L’entraîneur carolo
de l’Union a signé sa
première affiliation
dans un club à 12
ans. Au Sporting…
Vouloir retracer le parcours
de joueur de Felice Mazzù,
c’est s’aventurer quatre
bonnes décennies en ar-
rière. Le temps a peut-être un peu
chiffonné la chronologie et mal-
mené la précision de certains souve-
nirs des témoins que nous avons re-
trouvés. Mais tous se sont replongés
avec une joyeuse nostalgie dans
l’époque où ils partageaient le ves-
tiaire avec celui qui, plus tard,
brillera comme entraîneur du
White Star, du Sporting de Charleroi
puis de l’Union saint-gilloise, entre-
coupé d’un échec à Genk. Car oui,
avant sa vie de coach, et avant
même sa vie de professeur d’éduca-
tion physique, Felice Mazzù (55 ans)
a vécu une vie de joueur amateur.
Plutôt modeste, il le reconnaît aisé-
ment. Une petite carrière que l’on a
scindée en trois angles.
“Il ne survolait pas
du tout”
Les principaux faits d’armes de Mazzù joueur :
un maintien en P3 et un titre en P2.
L a modeste carrière du joueur
Mazzù commence en réalité
relativement tard par rapport aux
standards actuels. Contraint au
catéchisme par ses parents, le
jeune Felice, déjà grand amateur
de football, signe sa première affi-
liation dans un club à l’âge de 12
ans. Au Sporting de Charleroi,
tout près de la maison où il a
grandi.
À cette époque,
il est d’abord back
droit puis défen-
seur central. Mais
son rêve de pro-
fessionnalisme est irréaliste, Fe-
lice n’ayant pas le niveau pour es-
pérer atteindre l’équipe première.
Dans Papa, je te promets qu’un
jour… (2018, éd. Luc Pire), biogra-
phie signée par le regretté Jean
Derycke, il le concède volontiers :
“Vers 15 ou 16 ans, je croyais encore
que je pourrais devenir footballeur
professionnel. Pas un grand joueur,
mais au moins de quoi faire carrière.
Puis, petit à petit, j’ai dû me rendre à
l’évidence : je n’étais pas assez fort,
tout simplement […] J’ai vite com-
pris que je pouvais faire une croix
sur un avenir en D1 le jour où les di-
rigeants du Sporting, qui voulaient
attirer les frères Becker, ont proposé
au club de Jumet de m’échanger.”
. Premiers pas
en provinciale
À peine majeur, le moral fragi-
lisé et la motivation égarée, Felice
découvre alors le football ama-
teur, en deuxième provinciale, à
Jumet. “Quand il est arrivé, on sen-
tait qu’il était déçu de ne pas avoir
réussi au Sporting”, raconte
aujourd’hui son ancien équipier
Benoit Paulet. “Je me souviens que
sa vitesse n’était pas sa qualité pre-
mière. J’étais très jeune et, en réalité,
on n’a pas beaucoup joué ensemble.
On a pris des routes différentes.”
Felice perd la flamme. Dans sa
bio, il écrit : “J’ai effectué une saison
pourrie […] J’ai carrément arrêté de
jouer. De toute manière, ce n’était
plus vraiment compatible avec mes
études.”
Après ses études
d’éducation physi-
que et son service
militaire, son
meilleur ami Miro Linari le con-
vainc de le rejoindre à l’UJS Char-
leroi. En 1987, il participe au main-
tien du club en troisième provin-
ciale.
. Le titre à Moustier
C’est alors que Felice va connaî-
tre ses meilleures années de
joueur. Après avoir convaincu lors
d’un test, il rejoint Moustier-sur-
Sambre avec qui il grimpera en P1.
“À l’époque, c’était courant de devoir
passer un test, même en provinciale,
pour s’assurer des qualités footbal-
listiques et humaines des joueurs
qu’on recrutait”, rembobine son
ancien équipier Eddy Broos, la
mémoire fraîche. “Felice était un
joueur propre, très doué dans le pla-
cement. Mais en P2 – où il a parti-
cipé au titre – puis en P1, il ne survo-
lait pas du tout. Il jouait d’ailleurs
assez peu. Il n’a peut-être pas reçu la
confiance nécessaire, ou peut-être
était-il trop gentil même s’il lui arri-
vait de râler quand il était sur le
banc. Il a eu quelques blessures,
aussi. Cela dit, cela n’a jamais été un
fouteur de m… (sic) mais plutôt un
rassembleur.”
Un autre ex-équipier, Jean-Fran-
çois Mouthuy, fils du président de
l’époque, abonde : “C’était un
joueur élégant, qui sentait déjà bien
le jeu et qui voyait clair. Pas un
grand technicien mais il connaissait
ses qualités.”
. Blessure et “corpo”
Après quatre saisons en provin-
ciale namuroise, Felice jouera en-
core quelques mois à Sart-Dames-
Avelines, en P3 brabançonne
avant de raccrocher. Dans sa bio-
graphie parue en 2018, on peut
lire ces lignes : “Le corps ne suivait
plus vraiment. Après trois mois, en
plein match, je me suis complète-
ment déchiré les adducteurs. C’était
parti pour la galère, les soins […] Je
n’étais plus prêt à faire ces sacrifi-
ces-là, alors j’ai jeté l’éponge.”
