VINCENT MILLER ET FRÉDÉRIC LARSIMONT
Sans pression mais avec de l’ambition : c’est ainsi que l’Union de Felice Mazzù abordera les Champions Playoffs. Une équipe saint-gilloise et son coach prêts à créer un exploit retentissant. next
C’est un Felice Mazzù souriant, détendu et … bronzé -lui qui revient de quelques jours de stage en Espagne avec son équipe- qui a pris le temps de répondre à nos nombreuses questions. Et ce, alors que les Champions Playoffs, remplis d’espoirs pour les Unionistes, débuteront ce dimanche par la réception d’Anderlecht. Le coach carolo est tout d’abord revenu sans détour sur les tristes événements qui ont émaillé la dernière rencontre de la phase classique face au Beerschot. Il a ensuite peaufiné ses ambitions pour la fin de la saison, ne fixant pas clairement le titre comme objectif à ses ouailles. Nul doute toutefois que les lauriers nationaux lui trotteront dans un coin de la tête. Il en a profité au passage pour évoquer son futur, laissant plâner le doute quant à sa présence ou non sur le petit banc saint-gillois la saison prochaine. Enfin, il n’a pas manqué d’évoquer son autre carrière, celle de consultant à la télévision. Une interview à bâtons rompus.
LES PLAYOFFS
Ces Champions Playoffs mettront aux prises quatre équipes et non à six comme c’était le cas lorsque vous les aviez disputés avec Charleroi. Cela change-t-il intrinsèquement la donne ?
En fait, ce qui change surtout, c’est la situation dans laquelle on les débute. J’ai toujours été dans celle du chasseur. Aujourd’hui, on est dans celle du chassé. Mais cela amène du respect car cette qualification est méritée. Elle n’arrive pas par hasard, ou en fin de parcours grâce à des errements ou des défaites d’autres équipes.
Vous parlez de respect. L’Union en a-t-elle manqué de la part d’autres équipes cette année ?
En tout cas, il y en a plus qu’en début de saison. Voire même qu’en milieu de saison car, après le 20 e match, on nous parlait encore et toujours de début de saison. On nous disait qu’on était dans l’élan de la D1B et qu’on allait s’essouffler. Ce qui ne fut pas le cas.
Dans quel état d’esprit l’Union va-t-elle débuter ces playoffs ?
Ce qui nous arrive doit nous donner beaucoup d’ambition, et l’envie de faire quelque chose de bien. Mais si l’Union n’arrive pas au bout, ce ne sera pas une catastrophe. Car le titre n’est pas l’objectif ultime, à l’inverse d’autres équipes. Et puis, honnêtement, les trois quarts des personnes au club n’ont aucune expérience des playoffs. Nous, on est là pour apprendre au contact de clubs qui ont l’habitude de se battre pour des titres et de disputer des gros matches.
Le titre est-il tout de même dans un coin de votre tête ?
On se dit que rien n’est impossible. On ne fait pas de la compétition de haut niveau pour se dire ensuite que c’est impossible. On doit croire en tout. Et c’est cet état d’esprit qui nous permet d’avancer.
Ces dernières semaines, vous avez éprouvé plus de difficultés face à des équipes dites plus « petites ». Les « grands » ne vous conviennent-ils pas mieux au final ?
Je ne pense pas comme cela. Certes, le mois de janvier face aux grosses écuries a été une réussite. Mais le moment est maintenant différent. La médiatisation aussi. En janvier, la qualité des adversaires était autre. Il y avait des noyaux différents ainsi que des joueurs blessés. Et il y avait certains entraîneurs différents, comme du côté de Bruges. On doit donc se dire qu’on repart de zéro.Pensez-vous que vos adversaires vont changer leur façon de jouer face à vous ? Qu’ils vont s’adapter à l’Union ?Non car ce sont des clubs avec une très grosse identité, avec des titres, de l’expérience et un gros passé. Ils vont jouer leur jeu.
N’avez-vous pas peur du coup de fringale, que votre équipe baisse de régime ? Ce qui n’est pas encore arrivé depuis le début de la saison.
