Ayant mal vécu son
limogeage au Racing
limbourgeois, le Carolo
affirme ne pas être
animé d’un sentiment
de revanche. Mais cet
épisode douloureux a
transformé l’homme et
l’entraîneur, qui a appris
à davantage se faire
confiance et à mieux
s’entourer.
Face aux micros, Felice Mazzù af-
firme diplomatiquement ne pas
être animé d’un quelconque sen-
timent de revanche à quelques heures
du déplacement à Genk, son ancien
club. « Avec ce mot, on pourrait croire
que tout est de la faute de Genk. Mais
j’avais aussi ma part de responsabilité »,
a-t-il expliqué au Belang van Limburg.
Son objectif avoué est plutôt de voir
l’Union continuer sur son excellente
lancée. « Un déplacement à Genk a,
pour moi, la même saveur qu’un match
au Standard, à Anderlecht, à Courtrai
ou au Beerschot », a-t-il encore rappelé
vendredi. « C’est un match comme les
autres, que l’on veut gagner. »
Pourtant, Felice Mazzù a depuis long-
temps cerclé de rouge le déplacement
de dimanche soir (21 h) en terre lim-
bourgeoise, là où il a reçu le premier C4
de sa carrière, le 12 novembre 2019. Un
limogeage cruel, acté 162 jours à peine
après avoir été présenté en grande
pompe.
A l’époque de sa signature, le 5 juin
2019, Mazzù est persuadé qu’il a fait le
bon choix de carrière après six ans pas-
sés du côté de Charleroi. Rencontré
quelques jours plus tard dans les tra-
vées du stade, Mazzù ne cache pas son
bonheur teinté d’impatience de re-
prendre en main un club habitué à
jouer les premiers rôles en Belgique, de
découvrir la Ligue des champions.
« Qui sait si la Juventus ne va pas être
charmée par mes états de service ? »,
s’amuse-t-il même avec sa bonhomie
actuelle.
Mais deux détails nous frappent : il
insiste beaucoup sur le fait que cer-
taines personnes lui reprochent déjà de
ne pas maîtriser le néerlandais et qu’il
n’a pas été choisi par défaut : « Je n’ai
pas été recruté comme 18e choix après
que les 17 premiers candidats sondés
ont refusé le poste », se défend-il alors.
Son bilan à l’époque, toutes compéti-
tions confondues, est toutefois insuffi-
sant : 8 victoires, 4 nuls et 9 défaites en
21 matchs. « On avait le sentiment que,
malgré tout ce qu’on faisait et qu’on au-
rait pu faire, cela n’allait pas durer », se
rappelle Denis Dessaer, son adjoint de
l’époque. « Après deux semaines, on
avait déjà compris. Il y avait des gens
dans le staff, chez les kinés, à tous les
étages du club, qui ne croyaient pas en
lui, qui incitaient Felice à agir contre sa
volonté. Parfois, il voulait faire quelque
chose, apporter sa propre vision, mais il
était freiné dans son élan. Je lui disais
qu’il devait se faire davantage
confiance, que c’était un grand coach,
qu’il méritait d’être davantage écouté et
respecté. Son limogeage lui a fait mal,
mais il doit en tirer les leçons qui s’im-
posent en s’entourant de personnes en
qui il a confiance. On voit ce que cela
donne à l’Union… »
Avec un an et demi de recul, peut-on
affirmer que ce limogeage a, quelque
part, servi les desseins de la carrière de
Felice Mazzù ? Qu’il l’a en quelque sorte
fait grandir, évoluer dans l’approche de
son métier ?
« Si je suis persuadé que ce limogeage
l’a fait progresser ? Non ! J’en suis sûr à
100 % ! », affirme Karel Geraerts, son
actuel adjoint au pied de la Butte. « Fe-
lice parle encore de temps en temps de
sa période genkoise avec regrets parce
qu’il a fait des concessions par rapport
à sa vision des choses. A l’Union, il est
davantage lui-même et il n’hésite plus à
dire les choses en face. Il est proche de
son groupe, des titulaires aux réser-
vistes en passant par son staff. Et tout le
monde le lui rend bien, comme on a pu
s’en rendre compte récemment lors du
décès de sa maman. Franchement, si on
lui montre du respect, il est impossible
de se fâcher avec Felice. Et si c’est le cas,
c’est que vous avez fait quelque chose
de vraiment grave… »
Un cador de la profession
qui ne croit pas assez en lui
En réalité, l’épisode genkois de la car-
rière de Felice Mazzù semble avoir mar-
qué un tournant dans celle-ci, qui était
jusque-là admirable de régularité évo-
lutive. Un coup d’arrêt douloureux,
mais sans doute salvateur aussi, pour ce
« pédagogue très sensible », comme le
décrit Sébastien Pocognoli, qui a joué
sous ses ordres la saison dernière, à
l’Union, avant d’y endosser la casquette
d’entraîneur de l’équipe U21. « Felice,
c’est vraiment un grand entraîneur »,
affirme le Liégeois avec conviction. « Et
je ne dis pas cela parce qu’il m’a entraî-
né ou que je me suis tout de suite bien
entendu avec lui. Sinon, croyez-moi, je
noierais le poisson. A mes yeux, c’est
même l’un des cadors de la profession
en Belgique, du moins quand on lui fait
confiance et quand il se fait confiance.
Car c’est là le seul reproche que je peux
lui formuler : il ne croit pas assez en lui.
Il sait qu’il est un top coach mais il de-
vrait se le répéter tous les jours. Ce qui
le différencie des autres ? Il combine
son côté humain avec ses qualités de
technicien. Dans le football moderne,
tout est devenu trop rigide, robotisé. Il
faut que tout aille vite, on ne parle que
de datas alors que lui a encore un peu
de cette humanité qui fait du bien. Il
prend le café avec ses joueurs, leur
parle de tout et de rien, s’intéresse à
leur vie en dehors du football. Il a ce cô-
té pédagogique qui a tendance à dispa-
raître. »
Le défi unioniste
Dimanche, lorsqu’il prendra la route de
Genk, Felice Mazzù pourra repenser à
cette période d’inactivité forcée qu’il
avait bien vécue pendant quelques se-
maines, auprès de ses proches, avant de
rapidement tourner en rond. Fou de
foot, passionné par son métier, il avait
été approché par plusieurs clubs, dont
Namur, avant d’accepter le défi unio-
niste en D1B. Histoire de reculer pour
mieux sauter ?
« Il ne l’a jamais envisagé de la sorte
parce qu’il connaissait les ambitions du
club », soutient Karel Geraerts. « Mais
franchement il fallait avoir des c… pour
oser relever ce nouveau défi. »
Denis Dessaer, de son côté, est per-
suadé du bien-fondé de ce choix de ral-
lier la D1B avec possibilité de prolonga-
tion automatique de contrat en cas de
(re)montée parmi l’élite. « Quand il fait
quelque chose, il le fait à fond. L’offre
de l’Union est arrivée au bon moment
pour lui redonner confiance dans un
contexte bruxellois qui lui convient
bien. De toute évidence, il y fait ses
propres choix en âme et conscience,
sans se soucier de ce que les autres
peuvent penser. »
En attendant, Genk est prévenu :
Mazzù est bel et bien de retour au pre-
mier plan.