Deniz Undav enlève sa cape de meilleur
buteur pour la jouer collective.
Assis tranquillement
en tribunes, clapet-
tes aux pieds, Deniz
Undav regarde la pe-
louse du stade Marien avec le
sourire goguenard du buteur
excité par le mois qui l’attend
et du joueur un peu provoc’
sur les bords qu’il est, ne ca-
chant pas son ambition. Il
n’hésite d’ailleurs pas une se-
conde quand on commence
par lui demander ce qu’il vise,
dans ces Champions playoffs :
“Gagner le championnat ! C’est
notre but. On est premier et on
veut être champion.”
Deniz Undav, vous affichez une
vraie ambition et de la con-
fiance…
“Ce sont les playoffs. Nous
sommes premiers et il n’y a
plus que quatre prétendants.
On ne va pas dire qu’on veut
être troisième, ce n’est pas vrai.
Nous voulons remporter le
championnat. C’est l’objectif
principal. Le seul. Si on n’est
pas champion et qu’on termine
deuxième, ce sera quand même
bien.”
Quels dangers guettent votre
équipe ?
“Qu’on perde tous les matchs.
Les autres équipes ont déjà
disputé les playoffs. Elles ont
l’expérience. Mais nous avons
faim. Nous voulons gagner ces
playoffs car nous voulons
montrer à la Belgique qu’une
équipe comme l’Union peut être
championne.”
Vous démarrez contre Ander-
lecht. Des bons souvenirs pour
vous, qui aviez marqué deux
buts lors de l’ouverture du
championnat…
“Oui, on a gagné les deux
matchs face à Anderlecht et
j’espère qu’on gagnera à nou-
veau. Mais les playoffs, c’est
différent, tout a changé. Nous
ne regardons pas le passé et
nous concentrons sur ce
match.”
Qu’auriez-vous répondu en
juillet si on vous avait dit que
vous en seriez là en
avril ?
“J’aurais
dit que je le savais. Vraiment.
J’avais dit au coach avant la
saison qu’on jouerait le top 4.
Peut-être pas la première place,
mais qu’on aurait été dans les
premiers et en Champions
playoffs, oui. Il a répondu qu’il
fallait rester calme et que ce
serait autre chose que la D1B.
Mais je savais qu’on avait les
qualités pour y arriver.”
En début de saison, on entendait
beaucoup : ce sera difficile pour
l’Union en D1A. Ou,
aussi : Undav a marqué beau-
coup en D1B, mais ce sera une
autre histoire en D1A…
“Si les gens connaissaient
vraiment le foot, ils n’auraient
pas été surpris par ce que je
réalise. Beaucoup ont dit
‘l’Union aura du mal’, ‘l’Union
va finir par s’écrouler’, ‘l’Union
n’est pas une grande équipe’,
‘l’Union est ceci, cela’. Mais
regardez où on est. Est-ce qu’on
s’est écroulé ? On est déjà
champions de la phase classi-
que. Beaucoup d’analystes et de
journalistes ont mal parlé de
nous. Que vont-ils dire mainte-
nant ? Vont-ils finalement nous
montrer le respect qu’on mé-
rite ? On verra bien à la fin de
la saison ce qui se passe.”
Vous avez ressenti un manque
de respect des adversaires à
votre égard ?
“En début de saison, oui.
Mais après la trêve de janvier,
c’était différent. Tous ceux
contre qui on a joué, à part le
Club Bruges, Anderlecht et
l’Antwerp, ont été regroupés
contre nous, ce qui était une
forme de respect. Mais les
médias ont passé la sai-
son à dire qu’on était petit
et qu’on allait craquer.”
Le Club Bruges est-il
votre adversaire nu-
méro 1 ?
“Oui, le Club Bruges
est le plus grand
concurrent. Il est à
trois points et nous en
avons six d’avance sur
Anderlecht et l’An-
twerp. Mais si on gagne
tous nos matchs, il n’y a
pas à avoir peur. Les
Brugeois sont sur une
bonne lancée, mais ils
ont perdu des matchs
de playoffs la saison
passée.”
L’Union est parvenue à rester
sereine toute la saison, ne
perdant jamais deux matchs
d’affilée, par exemple. Pensez-
vous que ce sera la même chose
en playoffs ?
“Il y aura plus d’excitation
car on joue le Club Bruges,
Anderlecht et l’Antwerp en un
mois. J’espère qu’on ne perdra
aucun match mais si on perd,
on perd. On devra juste se
reconcentrer sur le fait de
gagner le suivant.”
