Nous avons passé une journée avec Senne Lynen,
récemment blessé au ligament croisé du genou.
Vous voulez un café ?” La phrase
est lancée par Senne Lynen,
en train de s’activer à cloche
pied dans sa cuisine sans ses
béquilles, quand il nous accueille
dans sa maison d’un quartier calme
de la périphérie anversoise.
Le joueur de l’Union saint-gilloise,
gravement blessé au ligament croisé
du genou gauche au début du mois
d’octobre, s’est depuis fait opérer
avant de commencer sa revalidation
en douceur. “Mince, le lait est en bas…
Jolien, tu saurais apporter du lait s’il te
plaît ? Si on avait su, on aurait plutôt
pris un appartement avec un seul étage”,
sourit celui qui peut compter au quo-
tidien sur sa compagne.
Il est 9 h en ce mardi ensoleillé et
Lynen attaque une nouvelle journée
de rééducation pendant que ses équi-
piers de l’Union profitent d’un jour de
congé en cette trêve internationale.
“Le pire est d’être dépendant de quel-
qu’un : demander d’aller chercher le lait,
de récupérer les glaçons pour mon ge
nou qui sont en bas… Je déteste ça mais
c’est impossible de faire sans cela. Si je
n’avais pas ma compagne, j’aurais sûre-
ment dû retourner vivre chez mes pa-
rents. Le soir de ma blessure, Anthony
Moris (NdlR : blessé à deux reprises au
ligament croisé du genou) m’avait
d’ailleurs dit : ‘Senne, tu verras que ta
femme sera importante durant cette pé-
riode’.”
D’autant plus importante que le
joueur de 22 ans ne peut pas encore
rouler en voiture. Pour se rendre à
Genk, où a lieu la rééducation de Ly-
nen, c’est sa compagne qui passe der-
rière le volant pour une longue heure
de route. “J’ai besoin d’elle dans les ac-
tions du quotidien mais aussi mentale-
ment”, lance-t-il tout en descendant
les escaliers de sa maison en position
assise 1 et 2 . “Aujourd’hui, je suis po-
sitif. Mais durant les trois jours qui ont
suivi l’opération (NdlR : le 26 octobre),
j’étais chaos physiquement et éclaté
mentalement. J’étais mort ; la douleur
était trop grande.”
. Un choc et des pleurs
Une douleur à la hauteur de la frus-
tration vécue ce soir du 2 octobre au
Jan Breydel Stadion. Monté à la mi-
temps face au Cercle, Senne Lynen ne
reste finalement que 13 petites minu-
tes sur le terrain. “Tout commence avec
un mauvais ballon de ma part en profon-
deur, se souvient le milieu de terrain
formé au Club Bruges. Dino Hotic récu-
père le ballon et accélère pour me passer.
En allant presser, je pose mon pied gau-
che sans réfléchir alors que j’aurais dû
mettre mon pied droit. Il me touche un
tout petit peu, je tombe et là je com-
prends que c’est fini (il s’arrête). Mon ge-
nou avait tourné vers l’intérieur et j’ai di-
rectement compris que la blessure était
grave. À ce moment, je me suis dit : ‘Je
viens de monter au jeu, je ne vais quand
même pas déjà ressortir…’ J’ai voulu me
relever mais c’était impossible car mon
pied ne répondait plus.”
“Depuis notre rencontre, il y a cinq
ans, je n’ai raté que trois matchs de
Senne… dont celui au Cercle, ajoute Jo-
lien. J’étais devant ma télévision et j’ai
directement compris que cela ne sentait
pas bon.”
Pendant que l’Union se sort du
piège brugeois (0-3), Lynen voit son
monde s’effondrer dans les vestiaires
du stade. “Je me suis retrouvé sur la ta-
ble et j’ai pleuré pendant des heures. À la
fin du match, je suis encore resté là jus-
que tard avec le kiné en attendant l’arri-
vée de ma copine. Puis, dès que je suis
rentré dans sa voiture, j’ai eu un déclic
dans ma tête et je me suis dit que je de-
vais aller de l’avant.”
. De la route et du travail
Il est 10 h 30 quand le couple Lynen
arrive dans le centre “Motion to ba-
lance” où le joueur est pris en charge
par Gert Vandeurzen (qui a travaillé
pour Genk, le Cameroun avec Broos et
qui fait désormais le lien entre le cen-
tre et l’Union) et Bart Dingenen, ex-
pert international de la blessure du li-
gament croisé. “Pour revenir au top
après cette blessure, il faut compter en-
tre 8 à 9 mois depuis l’opération, ana-
lyse ce dernier. Après la phase pour cal-
mer son genou, on lui fera gagner plus
de mobilité avant d’améliorer sa marche
à pied puis de renforcer son genou. En-
suite, il rentrera dans une phase plus dy-
namique avec des sauts et des courses.