Non car je vois comment mes joueurs s’entraînent. J’ai vu la déception dans leurs yeux lors des derniers matches. Je l’ai aussi vu dans leur « body language ». Ils ont vraiment une très grosse envie. Mon équipe aime les grands défis depuis deux ans. Des défis que certains pensent impossibles à relever.
L’AFFAIRE BEERSCHOT
Avez-vous été surpris par la rapidité avec laquelle la décision de vous octroyer les trois points du match arrêté face au Beerschot a été prise ?
Je veux tout d’abord dire que je suis satisfait du verdict. Et ce, même si on était dans le Felice Time et que j’étais convaincu qu’on allait marquer (sourire). Mais c’est vrai que j’ai été étonné par la rapidité de cette décision, en regard avec le temps qu’ont pris certaines autres par le passé lors d’événements similaires.
Peut-on, du côté de l’Union, dire merci à la Pro League et au nouvel état d’esprit qui y règne ?
D’une certaine manière oui. Mais d’une autre non car je ne veux pas qu’on pense qu’on a été favorisé. Je pense tout simplement que c’est de cette manière que les décisions doivent être prises, qu’elles nous soient favorables ou pas. Vu que les playoffs arrivaient, il était important de rendre un verdict rapidement.
Outre l’aspect réglementaire, qu’est-ce que ces évènements vous inspirent ?
Je pense que la première démarche à effectuer est de sécuriser les entrées des stades. Il ne faut pas que les supporters puissent rentrer avec des objets qui peuvent nuire. Or, on se rend compte qu’ils rentrent encore avec des fumigènes ou des objets à lancer. Et puis, il faut éviter toutes ces situations de hooliganisme et de racisme.
Tous ces événements ne risquent-ils pas, à un certain moment, d’inciter les autorités à interdire les déplacements de supporters adverses ?
Il faudrait éviter d’en arriver là. Car quand deux équipes se rencontrent, c’est bien d’avoir les deux publics dans le même stade. Il doit y avoir un affrontement sportif sur le terrain. Et un autre, tout aussi sportif, en tribunes. Empêcher les supporters adverses de suivre leur équipe, ce serait un peu dur. Car cela voudrait dire qu’ils ne la verraient qu’une fois tous les quinze jours…
L’exemple à suivre ne serait-il pas celui de Liverpool ? Les supporters des Reds qui ont, cette semaine, rendu un vibrant hommage à Ronaldo, endeuillé par le décès de son fils.
Lors de ma période à Genk, j’ai affronté Liverpool en Ligue des Champions. Et je peux vous dire que je ne me suis jamais senti aussi bien avec des supporters adverses dans mon dos. Ils sont fair-play. Ce sont vraiment des gentlemen. Ils vous applaudissent quand vous avez une action, quand vous effectuez un changement. Ils ne sont pas dans l’arrogance ou l’agressivité. Ce qu’ils ont fait concernant Ronaldo ne m’étonne pas du tout.
Y a-t-il un parallèle à faire avec le public de l’Union, réputé pour son fair-play lui aussi ?
On sait que l’Union a un passé riche en titres, et où il n’y a jamais eu d’événements de racisme ou d’hooliganisme. Le club vit dans cette certaine culture, dans cette certaine tradition. Ce public est reconnu et veut encore se faire reconnaitre pour son état d’esprit.
En parlant de ce public unioniste, certains ont tendance à le considérer comme « bobo » ou de circonstances. Qu’avez-vous envie de leur répondre ?
Ceux qui prétendent cela sont des gens jaloux de fans qui représentent leur club et ce que doit être le sport. Cela doit rester un plaisir, une passion. Cela doit amener de l’amour et de la connexion entre ceux qui pratiquent l’activité et ceux qui la regardent. Nos supporters ne sont pas des fans bobos ou de la victoire. Ils nous soutiennent quoi qu’il se passe durant un match. Prenez l’exemple de l’aller contre Seraing. On était mené 0-2 après une très mauvaise mi-temps mais les supporters nous ont applaudis et ont chanté lorsqu’on est revenu aux vestiaires. La suite, on la connaît (NDLR : l’Union s’est imposée 4-2).
