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“À Charleroi, Lazare a beaucoup écrit sur ses échecs”
“À Charleroi, Lazare a beaucoup écrit sur ses échecs”

Le milieu de terrain ivoirien est désormais
un titulaire indiscutable chez les Jaune et Bleu.

U
n gagnant est un rêveur qui
n’abandonne jamais.”

La phrase de Nelson Man-
dela, que Lazare Amani aime re-
prendre sur ses réseaux sociaux,

prend tout son sens au regard de
la trajectoire de carrière du joueur
de 25 ans. Arrivé en janvier 2020 à

Charleroi, qu’il affronte ce diman-
che avec l’Union, l’Ivoirien ne por-
tera jamais le maillot zébré…

avant de briller en Europa League
quelques années plus tard. Retour
sur le passage compliqué au Pays
Noir d’un joueur qui n’a jamais
abandonné son rêve.
. L’anonymat des U21 zébrés
C’est sur le gong que le Sporting

Charleroi officialise l’arrivée de La-
zare, trois heures seulement avant

la fermeture du mercato hivernal

  1. La direction carolo fonce sur

un joueur laissé sur une voie de ga-
rage à Eupen, un club pour lequel

il comptabilise 99 matchs. “Il avait

le profil de celui qui méritait de rece-
voir sa chance, se souvient Mehdi

Bayat, l’administrateur-délégué du
Sporting. J’ai toujours aimé le joueur
mais aussi l’homme. C’est un très bon
mec, un gars gentil et discret dans un
vestiaire. J’ai toujours cru en lui.”
À cette époque, le Sporting est

en pleine bourre sous les ordres de
Karim Belhocine. Le club est sur le

podium de la Pro League et le mi-
lieu de terrain est bien fourni avec

Ilaimaharitra, Morioka ou encore
Bruno. “Il est arrivé avec l’étiquette
du gars qui avait cassé la baraque à
Eupen, explique Samba Diawara,
dans le staff carolo à l’époque.

Mais les bons résultats sportifs s’en-
chaînaient et il n’y avait pas de rai-
sons d’apporter du changement à

l’équipe. Ce qui ne voulait pas dire
que Lazare n’avait pas de qualités.
C’est juste compliqué de rentrer dans
un onze de base en cours de route
quand tout tourne à merveille.”

Pour accumuler du temps de
jeu, Lazare est envoyé à quelques
reprises chez les U21 qui évoluent
dans un certain anonymat au sein

du championnat réserve. Aux cô-
tés de joueurs comme Théo Gécé

(RWDM), Jackson Tchatchoua (Hel-
las Vérone) ou encore Joachim Im-
brechts (Union Saint-Gilloise),

l’Ivoirien ne va pas montrer une

motivation débordante dans ces
rencontres sans grand enjeu. “On
sentait bien que cela ne lui faisait
pas plaisir de redescendre dans une
équipe inférieure, avance Laurent
Zaccaria, qui faisait partie du staff
des U21 zébrés. Au tout début, quand
j’essayais de créer un lien avec lui, je
me souviens qu’il se demandait qui
était cet entraîneur adjoint des U21

qui venait lui parler (sourire). En-
suite, un dialogue a pu se mettre en

place et nous avons essayé de le mo-
tiver et de lui redonner de la con-
fiance. Mais mentalement, on sentait

que c’était compliqué pour lui de pas-
ser d’un statut de titulaire à Eupen à

l’anonymat des U21 de Charleroi.
Nous n’avons pas non plus utilisé ses

qualités à sa juste valeur en le fai-
sant jouer comme numéro 6 devant

la défense.”
“On se demandait pourquoi il ne
jouait pas avec les pros vu son
aisance technique, continue Fabio
Ferraro, joueur de Dender qui a

évolué avec Lazare au sein de la ré-
serve carolo. Il y avait peut-être un

manque de motivation par mo-
ments ; c’était normal vu sa situation.

Mais ce n’était pas comme certains
autres pros qui redescendent en U21
et qui sont en totale roue libre. Lui
faisait les efforts et se battait pour
l’équipe. Cela restait un plaisir de
jouer à ses côtés.”
. Le décès de son père
À la même période, Lazare

Amani connaît un drame person-
nel qui va totalement chambouler

sa vie. À la fin d’un entraînement

avec l’équipe première du Spor-
ting, il apprend le décès brutal de

son père. “Nous sortions de l’entraî-
nement et tout le monde était monté

dans le bus sauf lui, se souvient
Samba Diawara. Nous l’avons vu au
téléphone s’effondrer en un seul

coup. Plusieurs coéquipiers sont des-
cendus du bus pour tenter de le ré-
conforter mais c’était impossible vu

la situation. Il est rentré en Côte
d’Ivoire pour l’enterrement de son

père et est resté là-bas plus long-
temps que prévu. Belhocine lui avait

dit de rester le temps qu’il voulait.
Quand il est revenu à Charleroi, je l’ai

senti changé. Il était encore plus ren-
fermé sur lui-même, dans sa petite

coquille. Cela n’a fait que compliquer

encore plus son adaptation à Charle-
roi.”