Felice Mazzù a lié en partie les
moins bons résultats à domicile
des dernières semaines au fait
que vous attendiez avec impa-
tience ces playoffs. Était-ce
long, dernièrement ?
“Mentalement, c’était compli-
qué. On avait 10 ou 12 points
d’avance et nous attendions les
playoffs car nous savions que
nous étions déjà qualifiés. On a
perdu des points et c’est une
grosse erreur. Sans cela, on
aurait toujours beaucoup
d’avance. Mais c’est fini mainte-
nant. Tout le monde est heu-
reux que ça commence.”
Vous vous souvenez de la der-
nière victoire à domicile ?
(Il réfléchit longuement)
“Non.”
C’était contre Anderlecht (le
30 janvier).
“Waouh ! Si longtemps ?!”
Oui. Va-t-on retrouver l’Union
qui donne tout à la maison,
maintenant ?
“Oui. Il y aura plus d’énergie
que lors des derniers matchs.”
“Le meilleur joueur ? C’est moi, puis Tarik Tissoudali”
Undav ne comprend
pas pourquoi le titre
de meilleur buteur
est décerné
après les playoffs.
A vec 25 buts au comp-
teur, Deniz Undav est en
tête du classement des artifi-
ciers à six journées de la fin.
Mais il estime avoir déjà rem-
porté le titre.
Le titre de meilleur buteur, vous
y pensez ?
“Pour moi, je l’ai déjà, parce
que c’est la saison régulière qui
compte. Imaginez Tissoudali ou
Onuachu qui remportent le
titre parce qu’ils jouent contre
des équipes plus faibles. De
toute façon, je suis concentré
sur le titre de champion, main-
tenant. Et si j’ai ce titre indivi-
duel, je serai encore plus con-
tent. Mais je préfère le trophée
de champion que de meilleur
buteur.”
Vous en êtes à 25 buts en cham-
pionnat. Vous visez combien ?
“Si j’arrive à 30, tant
mieux… mais je m’en
fous.”
C’est à l’image de
l’Union, dont la force
a toujours résidé
dans l’absence
d’individualisme
de ses joueurs.
“Oui, on veut
réaliser les choses
en équipe. Si
Anthony (Moris) termine la
saison avec le plus gros total de
clean sheets et si je suis
meilleur buteur, c’est encore
mieux. Mais on l’aura accompli
en équipe. Individuellement, on
s’en fout.”
Imaginiez-vous inscrire autant
de buts ?
“Non. Je me disais que 14, ce
serait déjà bien. Mais j’en suis
maintenant à 25. Je n’ai jamais
marqué autant de buts. Je
savais que j’avais des qualités,
mais je ne pensais pas sortir
une saison pareille.”
Comment l’expliquez-vous ?
“J’ai toujours marqué des
buts partout où je suis passé.
Et, ici, j’ai la chance qu’on soit
premiers en se créant beaucoup
d’occasions. Je suis au bon
endroit au bon moment.”
Si vous deviez choisir votre but
personnel préféré de la saison,
lequel serait-ce ?
“Le premier des deux que j’ai
inscrits à Louvain : une volée
sur un centre de Lazare. Celui
contre Courtrai (NdlR : le tir de
plus de 30 mètres qui s’était
logé dans la lucarne pour
donner la victoire 2-3 à
l’Union) vient en deuxième
position.”
Dante Vanzeir est de retour au
meilleur moment.
“Oui, c’est plus facile pour
moi et pour l’équipe quand il
est là. Voyons ce qui se passe. Il
n’a pas marqué contre le Beers-
chot, mais je sais que lorsqu’il
marquera le premier but, par
exemple contre Anderlecht, sa
confiance sera de retour.”
Y a-t-il un autre attaquant de D1
dont vous enviez une qualité
précise ?
“Non, il n’y a pas un joueur
auquel je prendrais quoi que ce
soit. Je pense juste que Tissou-
dali est un des meilleurs joueurs
et attaquants du championnat.”
Et à l’étranger ?
“Non. Je trouve que certains
attaquants sont très bons, ça
oui, mais je ne me dis pas : ‘Je lui
prendrais bien ceci ou cela’.
J’aime celui que je suis mainte-
nant.”
