FINANCES
Tour d’horizon des mesures que doivent prendre les clubs
de Pro League face aux nouvelles règles.
La majorité des clubs belges
sont dans le rouge, avec des
dépenses beaucoup trop lour-
des par rapport aux revenus.
Raison pour laquelle la Pro League a
lancé un plan avec deux grands axes
de travail d’ici 2027 : que la masse sa-
lariale ne représente pas plus de 70 %
des revenus et que les fonds propres
négatifs redeviennent positifs en
cinq ans. On passe en revue les princi-
paux clubs de D1 – Antwerp, Eupen,
Seraing, Zulte et Genk n’ont pas pu-
blié leurs comptes 2021-2022 – et les
défis qui les attendent.
ANDERLECHT
Le club doit alléger
sa masse salariale
L’opération finances saines a com-
mencé à Anderlecht. Peter Verbeke,
l’ancien CEO, avait mis en place un
plan pour retrouver l’équilibre en
cinq ans. Il se basait sur des transferts
à bas prix avec une revente à gros
prix. Sauf qu’Anderlecht n’a pas bien
transféré (et a dû passer par des
prêts) lors des derniers mercatos et a
rentré moins d’argent que prévu.
“Le problème d’Anderlecht est sa
masse salariale”, précise Trudo Dejon-
ghe. L’économiste du sport pointe
des chiffres anormaux : 38 millions de
chiffre d’affaires (fixe) et 57 millions
de masse salariale. Les salaires an-
nuels cumulés de Trebel, Hoedt, Re-
faelov et Van Crombrugge dépassent
les 10 millions. Cette saison – qui n’est
pas incluse dans les comptes – Ander-
lecht a ajouté Vertonghen et Diawara.
Deux gros salaires supplémentaires.
Anderlecht a commencé à élaguer
pour réduire au maximum ses coûts
salariaux. Le calcul est assez simple,
le RSCA doit dépenser près de deux
fois moins dans ce secteur à moyen
terme. “Ça me fait d’ailleurs sourire que
les supporters réclament des transferts,
dit Dejonghe. Parce qu’il n’y a pas d’ar-
gent dans les caisses et qu’Anderlecht
aurait perdu près de 30 millions sans la
hausse de capital. Ils ne doivent rien vi-
ser de plus que le maintien et juste pen-
ser à libérer les gros contrats.” Les Mau-
ves devront également espérer bien
vendre leurs joueurs afin de combler
les dettes et principalement celles
dues à un an. Elle était de 41,5 mil-
lions en juin. La priorité des Mauves
est de la rembourser.
CHARLEROI
Le bon élève
Trudo Dejonghe voit d’un bon œil
les méthodes de Mehdi Bayat. “Il a
parfois été en conflit avec ses suppor-
ters. Les supporters voient les résultats
d’aujourd’hui mais les clubs doivent
penser à demain et à après-demain. Les
supporters ne sont pas fiers du fait que
leur club gagne de l’argent mais parce
qu’il prend des points.”
Mehdi Bayat a, depuis qu’il gère le
club, tout fait pour maximiser la va-
leur de certains joueurs quitte à les
vendre très tôt (Nicholson et Bayo en
sont les exemples les plus récents). Si
la méthode a parfois pesé sportive-
ment, elle a permis à Charleroi de
pouvoir être targué de club sain. La
saison passée les Zèbres ont fait
2,5 millions de bénéfices. Le secret se
trouve dans la masse salariale qui
n’atteint pas les 13 millions et n’équi-
vaut qu’à 45 % du chiffre d’affaires.
Avec ce modèle, Charleroi peut per-
durer sans souci. “Mais dans le ventre
mou du tableau”, nuance Dejonghe.
En ne pouvant pas offrir de gros salai-
res et en devant forcer ses ventes,
Charleroi aura du mal à chatouiller
des clubs plus dépensiers. L’arrivée
du stade va peser dans les comptes à
l’avenir mais devrait compenser au
long cours les capacités concurren-
tielles sportives des Zèbres.
STANDARD
Toujours les mêmes maux
Le Standard est confronté à de gros-
ses pertes depuis un moment. Après
avoir perdu 19,7 puis 20,2 millions €
lors des exercices 2020-2021 et 2021-
2022, le déficit cumulé des dernières
années a atteint 44,9 millions €. 777
Partners a donc décidé en mai d’agir
pour se préparer aux nouvelles exi-
gences de la Pro League en réinjec-
tant d’une part 5 millions € dans le
capital, puis en utilisant la quasi-tota-
lité de ce capital (16,9 millions €)
pour apurer les pertes. Résultat : le
Standard n’a plus “que” 26,5 millions
de capitaux propres négatifs, ce qui
limite l’effort à fournir pour attein-
dre des fonds propres positifs en
2027, comme l’impose désormais le
règlement de la Pro League.
Comme 777 Partners n’a pas envie
d’injecter chaque année des dizaines
de millions, il n’a pas le choix et doit
réduire la voilure. Première solution,
lorsqu’on ne génère pas assez de reve-
nus en loupant l’Europe et les cham-
pions playoffs, c’est de (bien) vendre
ses joueurs. Les départs d’Amallah et
Raskin feront baisser l’enveloppe sa-
lariale, mais les faibles montants ré-
cupérés pour ces transferts au regard
de la valeur des joueurs empêchera le
Standard de faire une double bonne
affaire. Plus largement, le RSCL vend
mal : Djenepo et Marin sont les deux
seuls joueurs à avoir quitté Sclessin
pour plus de 8 millions € ces dix der-
nières années.