La situation est d’autant plus dif-
ficile à vivre que le joueur formé à

l’Académie “Aspire” vit alors seul
en Belgique, sa femme étant restée
en Afrique. “Il devait gérer tout seul
plusieurs émotions négatives entre le
décès de son père et le fait qu’il ne

jouait jamais, commente Aya Sté-
phanie, son épouse. En tant que

grands croyants, nous passions beau-
coup de temps dans la prière. Nous

nous appelions chaque jour et nous

dormions souvent le téléphone al-
lumé pour pouvoir se parler en pleine

nuit. Je tentais de rester positive en
lui disant que son moment finirait
par arriver.”
. L’écriture comme bouée
Pour extérioriser ses émotions,

Lazare Amani se trouve une pas-
sion qui l’a suivi durant une bonne

partie de sa carrière : l’actuel Unio-
niste se met à écrire, en prenant

des notes dans son téléphone

avant de remettre le tout au pro-
pre dans des cahiers. Un moment

de calme lui permettant de se re-
centrer sur ses objectifs. “Il était

venu un jour en vacances en Afrique
avec des cahiers et m’avait expliqué
qu’il s’était mis à beaucoup écrire, se
souvient sa compagne. Il écrivait
sur sa progression mais aussi sur ses
échecs. C’est quelqu’un qui se remet
beaucoup en question. Il a tenté de

rester le plus positif possible en re-
gardant vers l’avant sans penser au

passé. Il écrit encore aujourd’hui car
il sent que cela lui fait du bien de

pouvoir mettre des pensées sur pa-
pier.”

Le début de la saison 2020-2021
n’est pas pour autant plus joyeuse
pour Lazare Amani, une nouvelle

fois confronté à une grosse con-
currence dans une équipe enchaî-
nant six victoires lors des six pre-
miers matchs de championnat.

Charleroi trouve un accord avec Es-
toril Praia (D2 portugaise) où il

n’est titulaire qu’à sept reprises
tout au long de la saison passant la
majorité du temps sur le banc.
À son retour à Charleroi, l’Union

saute sur l’occasion et se fait prêter
le milieu de terrain en glissant une
option d’achat dans le contrat.
“C’est une grande déception à titre
personnel, avance Mehdi Bayat. Ce
n’est pas un échec car il n’a pas eu la
possibilité de montrer ses qualités

mais c’est frustrant de voir son évolu-
tion même s’il le mérite amplement.

Cela n’a pas fonctionné chez nous car
il n’y avait simplement pas la place
malgré tout le bien qu’on pensait de
lui.”
Ses débuts à Bruxelles sont loin

d’être fracassants puisqu’il n’est ti-
tularisé par Felice Mazzù qu’à une

seule reprise lors de la première
partie de saison, face à Seraing, et

se fait exclure juste avant la mi-
temps pour un geste de mauvaise

humeur envers l’arbitre. “Il pouvait

être très imprévisible dans ses réac-
tions, se souvient l’ex-entraîneur

des gardiens de l’Union Laurent
Deraedt. Sur le terrain, il avait le côté

magicien et le côté impulsif. Vu qu’il

n’avait pas le permis, je le recondui-
sais souvent à la gare pour qu’il

prenne le train vers Bruxelles. Nous

parlions beaucoup de nos vies pri-
vées et il avait ce côté très attachant.

Felice lui avait demandé d’être pa-
tient et de continuer à travailler. C’est

ce qu’il a fait, il n’a jamais rien lâché.
On sentait qu’il n’allait pas tomber
aux oubliettes vu son énorme talent.
Il devait juste retrouver la confiance
et enchaîner les matchs.”
. Confiance et maturité
C’est ce qu’il se passe après la
trêve hivernale à tel point qu’il est

l’une des belles surprises de la se-
conde partie de saison de l’Union

avec entre autres un but inscrit
sur la pelouse de… Charleroi.

Dans la foulée, Lazare Amani de-
vient un joueur indiscutable de

Karel Geraerts puis d’Alexander
Blessin cette saison. “Il a mis tout le

monde d’accord d’une manière in-
croyable, analyse Samba Diawara,

qui fait partie du staff de Will Still

au Stade de Reims. Ce qui me sur-
prend le plus, c’est son jeu sans bal-
lon avec toutes ses courses et ses in-
filtrations qu’on ne voyait pas à

Charleroi. On voit un Lazare en
pleine confiance, qui ose des choses
sur un terrain. Il avait les qualités
pour réussir au Sporting, mais il
était arrivé dans un contexte qui
n’était pas favorable pour lui. On
voit qu’il a pris de l’expérience et de
la maturité.”
“C’est toujours un petit regret de
voir un joueur s’épanouir ailleurs,

mais cela fait partie du football, con-
tinue Laurent Zaccaria, qui est dé-
sormais dans le staff des U18 caro-
los. Il a une confiance et un volume

de jeu qu’il n’avait pas chez nous, ce
qui lui permet d’être un des meneurs
de jeu de l’Union. On ne pense en tout
cas jamais qu’un joueur redescendu

en U21 peut prester à un aussi haut
niveau peu de temps plus tard en
Europa League…”

Trois ans et demi après son arri-
vée à Charleroi, Lazare Amani a le

sourire. Il enchaîne les titularisa-
tions et sort de deux matchs

pleins, face à Toulouse et au Cercle
Bruges contre qui il a offert deux
assists à Mohammed Amoura. Cet
été, il est aussi devenu père pour la
seconde fois, donnant un nouvel
élan à sa vie. “C’est un autre homme,
conclut sa femme. Il est devenu plus
mature grâce à ses expériences du

passé. Son départ à l’Union a vrai-
ment été la meilleure chose qui lui est

arrivée dans sa carrière.”

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