Le propriétaire de Brighton et de l’Union,
qui s’affrontent ce samedi en amical,
est un homme à succès.
Le 23 mai, les sourires
sont nombreux sur
les visages à l’hôtel de
ville de Saint-Gilles.
Au lendemain de son dernier
match de playoffs face à l’An-
twerp, l’Union est fêtée par la
commune pour sa saison ex-
traordinaire. Pour être aux cô-
tés de Felice Mazzù et de cer-
tains joueurs, un homme à la
chemise blanche et au costard
bleu a fait le déplacement de-
puis l’Angleterre : l’action-
naire majoritaire du club,
Tony Bloom. Fait rarissime,
l’homme de 52 ans fait un
speech et accepte même de ré-
pondre à quelques questions
de journalistes. “Même si
l’Union n’a pas été championne
de Belgique, les joueurs reste-
ront dans le cœur des gens dans
le futur”, lance celui qui a tou-
jours été d’un naturel discret,
à tel point qu’il est difficile de
percer les mystères du per-
sonnage.
Portrait de celui qui a cons-
truit son empire sur les jeux
de hasard et qui a permis à
Brighon et à l’Union de renaî-
tre de leurs cendres.
. Une enfance dans
les jeux d’arcade
Pour comprendre com-
ment Bloom a construit son
succès, il faut remonter au
tout début des années 70. Le
garçon originaire de Brighton
se rend rapidement compte
de ce qui l’anime au quoti-
dien : les jeux de hasard. Dès
l’âge de 8 ans, le petit Tony se
promène avec des amis dans
des lieux de divertissement
pour dépenser son argent de
poche dans des jeux d’arcade.
La passion du jeu envahit tel-
lement le jeune Anglais qu’à
15 ans il décide de fabriquer
une fausse carte d’identité
pour pouvoir entrer dans les
lieux de paris et les salles de
jeux avant l’âge légal. “Je sais
que j’ai une personnalité sujette
à l’addiction, expliquait-il dans
une interview. J’adorais le jeu,
je savais que je devais faire
preuve d’une grande discipline
pour pouvoir tenir.”
Sans le savoir, Bloom
s’ouvre alors la porte vers la
réussite. Étudiant en mathé-
matiques à l’Université de
Manchester, ce très bon élève
s’intéresse aux statistiques et
aux paris sportifs. Une fois ses
études bouclées, il décide de
quitter ses terres natales pour
la Thaïlande puis pour Gibral-
tar dans l’idée de se former
aux paris sportifs, avec une at-
tention toute particulière
portée au “handicap asiati-
que”. Ce type de pari, qu’il in-
troduit rapidement en Angle-
terre, permet de donner un
avantage de buts à l’équipe la
plus faible pour rééquilibrer
une rencontre.
Dans la foulée, il lance sa
première société de paris, Pre-
mierBet, en 2002 avant de la
revendre pour 1 million de li-
vres sterling trois ans plus
tard. “C’est un homme très intel-
ligent, explique Andy Naylor,
qui suit le club de Brighton
pour The Athletic. Il est brillant
dans le business et regarde tou-
jours sur le long terme en éta-
blissant des plans clairs.”
. Un patron populaire
En 2006, la vie de Tony
Bloom connaît un tournant
majeur quand il lance Starli-
zard, une société de conseil en
matière de jeux d’argent et de
hasard basée sur l’analyse de
données. Patron très popu-
laire au sein de sa société, il le
sera aussi dans le club de Bri-
ghton qu’il rachète en 2009.
“Les fans de Brighton l’adorent,
explique John Palfrey, un sup-
porter du club depuis près de
50 ans. À son arrivée, nous som-
mes passés du pire président de
football au meilleur président. Il
est extrêmement populaire
auprès des fans car il est très
proche d’eux. À l’époque, le club
avait besoin d’un nouveau stade
mais personne ne voulait le fi-
nancer. Tony Bloom est arrivé en
demandant ce dont Brighton
avait besoin et il a financé le
stade. Il aime vraiment le club.”
Fan des Seagulls depuis sa
plus tendre enfance, Tony
Bloom a complètement trans-
formé un club dont son
grand-père était le vice-prési-
dent il y a de nombreuses an-
nées. “Il s’implique énormément
dans le club, analyse Richie
Mills, journaliste pour le Sus-
sex Live. Depuis son arrivée en
2009, il a injecté des centaines
de millions de livres. Pendant la
période du Covid, il a été d’un
grand soutien pour que les gens
ne perdent pas leur travail et
pour que le club puisse conti-
nuer à transférer. Il a transformé
Brighton, qui est rapidement
passé d’un club de D3 à une
équipe de Premier League pou-
vant viser une qualification
européenne. Il doit être dans le
top 3 des présidents les plus ap-
préciés de ses fans en Premier
League. Il est difficile de lui de-
mander de faire plus…”
Son implication se remar-
que même les jours de match.
