Charles Picqué a connu les mauvaises
années du club et se réjouit de ce qui
se passe actuellement.
J e n’ose pas imaginer la
fête que ce sera si
l’Union est cham-
pionne…” Charles Picqué,
président de l’Union de
1993 à 2000 avant d’en de-
venir le président d’Hon-
neur, sait d’où vient le club.
Celui qui ne rate aucun
match à domicile de
l’Union a connu les mau-
vaises années du club où
les mots “descente” et
“faillite” étaient plus sou-
vent entendus que “cham-
pion”. “Je serais très ému en
cas de titre, lance l’ex-
bourgmestre de Saint-
Gilles depuis le fond de son
jardin où il a regardé dans
le rétroviseur durant plus
d’une heure. Mais j’ai déjà
été tellement ému avec
l’Union que je suis désormais
habitué…”
Entretien avec un
homme qui peut savourer
la réussite de son club
après être passé par les an-
nées de déboire…
LA FINALE
DE DIMANCHE
“Nous avons assisté à un
miracle dimanche dernier à
l’Antwerp et cela pourrait
donner un boost psychologi-
que à l’équipe même s’il ne
faut pas tomber dans
l’euphorie. En tant que sup-
porter, je reste toujours in-
quiet jusqu’à la dernière mi-
nute. Certains se moquaient
de moi quand je restais pru-
dent alors que l’Union me-
nait 3 ou 4-0… Même si, à
l’époque, des scores pareils
étaient plutôt rares. Je sa-
voure les moments actuels en
pensant à tous ces suppor-
ters qui ont connu les années
de purgatoire. Je me rappelle
d’un supporter qui, à chaque
rencontre durant plusieurs
années, me répétait : ‘Est-ce
que je reverrai encore l’Union
en D1 avant de mourir ?’ Je ne
veux pas jouer les romanti-
ques mais, en cas de titre, je
penserai à tous ces suppor-
ters disparus. La fête qu’on
aurait pu faire avec tous ces
fidèles supporters… Je ne
suis pas du genre émotionnel
à commencer à pleurer mais
je pense que j’aurai la gorge
serrée en cas de titre diman-
che.”
LA SAISON
DE L’UNION
“En fin de saison dernière,
je me demandais si nous
n’étions pas en train de vivre
un bonheur unique. Un an
plus tard, on découvre que
l’Union est encore plus
forte… Il faut rendre hom-
mage à la direction du club
qui a su trouver les bons pro-
fils pour créer un groupe uni.
La solidarité est l’élément-clé.
Il y a plusieurs années, deux
défenseurs de l’équipe ne
s’adressaient pas la parole…
à cause d’une histoire de fem-
mes. Impossible d’avoir une
solidarité entre le mari cocu
et l’amant de sa femme (sou-
rire). Pour faire des résultats,
il faut pourtant une réelle
union entre les joueurs. Ac-
tuellement, il y a bien sûr Bo-
niface qui crève l’écran mais
tous ont mis un engouement
extraordinaire à bien faire.
Teuma représente vraiment
bien l’Union et a un rôle cha-
rismatique. Le moment de
bascule a été la victoire 0-3
en Coupe de Belgique sur le
terrain d’Anderlecht en sep-
tembre 2018. À ce moment-là,
j’ai compris que quelque
chose de sérieux se passait
dans l’histoire du club.”
LES SUPPORTERS
DE L’UNION
“Il y a une ambiance à la
fois joyeuse et apaisée dans
le stade. Les fans de l’Union
ne tombent jamais dans la
provocation. Il ne faut donc
pas que des néo-supporters
se glissent parmi les suppor-
ters sincères avec des idées
contradictoires aux valeurs
du club. L’extrême modestie
de nos infrastructures ne
nous permet pas non plus
d’être des ‘stoeffer’(NdlR :
“frimeur”, en bruxellois).
Cela me fait penser à la ré-
cente réception d’Anderlecht
au Marien : quand on rentre
par la porte centrale du
stade, un couloir mène vers le
bar des VIP avec au bout une
toilette pour les hommes et
une autre pour les femmes. Je
me suis marré quand j’ai vu
la tête des épouses des diri-
geants anderlechtois passer
par le fameux ‘couloir de la
pisse’en étant terrorisés par
les supporters masculins qui
sortaient des toilettes (ri-
res).”
LE PROBABLE
DÉMÉNAGEMENT DU
STADE MARIEN
“Le succès appelle des
transformations pour le club.
Il est désormais temps d’être
correct avec les investisseurs
anglais : c’est oui ou c’est non
pour un nouveau stade ; no-
tre crédibilité passe par là.
Nous avons la chance d’avoir
des gens prêts à construire
un nouveau stade sans de-
mander d’argent public. C’est
une chance mais il faut tran-
cher et vite car le risque qu’ils
partent est réel. Quand la
magie du succès sera passée
dans les semaines qui vien-
nent, il faudra se pencher sur
le stade… Le futur dépendra
essentiellement des garan-
ties financières qu’on aura
pour faire en sorte que les in-
frastructures seront adap-
tées.”
CHARLES PICQUÉ,
LE PRÉSIDENT
“Si j’ai un mérite, c’est celui
d’avoir repris l’Union quand
le club avait de grosses dettes
en 1993. Nous étions sur le fil
du rasoir dans un mode de
survie. Quand le club est
monté de D3 en D2, j’ai dé-
couvert un autre monde avec
des joueurs voulant se faire
payer en noir ou des gens me
proposant des joueurs de piè-
tre qualité. Je me rappelle
d’un joueur qui est venu me
voir en disant qu’il avait des
problèmes financiers : je lui
ai donné à deux ou trois re-
prises de l’argent personnel.
Le gars n’était en fait pas du
tout en difficulté financière…
Le club a aussi évité des
aventures dangereuses avec
des groupes qui auraient
créé les conditions de la dis-
parition de l’Union. Je me
rappelle de repreneurs qui
faisaient du trafic d’esclaves
en logeant des joueurs d’Afri-
que dans une cave près de la
Gare du Midi.”
LES SOUVENIRS DES
DÉPLACEMENTS
“Tout n’a pas toujours été
rose : je me souviens de lour-
des défaites à Walhain, à
Diegem ou à Zaventem. Je me
rappelle d’un joueur italien
qui vivait dans les beaux
quartiers d’Uccle et qui se
promenait toujours avec les
t-shirts à la mode. Le profil
du joueur italien qui sédui-
sait les femmes. Je ne vous dis
pas sa tête quand nous avons
été perdre à Peruwelz, sur un
terrain avec des trous de
taupe et une tribune avec des
parois en béton sur de la
terre nue (sourire). Quand
nous étions en D3, l’Union
jouait à Bleid, au milieu de la
forêt. J’y suis allé avec ma voi-
ture pour ne pas obliger un
chauffeur d’aller jusqu’au fin
fond de la Belgique. Après le
match, les gens de Bleid me
reconnaissent et nous bu-
vons des bières et des bières.
‘Il est sympa le Pic, ce n’est
pas un Bruxellois comme les
autres !’ Je n’allais jamais sa-
voir rentrer en voiture sans
avoir d’accident. Un copain
de la région me dit qu’il vient
me chercher mais qu’il ne
veut pas s’aventurer dans la
forêt. Au moment de monter
dans la voiture, mon GPS dé-
conne. J’ai tourné en rond
dans la forêt pendant des
heures jusqu’au moment où
j’ai enfin vu une lumière. Je
me rappellerai toujours de la
tête du gars qui m’a ouvert
au milieu de la nuit (sou-
rire).”