ÉTIENNE PAIROUX
Philippe Bormans travaille depuis plusieurs années sur le projet du nouveau stade.Belga / Jonas Roosens.
Le CEO de l’Union Philippe Bormans a des ambitions sportives mais il veut aussi faire progresser son club. Et un nouveau stade pourrait le faire grandir. Selon lui, c’est même plus important que de remporter un titre.
Philippe Bormans a signé son contrat de CEO de l’Union en 2018. Depuis, il s’est intéressé au stade et notamment à un nouveau domicile pour son club. Depuis trois ans désormais, il y travaille en étant convaincu que ce dernier a tout à gagner dans ce projet. Reste à savoir pourquoi l’Union, qui vient de rejoindre la D1A il y a deux ans tout en y brillant directement, a besoin d’un nouveau stade qui prendrait place sur le site de Bempt, à Forest ?
« Nous n’avons pas beaucoup de confort, même rien, notamment en VIP et hospitality », soutient Philippe Bormans. « Commercialement, nous sommes quasiment au maximum avec 4 à 5 millions de revenus car nous n’avons pas beaucoup d’autres choses à offrir. Si on compare cela avec les revenus des clubs moyens comme Saint-Trond, Courtrai, Eupen, Malines, Charleroi ou Louvain, ce n’est que la moitié de leurs recettes commerciales alors que nous avons été vice-champions dans un stade qui était chaque fois rempli. C’est déjà grave. Et si on compare avec le top 6, c’est le huitième, voire le dixième. Sportivement, on peut se mesurer avec les grands clubs, comme on l’a montré ces deux dernières années. Mais structurellement, ce n’est pas possible. Cette saison, on va faire du profit, mais celui-ci n’est pas garanti chaque année. Et quand on se retrouve face à des joueurs ou un staff qui veulent gagner plus financièrement, le club n’est pas capable de s’engager avec des contrats de trois, quatre ou cinq saisons car nous ne sommes pas certains de pouvoir les assumer. Quand le club a été repris, les quatre premières années ont été marquées par une perte moyenne de 6 millions d’euros par saison. Les investisseurs ont couvert ces pertes, mais ce n’est pas une solution à long terme. On doit pouvoir survivre avec nos propres moyens. Certes, un nouveau stade nécessite un investissement, mais nous aurons plus de possibilités pour augmenter notre chiffre d’affaires. De combien ? C’est difficile à chiffrer mais, au minimum, on va le doubler, voire le tripler en sachant que cela dépend un peu du sportif. »
un stade avec 80 %
de places debout
Ce projet, Philippe Bormans entend le voir aboutir. Pour lui, il est question d’assurer l’avenir du club.
« Ce stade est beaucoup plus important que de gagner un titre ou de jouer la Ligue des champions. On parle de la pérennité du club pour les 20, 30, 40 prochaines années. Avec lui, le futur du club est garanti. Les clubs qui ont un stade ont beaucoup plus facile pour attirer les investisseurs. Prenons l’exemple du Lierse. Maged Samy a investi 70 millions sur dix ans et à la fin que reste-t-il ? Un club en faillite, des supporters déçus et un stade qui est pourri parce qu’on n’a pas investi dedans. Si ces 70 millions étaient allés dans l’enceinte, cela aurait été plus attirant pour un repreneur. De notre côté, il faudra garder l’esprit du club dans le stade comme Malines y est arrivé avec sa rénovation, à l’inverse de Saint-Trond. Or, dans les deux cas, c’est le même architecte. C’est donc un risque. »
Un deuxième risque étant notamment le taux de remplissage de l’enceinte. Ce stade de 15 à 16.000 places sera-t-il rempli à chaque match alors que certains expliquent aujourd’hui l’intérêt autour du club par une hype qui pourrait s’effriter ?