SON AVENIR
Felice Mazzù, serez-vous encore présent au Parc Duden la saison prochaine ?
Ma seule ambition, c’est de finir le plus haut possible, d’aller le plus loin possible avec l’Union. À un moment donné, si je suis déçu du parcours et de l’arrivée, ou que le club lui-même est déçu, il peut y avoir discussion, évidemment. J’ai des opportunités, oui, mais je suis très serein par rapport à cela car je veux bien terminer la saison.
Vous avez récemment fêté vos 56 ans. Une aventure à l’étranger pourrait-elle vous séduire ?
Il y a l’ambition professionnelle d’un côté, mais il y a la famille de l’autre. Mon papa est seul et a 89 ans. Je n’ai pas envie qu’il lui arrive quelque chose et que je ne sois pas là. Ce n’est donc pas une priorité pour moi de partir à l’étranger. Je suis ouvert avec mon club et j’attends qu’il me fasse un signe. J’apprécie énormément ce club, je m’y épanouis mais j’attends un signal de se part.
La perspective de jouer la coupe d’Europe l’année prochaine doit tout de même vous réjouir…
Oui mais tout doit être bien pensé, bien analysé. Aller en Coupe d’Europe, c’est bien. Mais y aller avec une équipe moins performante que celle de cette année, ce n’est pas bien non plus. Il faut pouvoir attendre et voir ce qu’il va se passer. Car Undav sera parti tandis que d’autres joueurs sont convoités.
Votre décision pourrait-elle dépendre d’éventuels départs ou arrivées de joueurs ?
Ma décision ne dépendra pas que de moi. Elle dépendra des deux parties. Moi, ce que je sais, c’est que j’ai un contrat à durée indéterminé.
Cette fin de saison, où un exode de joueurs est à craindre, vous fait-elle peur ?
Non. Je le répète, je suis serein car j’ai une direction qui travaille très bien. Elle est allée chercher des joueurs inconnus qui sont devenus connus et ont performé. C’est une manière de recruter atypique, sur laquelle j’émettais certains doutes il y a deux ans mais qui me permet de dire aujourd’hui que c’est une grosse réussite. Je suis vraiment tranquille par rapport à la situation et à mon avenir.
Mais tout de même, l’Union serait-elle capable de remplacer quatre ou cinq joueurs clés en cas de départs massifs ?
Ce serait un challenge difficile mais ces joueurs seraient remplacés. Je n’ai pas peur au niveau de la qualité. Mais il faudra accepter le fait qu’il faudra un certain temps pour retrouver du dynamisme, de la cohésion et de la cohérence. Car outre la qualité, il y a aussi l’attitude qui importe, le tempérament, le caractère, la façon d’adhérer à un groupe. Ce seront autant d’éléments dont il faudra tenir compte.
SON RÔLE DE CONSULTANT TV
Sur le plateau de Club RTL.
RTLprev
Outre votre métier d’entraîneur, vous êtes également consultant à la télévision depuis quelques années. Est-ce un hobby pour vous ?
C’est plus que cela car j’apprends constamment. Cela me permet de découvrir d’autres choses, de côtoyer l’autre côté du monde du foot. J’ai le côté entraîneur, où je subis les analyses, les avis, les critiques. Et puis, j’ai ce côté où je peux faire moi-même sereinement des analyses de matches d’un autre niveau, comme la Ligue des Champions par exemple. Et puis, je rencontre de nouvelles personnes.
Comme Anne Ruwet qui mène les débats sur Club RTL…
C’est une belle personne qui permet de vous épanouir dans son domaine. Elle vous met à l’aise et elle a du contenu. C’est quelqu’un qui a une analyse, qui réussit à enchaîner et qui ne vous met pas de pression. Je lui souhaite le meilleur.
C’est toutefois sur Proximus TV que vous aviez commencé votre « nouvelle » carrière…
Je me souviens avoir débuté en commentant en direct Mouscron-Standard, alors que c’était ma première année à Charleroi. Commenter un match de championnat dans lequel je coache fut une erreur que je ne commettrai plus.
