Paul Philipp se souvient de le rélégation
de l’Union en 1973. Il a inscrit le dernier but
cette saison-là, avant la longue traversée
du désert loin de la D1.
L’ Union ? Attention car
quand je commence à
en parler, je ne m’ar-
rête pas…” Paul Philipp (72
ans) est du genre bavard
quand il s’agit d’évoquer le
club pour lequel il a joué
neuf saisons dans les an-
nées septante. L’actuel pré-
sident de la fédération de
football luxembourgeoise,
qui a inscrit le dernier but
unioniste en D1 avant la re-
montée en 2021, garde un
œil attentif aux prestations
de son ancienne équipe
qu’il espère couronnée en
fin de saison. Entretien pas-
sionnant autour d’une épo-
que où l’amusement pre-
nait souvent le pas sur le
professionnalisme…
SON ARRIVÉE
À L’UNION
“À 18 ans, je jouais au
Luxembourg quand j’ai reçu
trois offres venant de Belgi-
que : le Standard, Charleroi et
l’Union étaient intéressés. Je
venais de terminer mes hu-
manités et mon père voulait
que je commence des études
d’éducation physique. J’ai
donc choisi l’Union SG, en
1969, pour combiner avec des
cours à l’ULB… mais je ne
suis pas allé une seule fois
aux cours (sourire). Ce qui
m’a le plus frappé était l’am-
biance mise par les suppor-
ters. Je me souviens d’un
match de préparation face à
La Forestoise où il y avait
3 000 fans dans les gradins.
Lors de notre deuxième
match de la saison, nous avi-
ons accueilli le Beerschot de
Lothar Emmerich, un joueur
allemand mondialement
connu. Il y avait 20 000 per-
sonnes dans le stade, j’avais
la chair de poule pendant
l’échauffement…”
SON INTÉGRATION
“À mes débuts, je n’avais
pas de permis et je devais
donc m’organiser avec un
coéquipier pour aller à l’en-
traînement ou prendre le
tram. Je découvrais totale-
ment Bruxelles en tant que
jeune gamin de 18 ans. Je me
rappelle avoir eu des difficul-
tés avec l’humour bruxellois
très spécial, la fameuse
Zwanze. Une de mes premiè-
res sorties avec mes coéqui-
piers était à la Galerie de la
Reine pour aller voir la pièce
‘Bossemans et Coppenolle’
avec Fernand Verleysen.
Même si on m’avait fait un
petit briefing avant, je ne
comprenais rien au brusse-
leir… On me disait qu’en in-
tégrant le niveau profession-
nel en Belgique, je devais
m’attendre à une mauvaise
ambiance avec peu de com-
munication et aucune amitié
à créer. C’était tout le con-
traire et parfois même dans
l’extrême…”
L’AMBIANCE AU
SEIN DE L’ÉQUIPE
“L’Union, c’est plus qu’un
club comme à Barcelone.
Après les matchs, nous al-
lions chaque fois boire un
verre avec les supporters et
cela pouvait durer jusqu’à
tard… Je me rappelle d’un
team building fait en Suisse
en pleine saison. Nous avions
fait les imbéciles pendant
une semaine à se balader
avec des skis dans le bar de
l’hôtel, à courir dans la neige
en pleine nuit. Les gens nous
prenaient pour des fous. En
rentrant en Belgique, nous
avons perdu sept matchs
d’affilée. Nous aurions mieux
fait de préparer la suite de la
saison depuis Bruxelles…
Plus globalement, il n’y avait
pas de vision à long terme à
cette époque. Nous étions
tout le temps en train de par-
ler du passé, et de la belle
épopée de l’Union 60, plutôt
que du futur. Cela nous a joué
des mauvais tours.”
GUY THYS COMME
ENTRAÎNEUR
“Thys était l’entraîneur de
l’Union entre 1969 et 1973. Il
aimait bien l’ambiance fami-
liale dans ce club et restait
souvent avec nous après les
matchs. Je me rappelle de son
humour fantastique et de sa
communication avec les
joueurs. C’était un grand
monsieur, mais il s’agissait
plus d’un sélectionneur que
d’un entraîneur de club. Pour
être honnête, je n’aurais ja-
mais cru qu’il allait devenir
vice-champion d’Europe et
terminer à la quatrième
place de la Coupe du monde
1986 avec les Diables. Avec le
recul, je suis fier de l’avoir eu
comme entraîneur et d’avoir
pu apprendre sa façon de gé-
rer un vestiaire.”
LA DESCENTE
DE L’UNION EN D2
“Nous n’aurions jamais dû
descendre lors de cette sai-
son 1972-1973. Nous avions
une équipe pour rester en D1
mais il y avait un vrai laisser-
aller dans l’équipe et pas as-
sez de rigueur. Le problème
est qu’on voulait régler tous
les problèmes avec humour.
