
parti à l’étranger en famille
mais ces images me reve-
naient souvent en tête. J’ai pu
profiter des vacances mais la
semaine aurait été différente
si nous avions fêté le titre
quelques jours avant.”