« Cette saison, les recettes de billetterie ne sont que 5 % de notre budget. Nous voulons un stade avec 80 % de places debout pour garder les prix accessibles, pour conserver notre image. Et pour que les supporters puissent se sentir chez eux car aujourd’hui ils sont dans la boue. Là, on ne va pas gagner beaucoup d’argent, sauf via le nombre de spectateurs qui vont venir. Mais c’est l’hospitality, les sponsors qui vont faire grandir nos recettes. C’est vrai qu’il y a une hype autour du club mais le stade est rempli avec des abonnés. Et le reste ce sont des tickets que nous conservons pour des gens qui voudraient découvrir le club. Pour moi, cette hype va continuer dans notre nouveau stade. Mais le plus important est de conserver notre ADN. Nous ne voulons pas être le nouveau Anderlecht. On sait qui nous sommes et nous voulons le rester. C’est pour cela que je dis que c’est dangereux de vouloir construire un stade de 30.000 places à cause de cet engouement et parce qu’on pourrait jouer la Ligue des champions. En fait, ce que nous voulons est faisable et peut-être qu’après cinq saisons dans notre nouvelle maison, on se dira que c’est peut-être trop petit. »
Collaboration belgo-anglaise
Mais pour arriver à sortir de terre un stade qui sera le fuit d’une collaboration entre AE+ (qui a fait Malines et Saint-Trond) et la société anglaise KSS Group – l’un notamment pour les connaissances des règles en Belgique, l’autre notamment « parce qu’ils ont le vrai feeling du foot » –, il convient de remplir trois conditions qui n’effrayent pas trop le CEO de l’Union qui, à moyen terme, espère avoir aussi un centre d’entraînement.
« La priorité, ce sont les finances. Alors que beaucoup de clubs comptent sur l’argent public, j’ai demandé aux investisseurs (NDLR : Alex Muzio et Tony Bloom) s’ils étaient prêts à le payer à 100 % en sachant qu’on parlait au départ d’un budget de 80 millions d’euros. Or, celui-ci devrait avoisiner, après le covid et la guerre en Ukraine, les 100 millions. Ensuite, il faut trouver l’endroit où c’est réalisable, mais pas trop loin du parc Duden car on ne veut pas réellement déménager sinon, pour plus de facilités, on allait au stade national. On a trouvé ce site à deux kilomètres d’ici. Mais nous n’avons pas d’accord avec Forest et sans cela on ne peut pas demander le permis de construire. Là, les supporters adverses auront leur propre accès au ring et cela change beaucoup au niveau des frais de policiers pour la commune. Enfin, il faut gérer la mobilité. Selon une enquête que nous avons réalisée, 30 % de nos supporters viennent en voiture avec un taux de remplissage de 2,8 personnes par véhicule. Donc pour un stade de 15 à 16.000 places, nous avons 5.000 places remplies avec trois personnes par voiture. On parle alors de 1.500 à 2.000 places de parking nécessaires. Or, on a fait un scan de tous les parkings dans le coin et il y a 5.500 places qui ne sont pas toutes disponibles au même moment. »
Parkings
et transports publics
Enoncé de la sorte, tout semble évident. Sauf que ficeler un tel dossier est complexe.
« Il faut prioritairement trouver un accord avec la commune pour l’utilisation du terrain. Sans cela, pas de bâtiment. En sachant que ce stade sera utilisé vingt soirées par an, nous sommes ouverts pour son utilisation les autres jours comme des concerts, l’équipe nationale féminine qui, semble-t-il, voudrait revenir à Bruxelles. On parle de multifonctionnalité car l’enceinte doit être rentable. De notre côté, cela n’est pas un must car financièrement, notre plan tient la route. J’ai travaillé à Saint-Trond où il y avait des magasins. C’est difficile parce qu’ils sont aussi ouverts le vendredi ou le samedi et ils ont donc, comme le club, besoin des parkings. »
En attendant, alors qu’il n’y a pas d’accord avec la commune et que la demande de permis n’a toujours pas été déposée, on peut se demander pourquoi l’Union arriverait finalement au bout de son dossier là où tant d’autres n’ont pas dépassé le stade de la maquette.
« Parce que nous avons regardé tous les points où cela pourrait bloquer : financement, place, mobilité. Et nous avons résolu tous ces problèmes-là. Vous me dites que Bruges n’y arrive pas ? Mais nous parlons de notre côté d’un projet qui est le tiers du leur au niveau de la capacité. Et au niveau du parking, si beaucoup de supporters vont à Bruges ou à Anderlecht en voiture, nos supporters peuvent continuer à venir à pied ou avec les transports publics… »