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“Après les matchs,on faisait la danse despouces avec les fans”
“Après les matchs,on faisait la danse despouces avec les fans”

C’ est ce qui s’appelle
un changement de
vie radical. Joueur
de l’Union Saint-Gilloise
pendant cinq ans, Charles
Morren a quitté sa zone de
confort durant l’été 2019

pour rejoindre la D1 luxem-
bourgeoise. Un champion-
nat très peu médiatisé et

qui n’attire pas les foules.

“On joue chaque semaine de-
vant quelques centaines de

personnes qui ne chantent
pas et restent assises tout au
long du match”, soupire
Morren.
Malgré cela, le joueur de
31 ans se plait dans le
club de Dudelange
avec lequel il a pu

jouer l’Europa Lea-
gue. Entretien loin

des feux de la

rampe à la fron-
tière entre la Bel-
gique et le

Luxembourg.
. Sa nouvelle
vie au
Luxembourg

“C’était très com-
pliqué de trouver un

logement bon mar-
ché à mon arrivée. J’ai

loué un Airbnb pen-
dant trois mois avant

de trouver une maison

en Belgique. J’ai une de-
mi-heure de trajet pour

aller à l’entraînement et
un peu plus de deux heures
pour retourner chez moi, à
Lessines. J’habite avec ma
compagne qui a tout lâché
pour me suivre. En dehors

du football, je joue beau-
coup au padel et je suis un

grand amateur de pêche. J’ai

. Charles Morren
a déjà passé la barre
des 100 matchs avec
Dudelange. © JC GUILLAUME

aussi ouvert une société de
flocage de textiles avec un
coéquipier de Dudelange et
nous floquons notre propre
club. Nous voulions préparer
notre après-carrière. J’ai aussi

récemment acheté une mai-
son à Arlon. Si on m’avait dit

un jour que j’allais acheter
une maison ici, je ne l’aurais
jamais cru (sourire).”
. Le football
luxembourgeois

“Il me restait un an de con-
trat à l’Union et la direction

m’a fait comprendre que je ne
rentrais plus dans les plans
du club. En recevant l’offre de

Dudelange, j’ai d’abord été ré-
ticent car je ne connaissais

pas le championnat et je ne
voulais pas m’éloigner de mes
proches. C’était un grand pas
vers l’inconnu mais le fait de
pouvoir jouer l’Europe avec ce

club m’a finalement con-
vaincu d’y aller. La D1 luxem-
bourgeoise a le niveau de la

D1B belge. À Dudelange, nous
avons de bonnes conditions
de travail par rapport aux

autres clubs même si je redes-
cends d’un cran au niveau du

professionnalisme par rap-
port à l’Union. Nous n’avons

par exemple pas de bus pour
aller en déplacement, nous
faisons du covoiturage entre

nous. Il y a un grand fossé en-
tre le haut et le bas du classe-
ment : il y a Hesperange, Du-
delange…et puis les autres.”

. Son statut
à Dudelange
“Je suis vice-capitaine et

presque toujours titulaire in-
discutable. J’ai passé la barre

des 100 matchs avec Dude-

lange mais cela ne reste
qu’un chiffre. J’ai encore un
an de contrat et j’espère que
la direction me reproposera
un contrat dans la foulée. Si
ce n’est pas le cas, je suppose

que d’autres clubs luxem-
bourgeois le feront. Revenir

en Belgique reste aussi dans
un coin de ma tête mais je ne

fais pas une fixette sur un re-
tour en D1A. Je ne travaille

plus avec un agent, j’ai un
peu de mal avec cela. On va
lui donner de l’argent pour
son travail mais sans savoir
qu’une partie de cette somme
est reversée à untel ou untel.
Les sommes actuelles dans le
football me tuent… Quand je
vois par exemple que cela ne

dérange pas Hazard de s’as-
seoir sur le banc du Real en

touchant des sommes folles !
Ma valeur marchande est de
175 000 euros ? C’est déjà
énorme, je n’ai pas conscience
de valoir autant d’argent.”

. Ses souvenirs
européens
“À mon arrivée, nous nous
sommes qualifiés pour

l’Europa League. Notre quali-
fication aux tirs au but avait

été très intense. Je n’ai jamais
été un grand tireur de penalty

mais j’avais décidé de pren-
dre mes responsabilités…et je

me loupe. Finalement, notre
gardien arrête deux tirs au
but et on se qualifie grâce à
lui. Heureusement que cela a

bien fini, j’aurais très bien pu
ne plus jamais jouer après
mon raté (rires). En poules,
nous avons affronté Séville,
Nicosie et Qarabag. Jouer
dans des stades comme celui
de Séville n’est que du plaisir.