Souvent, on se disait : ‘On ne
joue pas très bien mais
qu’est-ce qu’on rigole !’ En fin
de saison, avant un match
capital pour le maintien,
nous avions fait une mise au
vert de trois jours durant les-
quels nous n’avons pas été
sérieux. On ne se rendait pas
compte qu’on jouait la survie
du club… On se disait qu’on
allait de toute façon remon-
ter la saison suivante. Finale-
ment, le club a mis près de 50
ans pour retrouver l’élite…”
LE DERNIER BUT
UNIONISTE EN D1
“Nous avons joué notre
dernier match de la saison
face au Beerschot et j’ai ins-
crit le tout dernier but de
l’Union en D1. C’était un coup
franc, avec André Lauryssen
au but, qui n’a finalement
servi à rien. Le soir même,
alors que la descente était en-
térinée, j’ai resigné à l’Union
pour une saison dans la bu-
vette du club. Je l’ai fait car
mon père me disait que
j’avais une dette envers
l’Union. En tant que cadre de
l’équipe, il y avait un senti-
ment de culpabilité. Dans la
foulée, je suis allé boire un
verre avec les supporters
alors que nous étions relé-
gués ! Ce serait inimaginable
aujourd’hui… Au lieu de
nous foutre des coups de pied
aux fesses, les fans nous con-
solaient alors que nous avi-
ons joué comme des patates.
‘Allez ket, ne t’en fais pas, ce
n’est pas grave !’ Je ne critique
pas car j’ai profité de cette
ambiance générale, mais
cela reste un énorme gâchis
sportif.”
LE DÉPART
VERS LE STANDARD
“Je n’avais que 24 ans et je
sentais que mon niveau de
jeu baissait. J’ai eu l’opportu-
nité de rejoindre le Standard
qui m’a échangé contre trois
joueurs : Sluys, Jeck et Beurlet.
Quand je suis arrivé à Liège,
j’ai ouvert grand les yeux.
C’était le jour et la nuit au ni-
veau du professionnalisme
par rapport à l’Union, il y
avait une grande exigence
qui était même parfois exagé-
rée. Quand le président Roger
Petit arrivait au centre d’en-
traînement, nous étions tous
au garde à vous (sourire).
J’ai quand même regretté de
ne pas avoir eu cette rigueur
de travail dès le début de ma
carrière… Il y avait de sacrés
joueurs comme Christian
Piot, Eric Gerets ou encore
Wilfried Van Moer. J’ai beau-
coup grandi durant ces deux
saisons au Standard.”
LE RETOUR
AU DUDEN
“Le Standard, où j’étais
souvent le 12e ou le 13e
joueur, a une place impor-
tante dans mon cœur mais
pas comme l’Union qui res-
tera en moi jusqu’au bout de
ma vie. C’est pour cela que je
suis retourné à l’Union qui
avait fortement évolué de-
puis mon départ. Georges
Heylens m’avait contacté en
me disant qu’ils étaient en
train de reconstruire quelque
chose au club. J’ai été très sur-
pris par les conditions finan-
cières qui avaient presque
doublé même si c’était diffé-
rent du Standard où j’avais
un fixe puis des primes de
match qui pouvaient être la
moitié de mon salaire. Très
vite, le club a eu des problè-
mes financiers. Nous avions
atteint le tour final de D2
mais quand une majorité des
joueurs n’est pas payée, c’est
toujours plus difficile d’avoir
une équipe totalement moti-
vée… Dans la foulée, j’ai si-
gné à Charleroi qui avait un
public fantastique. Si les fans
nous félicitaient après un
beau match, il valait mieux
qu’ils ne reconnaissent pas
nos voitures après une dé-
faite (rires). Ils avaient le
sang chaud, mais savaient
mettre une ambiance in-
croyable.”
L’UNION ACTUELLE
“Confirmer après une belle
saison est le plus compliqué
et pourtant ils l’ont fait mal-
gré les départs de joueurs
comme Undav et Nielsen. J’ai
été frappé par l’intelligence
de Karel Geraerts comme lors
du match retour face à Ber-
lin : il a donné le ballon à
cette équipe qui ne savait pas
quoi en faire. L’Union trans-
pire l’esprit d’équipe et la so-
lidarité. C’est une équipe très
forte en reconversion mais
pour avoir des reconversions,
il faut savoir gagner les
deuxièmes ballons puis profi-
ter intelligemment des situa-
tions. J’adore Victor Boniface
qui est la véritable locomo-
tive de cette équipe. À chaque
fois que je vais à Bruxelles,
même si l’Union ne joue pas,
je passe devant le stade.
J’adore l’ambiance de quar-
tier qui y règne.”
ANTHONY MORIS, LE
LUXEMBOURGEOIS
“Je suis d’autant plus
l’Union que Moris est le gar-
dien de notre équipe natio-
nale. Il a connu des hauts et
des bas dans sa carrière avec
des blessures et des problè-
mes à Virton. Sa saison der-
nière a été magnifique et il
continue sur sa lancée même
s’il a fait une belle gaffe con-
tre Leverkusen : je pense qu’il
a pris trop de confiance avec
sa patte gauche car on a trop
encensé son jeu au pied.
(sourire). Au Luxembourg,
c’est une pièce maîtresse de
l’équipe et un garçon qui
garde les pieds sur terre.
Comme il me le dit, ils veu-
lent désormais quelque chose
de palpable à l’Union avec un
titre. J’espère que ce sera pour
cette saison. S’ils jouent le
match du titre, je serai obligé
de venir voir le match. Mais
ma femme ne sera pas con-
tente car elle sait que quand
je vais à l’Union, cela dure
plus souvent que prévu…”