Senne est au tout début de sa revalida-
tion, avec pas mal de douleurs, et il ne
faut donc pas trop forcer.”
Pendant deux heures, avec le sou-
rire et sous le regard de sa compagne,
Lynen circule d’un exercice à l’autre,
d’un tapis à un élastique en passant
par de la marche puis des soins 3 . “Il
a toujours eu un gros mental, confie Jo-
lien. Son évolution est déjà impression-
nante : il parvient maintenant à marcher
de manière fluide avec les béquilles, ce
qu’il n’était pas du tout capable de faire
il y a trois jours.”
Son lunch sorti de son sac, Senne Ly-
nen reprend la direction d’Anvers sur
les coups de 12 h 30. Avec une nouvelle
centaine de kilomètres à avaler pour
atteindre le domicile familial. Le mo-
ment pour le Belge de profiter d’un
moment de repos, souvent face à sa
console de jeux, sa jambe gauche rele-
vée par un coussin 4 . Avec en tête
son bon début de saison (7 titularisa-
tions, 1 but et 3 assists). “Le plus compli-
qué depuis ma blessure est de voir mes
coéquipiers jouer sans moi, grimace-t-il,
la manette de sa PlayStation en main.
C’est horrible car il y a une ambiance au
sein de cette équipe que je n’ai connue
nulle part ailleurs et que je ne ressens
plus au quotidien. Et le fait que l’Union
soit au top du classement fait encore
plus mal. Quand je me suis blessé, j’ai di-
rectement pensé que le timing n’était
pas bon car je montais en D1, j’étais titu-
laire, je jouais bien… Puis, le lendemain,
je me suis dit : ‘Imagine si tu avais dû su-
bir cette blessure quand tu évoluais à
Telstar, en D2 néerlandaise…’ Cela aurait
sûrement été pire.”
. Retour pour la préparation
Sa compagne est partie travailler
dans un hôpital anversois en tant que
sage-femme quand Senne Lynen
coupe sa console de jeux pour effec-
tuer de nouveaux exercices, au milieu
de l’après-midi 5 . L’Unioniste sait
que sa période de revalidation s’an-
nonce longue mais est prêt mentale-
ment pour ne rien lâcher. “Si le club se
qualifie pour les playoffs, je pourrais vi-
ser un retour pour les deux ou trois der-
niers matchs de la saison. Mais je n’ai
pas envie de forcer et d’ainsi risquer une
rechute. Si j’avais 30 ans avec une Coupe
du monde à jouer l’an prochain, je
l’aurais fait mais je n’ai que 22 ans. Je
préfère me concentrer sur juin et la pré-
paration de la prochaine saison tout en
écoutant bien mon corps. J’espère que
cela ira déjà mieux dans les prochaines
semaines car le matin, mon genou est
très rigide, comme si on m’avait rajouté
une dizaine de kilos dessus.”
D’ici son retour, Senne Lynen conti-
nuera de suivre l’Union (“au stade, à
domicile et parfois aussi en déplace-
ment”) bien partie pour jouer les trou-
ble-fêtes jusqu’au bout cette saison.
Avec des matchs européens comme
récompense du travail accompli en
rééducation ? “Je ne répondrai pas à
cette question car on ne peut pas parler
d’Europe, se marre Lynen. Le top 4 est
peut-être possible mais ce n’est pas un
but en soi. Tout le monde dans le groupe
savait qu’on avait les qualités pour faire
quelque chose de beau. Il a fallu le prou-
ver sur le terrain mais nous étions prêts
dans nos têtes. Ce sont des moments
qu’on n’oubliera jamais.”
Posé dans son fauteuil, une ma-
chine de glace sur son genou 6 ,
Senne Lynen se repose avant de devoir
attaquer une nouvelle journée de réé-
ducation le lendemain. Puis une autre
et encore une autre. Avec une déter-
mination à toute épreuve présente
jusque dans sa chair avec ce tatouage
réalisé avec un ami il y a quelques an-
nées. “Il est écrit ‘Without struggle,
there is no progress’, ‘Sans lutte, il n’y
a pas de progrès’. Cela montre ma men-
talité. Et c’est parfait pour ma situation
actuelle d’autant qu’il est situé quelques
centimètres au-dessus de ma blessure
(sourire).”