Ce que l’on sait moins, c’est que
Mazzù a également joué au foot-
ball corporatif. “On était ensemble
dans l’équipe des enseignants”,
nous dit Jacques Besonhé, de l’en-
thousiasme dans la voix. “On
jouait au stade de Marchienne, à un
bon petit niveau malgré tout. On
avait notamment affronté l’usine
Caterpillar qui avait aussi inscrit
une équipe. Felice était milieu défen-
sif et moi milieu gauche. Ce n’était
pas un fin technicien mais il courait
énormément.”
Il courra surtout après un autre
rêve, qu’il accomplira celui-là : de-
venir entraîneur professionnel.
“Il aimait autant monter sur les tables”
S’il n’était pas toujours titulaire sur le terrain,
Mazzù l’était souvent à la buvette pour mettre l’ambiance.
À entendre ses anciens coéqui-
piers – et on peut le confirmer -,
Felice Mazzù a toujours été un (très)
bon vivant. Les troisièmes mi-temps
duraient d’ailleurs souvent plus long-
temps que les deux premières.
“Il aimait autant monter sur les tables”,
rigole Eddy Broos, avec qui il échange
encore systématiquement un petit
message avant un match.
Ambianceur de vestiaire et de bu-
vette, le Carolo avait ses morceaux fa-
voris pour mettre l’ambiance dont
Femme que j’aime de Jean-Luc Lahaye.
“Encore aujourd’hui,
cette chanson provo-
que quelque chose en
moi car elle symbolise
un moment, un change-
ment dans ma vie. Ça fait toujours rire Ju-
lie, ma femme […] Quand cette chanson
sort des baffles, elle sait que ça me trans-
porte et que je vais pousser la chanson-
nette”, explique Mazzù dans le livre qui
retrace sa vie.
“Il aimait aussi reprendre Les Sucettes,
de France Gall”, se marre son ancien
équipier. “Et la célèbre chanson des 100
sous”, ajoute Jean-François Mouthuy.
“Je me souviens aussi
d’un après-match ami-
cal à Nivelles. Felice
nous avait fait repasser
dans un établissement
qu’il connaissait bien pour manger une
tarte al d’jote. Une soirée mémorable.”
Amuseur, bon camarade, Mazzù s’est
facilement intégré dans les équipes
qu’il a fréquentées.
Sa coquetterie a visiblement aussi
marqué les esprits. “Il n’a pas des origi-
nes italiennes pour rien (rires). Il faisait
très attention à soigner sa mèche”, sourit
Jacques Besonhé.
Un autre coéquipier de l’époque
confirme : “Ah ça oui, il prenait soin de
lui. On le charriait ‘Oh, dolce Felice !’ Il
plaisait aux femmes. Mais il est toujours
resté correct et simple. Aujourd’hui en-
core, il est très accessible malgré sa réus-
site personnelle.”
“Je serai un jour
un grand entraîneur”
Déjà quand il était joueur, Felice Mazzù
possédait la fibre d’un futur entraîneur.
S i Felice Mazzù a arrêté
sa carrière de joueur
dès avant la trentaine, c’est
pour se reconvertir vers le
coaching. “Quand on stoppe
si tôt, ce n’est pas anodin. Je
pense qu’il avait encore une
âme de joueur et cela l’a aidé
dans son développement”, es-
time Benoît Paulet. “Même
en corpo, il avait déjà l’art
d’analyser le jeu, de vouloir le
comprendre et le transmettre.
Il dirigeait
déjà bien le
bazar (sic)”,
confirme
Jacques Be-
sonhé. “Il disait aux autres ce
qu’il fallait faire mais, person-
nellement, je n’aurais pas du
tout imaginé qu’il réussisse
une telle carrière dans le
monde professionnel. C’est
quand il a percé au White Star
que je me suis dit : ‘waouw’ !”
À Moustier, Jean-François
Mouthuy narre : “Un jour, Fe-
lice devait avoir 27-28 ans, il a
dit à mon beau-frère : ‘Je ne se-
rai jamais un grand joueur
mais je serai un jour un grand
entraîneur.’ Il avait rai-
son. Dans le vestiaire, il pre-
nait les choses en mains, il
était rassembleur, parlait et
conseillait facilement.”
. Le déclic Urbain
Mazzù a fait les choses
dans l’ordre et pris le temps
d’apprendre. D’abord en
jeunes au CS Nivellois avant
une rencontre qui a proba-
blement changé sa vie. Celle
avec Jacques
Urbain, son
professeur
aux cours
d’entraîneur
à la Fédération, devenu son
mentor, dont il deviendra
l’adjoint à Marchienne (Pro-
motion) avant de lui succé-
der comme entraîneur prin-
cipal. “Il avait déjà des idées
novatrices pour l’époque”, lâ-
che Benoît Paulet. “Il aimait
par exemple déjà jouer avec
quatre défenseurs à plat, ce
qui était assez rare à l’épo-
que.” Des signes annoncia-
teurs d’une belle carrière.