Autre option : se séparer de gros
contrats pour réduire une masse sala-
riale qui était encore en 2021-2022
dans le top 6 de la Pro League
(28,9 M €), un rang bien trop élevé
pour une équipe qui a terminé 14e
la
saison passée. Le Standard répond
tout juste à l’autre exigence de la Li-
gue : voir les rémunérations de
l’équipe représenter 70 % des revenus
au maximum d’ici 2027. Mission ac-
complie, mais aussi parce que les
Rouches ont su vendre en 2021-2022
des joueurs (Muleka, Siquet, Ba-
likwisha) pour 10,6 millions €.
UNION SG
Encore en perte,
malgré les performances
Financièrement aussi, le promu de
D1B a changé de monde en 2021-2022,
en intégrant la D1A et en signant une
incroyable saison qui l’a mené à la se-
conde place. Après avoir perdu
8,9 millions € en D1B l’année précé-
dente, la RUSG a profité de revenus
nettement en hausse (19,7 au lieu de
5,6 millions €) pour terminer la sai-
son… avec une perte moins impor-
tante, mais une perte quand même :
-4,1 millions €. Il faut dire que les ren-
trées européennes n’arriveront que
cette saison et que la masse salariale
a sensiblement augmenté (15,2 M €).
Cette dernière, nettement infé-
rieure à celle des clubs du G5, repré-
sente un peu plus de 70 % des reve-
nus, ce qui n’est pas un problème
dans l’immédiat, mais ce ratio devra
être amélioré à terme.
Comme beaucoup, l’Union avait en
juin des capitaux propres négatifs
(-8,3 M €). Un problème réglé par une
hausse de capital de 9 millions € de la
société détenue par Alex Muzio et
Tony Bloom en ce mois de janvier. Il
faut rester à l’équilibre, maintenant,
ce qui est simple lorsqu’il y a une
belle campagne européenne comme
cette année. Mais on a bien cons-
cience à Saint-Gilles que cela ne sera
pas le cas chaque fois ; d’où l’impor-
tance de construire un nouveau stade
qui permettrait aux Bruxellois de
créer plus de revenus.
LE CLUB BRUGES
Pas uniquement compter
sur l’Europe
Le Club Bruges a bien rempli ses
caisses en 2021-2022. Notamment
grâce au transfert sortant de Kossou-
nou (23 millions) et à plus de 30 mil-
lions des primes de participation à la
Ligue des champions. Ce qui permet
au champion en titre d’être en béné-
fice de plus de 5,5 millions. Attention
toutefois que le rythme des dépenses
du Club – 129 millions de coûts d’en-
treprise, dont 69 millions de salaires
– est supérieur à ses rentrées fixes
(84 millions). “Idéalement, il faudrait
que les salaires équivalent à 60 % du
chiffre d’affaires et plus 80 %”, dit l’éco-
nomiste Trudo Dejonghe.
Les Brugeois ont un modèle écono-
mique efficace et qui a fait ses preu-
ves au fil des années grâce aux inves-
tissements du président Bart Verhae-
ghe. Continuer à ce rythme risque
toutefois d’être compliqué, notam-
ment au vu des investissements pré-
vus – malgré le refus de son permis, le
Club rêve d’un nouveau stade – et une
probable absence en poules de la Li-
gue des champions en 2023-2024.
“Cela aura un poids dans la balance”,
appuie Dejonghe.
Le Club doit également s’acquitter
dans l’année d’une dette considéra-
ble de près de 42 millions d’euros. Ses
rentrées européennes devront
d’abord compenser ce vide avant de
remplir les caisses.
GAND
Une courbe en baisse
Devenu un des grands de Belgique
au fil des ans, Gand présente un bilan
financier mitigé : ses fonds propres
restent parmi les trois plus gros de D1
(16,6 millions €), mais sont moins im-
portants qu’un an plus tôt (22,7 mil-
lions) à cause d’un exercice 2021-2022
terminé en négatif (-6,1 millions €), ce
qui n’est pas illogique pour une
équipe qui a loupé les Champions
playoffs et n’a disputé “que” la Confe-
rence League. Car la masse salariale
des Buffalos reste une des trois plus
grosses de Belgique (39,5 millions €)
après le Club et Anderlecht, ce qui
oblige le KAA à vendre (environ
30 millions €) pour rester dans les
clous et éponger une dette à un an de
quasiment 20 millions € (19,7).
GENK
Le Racing ne sera plus longtemps
une ASBL
Genk est une sorte d’anomalie dans
le système belge. Le club limbour-
geois possède un statut économique
à part vu qu’il fonctionne sous le ré-
gime d’ASBL. Son président est
d’ailleurs élu pour un mandat limité.
Est-ce un problème ? Absolument pas.
Pour le moment du moins. Genk
réussi depuis des années à maintenir
ses comptes à flot. Ses comptes de
2021-2022 n’ont pas été publiés mais
il ne perdait qu’un peu d’argent sur
l’exercice précédent.
Le modèle tient grâce à la bonne
gestion du club et à sa balance de
transferts largement dans le vert
(+34 millions cette saison). Un chan-
gement pourrait arriver en cas de
coup de moins bien. “Genk pourrait
devenir une SA si un jour il doit réaliser
une hausse de capital, explique Trudo
Dejonghe. Une ASBL peut recevoir des
dons mais ne peut pas vendre des parts.
Genk peut continuer de la sorte tant que
tout va bien. Si cela change, il faudra
évoluer.”