L’intensité et la qualité techni-
que sont incroyables, tout se

joue en une ou deux touches
de balle. On arrive dans un
duel mais c’est trop tard car la
balle est déjà partie. J’avais
échangé mon maillot à Séville
mais je ne sais plus avec qui.
En fait, je joue au football
mais je ne m’y intéresse pas.
Des amis m’avaient dit que
j’allais jouer contre untel et

untel mais je ne les connais-
sais pas (sourire). À Séville, il

y avait un grand attaquant

assez fort (il cherche sur in-
ternet). Luuk De Jong, ça vous

dit quelque chose ? Les préli-
minaires européens nous ont

aussi permis de voyager en
Arménie, en Estonie ou encore

en Macédoine. Malheureuse-
ment, il n’y a pas l’hymne de

la Ligue des Champions en
préliminaires (sourire).”
. Ses débuts à l’Union
“Je jouais à Lessines, en
deuxième provinciale, avec
un ancien joueur de l’Union

venu pour encadrer les jeu-
nes, Roger Henuset. Un jour, le

directeur sportif de l’Union
Jacques Urbain est venu nous
voir jouer. Quelques jours
plus tard, je reçois un coup de
téléphone de sa part : ‘est-ce

que ça t’intéresserait de ve-
nir à l’Union ?’ Ne connais-
sant rien au football, je ne sa-
vais donc pas ce que valait ce

club… J’étais dans mon kot
avec un ami qui a vite fait une

recherche sur Internet et m’a
dit qu’ils jouaient en D3. J’y
suis allé en me disant que je

pouvais retourner en provin-
ciale à tout moment. Je tou-
chais 600 euros par mois ce

qui était déjà énorme pour
moi, passant de la P2 à la D3.

Je me rappelle que mes coé-
quipiers se plaignaient de

l’état des pelouses alors qu’el-
les étaient exceptionnelles

pour moi (sourire). Plusieurs

fois, après une mauvais mi-
temps de l’équipe, le coach di-
sait : ‘Charles vient de P2 et

c’est le seul qui se bouge.’

C’est comme cela que j’ai ga-
gné ma place. Et je ne l’ai plus

jamais quittée.”
. Son statut
de chouchou
“J’ai rapidement aimé le
côté familial du club. Que ce
soit après une victoire ou une
défaite, je retrouvais toujours

les fans au Club House, la bu-
vette du stade. Nous buvions

un verre…et parfois un peu
plus (sourire). Un jour, après
une défaite, j’avais un peu

trop bu. Je suis allé aux toilet-
tes de la buvette et je me suis

endormi. Ils ont dû défoncer
la porte à 3 heures du matin

car je ne répondais pas (ri-
res). Nous avons aussi passé

des troisièmes mi-temps à
faire la danse des pouces sur
les tables avec les fans. Cette
ferveur me manque au

Luxembourg : ici, ils s’en fi-
chent du football. Il y a tou-
jours la même ferveur dans

les tribunes de l’Union mais

cela devient plus compliqué
pour les joueurs d’aller boire
un verre après les matchs vu

le niveau de professionna-
lisme.”

. L’arrivée des Anglais
“Quand Brighton est arrivé,
j’ai directement senti que
l’ambition était la D1A alors
qu’on se battait encore pour
le maintien en D1B. J’aurais
adoré rester à l’Union mais je
me suis rendu compte que
cela allait devenir compliqué
pour moi. Je ne regarde pas le
football à la maison donc je

ne voulais pas le regarder de-
puis la banquette (sourire).

On s’entraînait à Bruxelles et

d’un coup, j’ai senti leur ambi-
tion quand on a dû aller s’en-
traîner à Lier. Ils nous ont dit :

‘soit vous suivez le projet et
vous venez à Lier soit vous

quittez le navire.’ Avec Saus-
sez, Fixelles, Ferber et Perdi-
chizzi, on était cinq à se don-
ner rendez-vous à Ittre et on

faisait du covoiturage dans
un mini van loué par le club.

En arrivant au centre d’entraî-
nement, on devait pointer : on

avait un code qu’on devait en-
coder et cela nous donnait

l’heure d’arrivée et l’heure de

départ en repartant. Je me di-
sais : ‘okay, c’est le boulot’. Si

on arrivait en retard, on avait
des amendes. Et surtout, ils

étaient forts sur les statisti-
ques : est-ce que le joueur par-
tait directement après l’en-
traînement ou est-ce qu’il res-
tait plus longtemps dans la

salle de fitness ? On faisait

parfois des mises au vert sur
place avant les gros matchs
ce qui nous était totalement
étrangers. Ils faisaient aussi

très attention à l’aspect physi-
que : nous devions nous peser

chaque jour avec la mesure
du pli cutané pour connaître
le taux de graisse. Nous ne
faisions jamais cela avant
tout comme les nombreuses
séances vidéos et le travail

avec un coach psychologi-
que.”

. L’Union actuelle
“Quand ils ont transféré des

joueurs comme Undav, Van-
zeir ou Teuma et Nielsen, on

se demandait qui étaient ces

gars venus de l’étranger. Fina-
lement, ils ont montré que

c’était des extraterrestres.

Cela joue propre, c’est bien or-
ganisé et il y a une vraie régu-
larité tout au long de la sai-
son. Les joueurs se battent les

uns pour les autres avec un
vrai esprit familial. Teuma
m’impressionne, il a pris une
autre dimension. À l’époque,
il avait le potentiel pour faire

partie des meilleurs de Belgi-
que mais il avait des hauts et

des bas. Le brassard de capi-
taine l’a rendu meilleur, il a

besoin d’avoir des responsabi-
lités. J’ai aussi connu Kan-
douss qui avait pas mal de

déchets techniques et de lacu-
nes qu’il a su gommer avec le

temps. Il a su se mettre à ni-
veau jusqu’à devenir titulaire

indiscutable. Moris m’impres-
sionne aussi, c’est l’un des

meilleurs gardiens de D1A. Le
titre ? Ce sera compliqué mais
j’y crois. Il faudra bien gérer le
championnat et l’Europe.”

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