VINCENT MILLER
Il se régale aujourd’hui à l’Union avec 10 buts et 9 assists toutes compétitions confondues.Belga
Derrière le sourire resplendissant de l’Ivoirien de l’USG se cache une histoire bouleversante. Jeune adolescent, Simon Adingra a dû se débrouiller seul au Bénin pendant plusieurs années après s’être fait rouler dans la farine. next
Pour la toute première fois de sa carrière, Simon Adingra, aujourd’hui âgé de 21 ans, a accepté de dévoiler publiquement son histoire. Une histoire débutée dans un quartier d’Abidjan. « Quand j’étais tout petit, je jouais dans la rue », se rappelle-t-il. « On voyait les « grands frères » comme Didier Drogba par exemple et on voulait faire comme eux. Je connaissais quelqu’un qui s’entraînait dans un centre de formation du quartier et qui m’a un jour amené là-bas. C’était à côté de mon école et je m’y entraînais deux fois par semaine, le mercredi et samedi. »
Mais la paisible existence du jeune Simon allait basculer à l’âge de 12 ans. « Un coach est venu voir mes parents. Il leur a dit qu’il connaissait une académie au Bénin qui avait besoin d’un jeune talent. Mon papa, aujourd’hui décédé, voulait que je joue au football. Il a donc accepté la proposition, même s’il fallait payer une somme de 300 euros. On était dix gamins à partir. Mais arrivés au Bénin, on s’est rendu compte que tout était faux, que la personne avait tout inventé. Elle est partie avec les sous. Et nous, on est resté sans personne. »
Simon Adingra a alors dû poser un choix cornélien. « Soit on retournait en Côte d’Ivoire, soit on restait au Bénin et on voyait ce qu’il se passait. On a finalement opté pour la deuxième option. On faisait des petits boulots. On travaillait dans des restaurants pour gagner de l’argent. On lavait les assiettes. La patronne nous donnait 10 euros et à manger. On a vécu comme cela pendant deux ans. Jusqu’à ce qu’un jour, un Ivoirien dans la rue reconnaisse notre accent. Il nous a demandé ce qu’on faisait là et on lui a expliqué notre histoire. Il est venu voir où on dormait et il nous a dit que ce n’était pas possible de vivre comme cela. Il nous a alors trouvé une autre maison pour tous les dix et a eu l’idée de créer une petite académie. »
Petit à petit, Simon Adingra va entrevoir le bout du tunnel. « Un jour, on est parti disputer un tournoi à Accra (NDLR : la capitale du Ghana). Il y avait des recruteurs de l’académie « Right to Dream ». Mes prestations ne sont pas passées inaperçues et ils m’ont proposé de les rejoindre. »
À 16 ans, il accepte la proposition et quitte le Bénin pour le Ghana. « Tout y était très professionnel, très bien organisé. Il y avait des coaches diplômés, des gens spécialisés dans le recrutement, des médecins, etc. Le matin, on priait tous ensemble. Puis on se lavait. On prenait ensuite le petit-déjeuner. On allait à l’école et enfin à l’entraînement. Je suis resté deux ans là-bas et y ai notamment côtoyé Kamaldeen Sulemana (NDLR : qui a joué à Rennes et est aujourd’hui à Southampton) et Mohammed Kudus de l’Ajax. »
L’académie ghanéenne étant jumelée avec le FC Nordsjaelland, Simon Adingra débarque à 18 ans au Danemark. « Avec l’académie, on jouait trois mois au Danemark et puis on revenait trois mois au Ghana. Et ainsi de suite. Quand j’ai été définitivement transféré à Nordsjaelland, j’avais donc déjà eu l’occasion de voyager. J’avais notamment disputé des tournois en Suède, au Japon, etc. »
Mais ses premiers pas dans son nouveau club n’allaient pas se passer comme prévu. « À la base, j’avais intégré les U19. Je me souviens que mes pieds se contractaient lorsque je shootais tellement il faisait froid. Après six mois, j’ai été promu en équipe première. Mais dès mon premier jour avec les A, je me suis cassé le bras. J’ai été out durant cinq mois. J’en ai d’ailleurs encore la cicatrice aujourd’hui (NDLR : qu’il nous montre). Mentalement, c’était très difficile. Je rentrais dans une sorte de dépression. Heureusement, le recruteur de l’académie ghanéenne, avec qui j’étais devenu très proche, venait souvent me voir à la maison et me remontait le moral. »
« De l’intérêt de Genk
et Francfort »
Le vent allait toutefois tourner. Le 18 avril 2021, il disputait ses premières minutes en D1 danoise. 12 buts, 4 assists et 40 matches plus tard, toutes compétitions confondues, il attirait de nombreux regards. « Quand le mercato a débuté (NDLR : durant l’été 2022), mon agent m’a parlé de l’intérêt de Genk et Francfort. Mais ils n’étaient pas prêts à mettre le prix demandé par mon club. »
C’est finalement Brighton qui s’attachera ses services pour un montant d’environ 8 millions d’euros. « J’étais choqué, je n’y croyais pas. C’était quelque chose d’énorme. Car c’était mon rêve de jouer en Premier League. Je ne pensais pas pouvoir y parvenir aussi rapidement. Je me disais à la base que passer par la Belgique ou l’Allemagne aurait d’abord été une bonne étape dans ma carrière. »
Finalement, il atterrira bien dans notre Plat Pays, Brighton le prêtant dans la foulée à l’Union. « Je trouvais que c’était une bonne chose pour ma progression, pour mon développement. Je n’avais pas spécialement entendu parler de ce club. Mais je me suis renseigné et j’ai vu son parcours la saison dernière… Quand je suis arrivé, j’ai entendu parler de Mitoma (NDLR : prêté l’an dernier par Brighton à l’USG), et du fait qu’il avait fait une très bonne saison. Mais on ne peut pas spécialement dire qu’on a eu le même parcours. »
À Saint-Gilles, Simon Adingra frappera d’emblée un grand coup, marquant un magnifique but dès le premier match de la saison face à Saint-Trond. « C’était probablement le plus beau goal de ma carrière. J’ai regardé la vidéo un nombre de fois incalculable. Toutefois, après celui-ci, j’ai ressenti énormément de pression et d’attente. »
Avec, en prime, une concurrence féroce avec Loïc Lapoussin sur le flanc gauche. « Loïc est un très bon joueur. Et en dehors du terrain on s’entend très bien. Moi, quand je reçois ma chance, j’essaye tout simplement de la saisir. »
Ce qu’il a amplement réussi à faire cette saison puisque ses statistiques affichent déjà 10 buts et 9 assists, toutes compétitions. « Mais je ne suis pas pour autant totalement satisfait de moi. Je suis sur la bonne voie, certes. Mais j’ai encore beaucoup à faire. J’aimerais être encore plus décisif et avoir encore plus d’impact pour mon équipe. »
À voir désormais de quoi son avenir proche sera fait. « Avant mon arrivée, le plan était de revenir à Brighton la saison prochaine. Mais dans le foot, on ne sait jamais. On verra à la fin de la saison ce que les dirigeants décideront. Mais moi, en tout cas, je me plais à l’Union. »