L’Union a vu le titre lui échapper
pour quelques minutes… Un psychologue
du sport analyse l’échec.
L’ Union se souviendra
longtemps de cette
funeste soirée du
4 juin 2023. Virtuels cham-
pions de Belgique à deux
minutes du temps régle-
mentaire, les Unionistes
ont tout perdu à la suite de
l’égalisation brugeoise en
toute fin de rencontre.
Comment expliquer ce
triste dénouement alors
que l’Union avait tout en
mains pour rafler les lau-
riers ? “Il y avait une tension
phénoménale jamais connue
auparavant, souffle Jef
Brouwers, psychologue du
sport. Les joueurs de l’Union
n’ont pas montré une maî-
trise totale des événements
comme ils avaient pu le faire
de nombreuses fois aupara-
vant. Quand on mène 1-0
dans un match tellement im-
portant, il est clair que la ten-
sion monte minute après mi-
nute. Vers la fin du match,
qu’on le veuille ou non, cela
prend les joueurs par les tri-
pes et ils perdent inconsciem-
ment la puissance qu’ils peu-
vent avoir. Quand on est telle-
ment proche de la gloire, la
tension interne est terrible et
fait perdre le sang-froid.”
Après l’égalisation du
Club, l’Union a totalement
craqué en encaissant en-
core deux buts dans les ar-
rêts de jeu pour finalement
s’incliner 1-3. Quelques mi-
nutes après la rencontre,
certains joueurs comme La-
zare ou Lynen se sont pré-
sentés face à la presse les
yeux rougis par les pleurs.
Avec des mots très durs (“Je
suis brisé” ou encore “C’est
le pire moment de ma vie”).
“Ce sont des mots qui sont le
résultat de l’émotion vécue,
analyse Jef Brouwers. L’être
humain fonctionne comme
cela : le sentiment automati-
que est de penser aux possi-
bilités qu’on vient de louper
et qu’on n’a pas réussi à réa-
liser. Ils devaient être terrifiés
par l’idée du ‘On aurait pu
mais on ne l’a pas fait’ avec
une totale impuissance face
au résultat final. L’utilisation
du conditionnel est alors sou-
vent présente. Au niveau psy-
chologique, c’est catastrophi-
que.”
. La maturité
d’Alderweireld
Dans le même temps,
l’Antwerp parvenait à égali-
ser sur le fil pour dérober
le titre de champion de Bel-
gique au nez et à la barbe
de Genk. Grâce à un but
venu d’ailleurs de Toby Al-
derweireld à quelques se-
condes du coup de sifflet fi-
nal. “Il faut une maturité
phénoménale pour faire ce
qu’Alderweireld a fait. Pen-
dant que le coach Mark van
Bommel et le capitaine an-
versois sont restés très cal-
mes, l’Union était perdue sur
le terrain. Les Bruxellois n’ont
pas eu la maturité des Anver-
sois malgré le calme de leur
coach Karel Geraerts qui fait
partie de ces entraîneurs de
la nouvelle génération com-
prenant toute l’importance
de l’intelligence émotion-
nelle.”
Avant la reprise des en-
traînements prévue le
26 juin, les joueurs de
l’Union vont profiter de
trois semaines de vacances.
Reste à réussir à déconnec-
ter le plus rapidement pos-
sible pour parvenir à tour-
ner la page de cet énorme
échec. “Il faut réussir à arrê-
ter de penser à tout cela le
plus vite possible, explique
Jef Brouwers. C’est très diffi-
cile à faire car il y a toujours
cette voix interne qui rap-
pelle qu’on aurait pu être
champions… mais qu’on ne
l’est pas. Dans le sport
comme dans la vie, il faut
passer par la période de dé-
compression. Il faut laisser
aller les émotions puis faire
une pause sans rester dans le
milieu qui a causé le pro-
blème avant de se remettre à
l’entraînement.”
Depuis plusieurs années,
Jef Brouwers plaide pour la
présence de psychologues
dans les clubs de football.
Un spécialiste du sport
élite qui pourrait aider à
faire face à ce genre de mo-
ments difficiles. “Il faut
comprendre que le football
est le plus complexe des mon-
des complexes, argumente-
t-il. Dans ce genre de cas, il
est nécessaire d’avoir un psy-
chologue clinique qui a les
compétences pour faire en
sorte que les joueurs se sen-
tent à l’aise après une situa-
tion comme celle de diman-
che. On n’imaginerait jamais
un staff sans un analyste vi-
déo ou sans un kiné mais on
l’imagine très bien sans psy-
chologue alors que tout est
décidé dans le cerveau hu-
main…”