Loin de lui l’idée de se rendre
au stade dans une grosse voi-
ture spacieuse avant de dé-
guster du caviar et du cham-
pagne en tribune VIP. Bloom
est plutôt du genre à se con-
fondre avec les supporters.
Bien souvent, il se rend au
stade en métro et prend place
avec ses fans en tribunes, une
bière à la main. Personnage
très calme et réservé, il ne se
montre impulsif que lors des
rencontres de son club de
cœur, qu’il vit avec une
grande passion. Comme en
cette fin de saison 2015-2016
quand Brighton rate la pro-
motion directe en Premier
League à la différence de buts
avant d’échouer en playoffs
face à Sheffield Wednesday.
“Ce qui ne nous tue pas nous
rend plus forts, lance, à la fin
de la rencontre, Bloom à ses
joueurs abattus dans le ves-
tiaire. Nous reviendrons la sai-
son prochaine.”
La saison suivante, Brighton
est promu en D1 anglaise
après 34 ans d’attente…
. Le sauveur de l’Union
En mai 2018, le destin de
Bloom et celui de l’Union
Saint-Gilloise sont liés. L’An-
glais devient actionnaire ma-
joritaire du club avec environ
95 % des parts. “Je suis heureux
d’avoir reçu l’opportunité d’in-
vestir dans un club de tradition
avec un tel passé, commentait
alors celui qui laisse la ges-
tion quotidienne du club à
Alex Muzio, à tel point qu’il
n’est que très rarement vu à
Bruxelles.
Cette saison, Bloom ne s’est
montré qu’à de rares matchs
à domicile, face à Anderlecht
en janvier (1-0) ou lors des
Champions playoffs. “Nous
sommes impatients d’offrir aux
supporters de nouveaux succès
dignes de ce club au glorieux
palmarès.”
Quatre ans plus tard, le
club saint-gillois s’est lui
aussi complètement trans-
formé, passant d’une équipe
presque anonyme de Divi-
sion 1B à un promu assuré de
jouer, au moins, la phase de
poules de l’Europa League la
saison prochaine… “Les sup-
porters de Brighton veulent que
Tony Bloom réussisse partout
où il va, et donc à l’Union en
particulier, avance le journa-
liste Richie Mills. Sa force est
qu’il est vraiment passionné
dans tout ce qu’il entreprend.
La bonne entente entre l’Union
et Brighton est une aubaine
pour les deux clubs car cela
permet à certains joueurs qui
ne seraient pas encore prêts
pour la Premier League de
s’aguerrir en Belgique. Il a tou-
jours été vu comme un homme
à succès dans tous les domai-
nes, il n’y a qu’un seul Tony
Bloom. C’est incroyable comme
tout ce qu’il touche se trans-
forme en or…”
. Le poker et les chevaux
L’homme qui vit la moitié
de l’année en Australie, le
pays de sa femme, a d’autres
passions que le football.
Comme le poker, lui qui se fait
appeler le Lézard autour des
tables pour sa capacité à gar-
der son sang-froid durant les
parties de poker. “Le poker
vous donne de bonnes bases
dans de nombreux domaines,
expliquait dans une interview
celui qui a fait fortune grâce à
ce jeu en remportant plu-
sieurs millions dans de
grands tournois médiatisés.
Cela vous permet de mieux lire
certaines situations de la vie
quotidienne ou de prendre plus
facilement des décisions diffici-
les. Ces compétences sont essen-
tielles dans les affaires et certai-
nement dans la gestion d’un
club de football.”
À côté du poker, les courses
de chevaux animent plus que
tout Bloom, dont les jockeys
concourent en bleu et blanc,
les couleurs de Brighton. “Il
voyage autour du monde avec
ses animaux pour participer à
des courses de chevaux, lance
John Palfrey, le supporter de
longue date de Brighton. Mais
cela fait partie de sa vie privée
et personne n’essaye d’en con-
naître les détails. Sa vie en de-
hors du club n’est pas connue et
nous le respectons tous.”
De quoi ajouter du mystère
autour de cet homme qui a
toujours connu le succès et
qui compte bien réussir en-
core, aussi bien au sud de Lon-
dres que dans le sud de
Bruxelles…