En fin d’année, le trophée de
Footballeur pro est décerné au
meilleur joueur de la saison par
ses pairs. Comme meilleur
buteur, vous pouvez y préten-
dre…
“Oui… Je ne sais pas. Ce serait
bien de le recevoir, aussi parce
que je ne me considère pas juste
comme un bon attaquant, mais
aussi comme un bon joueur.
Mais il y en a beaucoup dans ce
championnat. Comme j’ai dit,
Tissoudali.”
C’est à lui que vous donneriez
votre vote ?
“Je voterais d’abord pour moi
en premier, puis pour Tissou-
dali… Mais bon, comme je ne
vais pas voter pour moi, je
voterais pour lui. Il est le
meilleur depuis deux ou trois
mois.”
“Je veux savoir si je peux
affronter les meilleurs”
Le buteur germano-turc explique pourquoi il
a opté pour Brighton et la D1 anglaise.
D ans les dernières heu-
res du mercato de jan-
vier, Undav signait à Brigh-
ton, qu’il rejoindra en juin,
pour la nouvelle étape d’une
carrière qu’il écrit décidé-
ment à toute vitesse, lui qui
était encore en D3 en 2020.
Voyez-vous ces playoffs comme
une tournée d’adieu ?
“J’espère parvenir à jouer du
mieux possible pour qu’on
réussisse à accomplir quelque
chose. Et seulement après ces
six matchs, je me concentrerai
sur la Premier League.”
Qu’est-ce que l’Union représen-
tera dans votre carrière ?
“C’est le club qui a tout
changé pour moi, grâce auquel
je suis devenu un joueur de
Premier League. Peut-être que
si je joue bien à Brighton,
j’aurai la chance d’aller en
équipe nationale.”
À quoi ou à qui avez-vous
pensé en signant ce contrat
pour Brighton ?
“À ma famille : ma ‘mama’,
mon père, ma femme, ma sœur
et mes frères. C’est pour eux
que j’ai fait tout ça. Je ne joue
pas que pour moi, mais aussi
pour aider ma famille. Tout ce
que je fais est pour eux.”
Avez-vous repensé à cette
période où vous jouiez en D3
ou D4 allemande ?
“Oui, c’est fou de me dire
qu’il y a deux ans et demi
j’étais en D3 avant de venir ici.
Et, maintenant, la D1 an-
glaise… Cela me fait sourire
quand j’y pense. J’ai accompli
cela moi-même; ce n’est pas
quelque chose qu’on m’a
donné. J’ai travaillé, j’ai donné
ma vie pour ça.”
Vous êtes sûr que vous n’aurez
pas de regret de ne pas jouer
en Ligue des champions si
l’Union remporte le titre ?
“En Premier League, vous
jouez la Ligue des champions
toutes les deux semaines. En
fait, c’est mon objectif : offrir
cette Ligue des champions au
club pour l’année prochaine. Je
veux partir la tête haute en
sachant que j’ai fait quelque
chose de grand pour ce club,
cette équipe et ce coach. Pour
tout le monde ici, à Bruxelles…
sauf les fans d’Anderlecht.”
Vous sentez-vous prêt pour ce
nouveau grand bond dans une
telle compétition ?
“Je ferai en sorte de l’être. Je
travaillerai encore plus en
préparation pour cela.”
Pourquoi avoir choisi la D1
anglaise et pas allemande,
d’où vous venez, par exemple ?
“C’est le meilleur champion-
nat du monde. C’est encore
différent de l’Allemagne ; tout
le monde regarde la Premier
League. Et je veux savoir si je
suis capable d’affronter les
meilleurs. C’est mon but.
Savoir si j’appartiens à la
meilleure ligue du monde. Je
ne sais pas. On verra. Ce sera
peut-être difficile la première
année, puis ça ira la seconde.
Je me réjouis de voir ce qui va
se passer et savourer cela.”
Vous aurez cette même con-
fiance qui vous habite ?
“Oui, je pense. Quand je suis
arrivé ici, mes trois premiers
mois n’ont pas été faciles. J’ai
eu du mal, maintenant je sais
comment réagir quand ça ne
se passe pas bien.”
Où rêvez-vous de jouer ?
“À Liverpool, à Stamford
Bridge contre Chelsea, à Arse-
nal. Quand j’étais petit, je
regardais ces matchs-là, ceux
où Rooney, Henry, Vidic, Ferdi-
nand étaient là. Maintenant,
jouer contre ces équipes, c’est
formidable.”