Pour quelle raison ?
Car cela m’avait amené par mal de critiques. J’étais encore dans ma période de naïveté. Je pensais que ce que je dirais ne serait pas traduit négativement. Or, ce fut le cas. J’ai tout de suite stoppé les commentaires des matches de championnat belge. Je préfère faire des analyses de Champions League, d’Europa League, de coupe d’Afrique, voire même de coupe d’Iran (sourire).
Avez-vous compris ces critiques ?
J’ai été touché car je ne comprenais pas encore bien le fonctionnement du monde professionnel. Je venais de débarquer. Pour moi, c’était crédible de commenter des matches de championnat, même si d’autres ne le pensaient pas. Pourquoi ne pourrait-on pas donner un avis, avec beaucoup de respect, de ce qu’on voit ?
Quel autre souvenir marquant avez-vous de votre carrière de consultant ?
Avec Eleven, j’ai commenté plusieurs matches en cabines mais j’ai aussi fait la finale de la coupe de la Ligue anglaise, la Carabao Cup. Cela m’a permis de visiter l’Angleterre et de passer de très bons moments (sourire).
Votre profil est plutôt atypique pour un entraîneur de division 1 belge. Contrairement à d’autres, vous paraissez nettement plus accessible…
Je proviens d’une famille très modeste où on n’a peut-être pas eu autant que d’autres et où on a toujours dû se débrouiller avec les moyens du bord. Mais j’ai eu une certaine éducation basée sur le respect. Et quel que soit le milieu et les gens avec qui vous travaillez, vous devez leur garder le même respect. C’est ma façon de fonctionner.
Et cette recette semble porter ses fruits…
Le fait d’entraîner en D1 ne veut pas dire que vous ne pouvez pas vous permettre de rire ou de boire un verre. Même si 90 % des gens ne pensent pas comme moi, je continuerai à penser de cette manière-là. Le plus important, c’est d’être soi-même. C’est ainsi qu’on est épanoui.
DU TAC AU TAC
L’année prochaine, si vous êtes toujours sur le banc de l’Union, vous coacherez en Coupe d’Europe. S’il y avait un adversaire que vous pouviez choisir de rencontrer, lequel serait-il ?
La Juventus car c’est mon club de cœur, toute ma famille habite à Turin. Ce serait un événement extraordinaire. Mes cousins sont supporters de la Vieille Dame. Je me rappelle que, quand j’allais dans ma famille quand j’étais adolescent, on allait voir la Juventus. Cela paraissait quelque chose de totalement inaccessible.
Si vous aviez le choix, vous entraîneriez plutôt Barcelone ou le Real Madrid ?
Le Barça pour sa culture et sa manière de fonctionner avec un minimum de sponsoring durant de nombreuses années. Ce qui me plaît énormément dans ce club, c’est le foot déployé, les titres remportés et sa philosophie.
Quel est le coach que vous admirez le plus ?
Je n’ai croisé que trois grands coaches en Ligue des Champions. Mais celui qui m’a le plus marqué, c’est Jürgen Klopp. Car c’est celui qui a été le plus respectueux, le plus humble. C’est celui qui a conversé avec moi et avec qui j’ai eu des échanges tactiques. Il a d’ailleurs été assez positif à mon égard. Aujourd’hui, on voit qu’il continue à faire des résultats. C’est le seul entraîneur au monde qui a encore la possibilité de gagner quatre titres cette saison. Il a en plus une attitude assez humaine et est très proche de ses joueurs.
Si vous pouviez ramener un joueur de votre choix à l’Union, lequel serait-il ?
Benzema car c’est le plus complet au monde. Il marque, il a une bonne attitude, une bonne mentalité. Il sait décrocher pour aider le bloc à remonter. Il sait faire des appels en profondeur. Il sait marquer du pied droit, de la tête, du gauche. Et en plus, il sort son équipe de mauvais pas ces derniers temps (sourire).