Stefano Righi, dans les travées du Parc Duden lors de venue de Seraing, le 16 octobre dernier.
Croyez-vous ça ? Sur Youtube, le clip de « Vamos a la playa » fait plus de treize millions de vues ! Incroyable, surtout pour un tube de l’été datant des années 80. Il faut supposer que, finalement, cette ritournelle est plus profonde qu’il n’y paraît. Stefano Righi et son comparse Stefano Rota ont créé le groupe « Righeira » en pleine guerre froide. Ronald Reagan venait de lancer le projet « Star Wars ». Un programme spatial et nucléaire. « Voilà ce qui nous a inspirés », rappelle-t-il.Dans le clip, notre interlocuteur, c’est celui qui porte des lunettes solaires et surtout de magnifiques chaussettes roses. Une quarantaine d’années plus tard, il s’est un peu épaissi. Le cheveu s’est fait plus rare. Toutefois, l’œil pétille toujours autant. L’ex-star du disco italien conserve un regard d’enfant sur le monde. Lors de Union Saint-Gilloise-RFC Seraing, on l’a vu dans les travées du Parc Duden, arborant un perfecto jaune, une écharpe de la même couleur nouée autour du cou. « C’est la dernière rencontre que j’ai pu suivre en live », dit-il. « Pour le reste, via un ami, je parviens à me connecter à Eleven TV. Je scrute internet pour me tenir au courant. » Car, oui, ce Turinois vrai de vrai, fan de la Juventus, s’est aussi amouraché de la vénérable entité saint-gilloise. Deux clubs qui ont, outre l’amour inconditionné de cette ancienne gloire des boules à facettes, un point commun : elles ont toutes les deux été fondées le même jour. Soit le 1 novembre 1897. « J’étais à Bruxelles afin d’y donner un concert. Je n’aime pas arriver le jour même et repartir le lendemain. J’apprécie découvrir la ville où je me produis. En ressentir les effluves. J’avais ainsi prévu de demeurer plusieurs jours dans la capitale. Chemin faisant, en amoureux de ballon rond que je suis, j’ai demandé à mes copains s’il y avait moyen d’assister à un match. Ils ont d’abord pensé à Anderlecht mais le Sporting se produisait en déplacement. Seule l’Union Saint-Gilloise se produisait à la maison. Bon, ce n’était que la troisième division. Qu’importe. Va pour l’Union ! Je ne l’ai pas regretté. »
Qu’est-ce qui vous a séduit à ce point ?
Immédiatement, j’ai été frappé par la dimension humaine de ce club. On arrive au stade Joseph Mariën (NDLR : en français dans le texte) et, d’emblée, on ressent une grande harmonie. Beaucoup de romantisme. Une cuvette vintage. Hors du temps et des modes. De la ferveur dans les gradins. Cette gentillesse naturelle. Un coup de foudre s’est produit. L’Union est devenue instantanément mon club. Cela peut surprendre, mais les choses se sont déroulées de la sorte. À présent lorsque le Kop déploie une bâche sur laquelle est inscrit « Vamos a la playa » et que ses membres reprennent ce refrain, j’ai le sentiment de réellement faire partie des leurs. D’être à la maison.
Comment avez-vous ensuite suivi la grande épopée qui l’a propulsé en première division ?
Quand je le pouvais, je venais à Bruxelles. Malheureusement, la pandémie ne m’a plus permis de voyager. Alors, comme je vous le disais, c’est via internet que je vivais la progression de l’Union. La D2. Quelle merveilleuse épopée ! La montée. La première division. Ce parcours incroyable qui mérite d’être couronné.
Le titre, vous, vous y croyez ?
Je vais être franc. Je trouve la formule du championnat de Belgique étrange. Pour moi, il n’est pas logique que celui qui termine premier après 34 journées ne soit pas sacré champion. Quand on tient la route aussi longtemps, c’est qu’on est bien le meilleur, non ?
L’Union rejaillit en pleine lumière après de nombreuses années passées dans l’obscurité. Cela revient-il à dire que les vieux clubs sont immortels ?
Qui peut l’affirmer ? Certes, l’Union est redevenue grande. Maintenant, elle doit le rester. Dans un premier temps, l’essentiel, pour elle, consistait à rejoindre un niveau digne de son histoire. Nous y sommes. Cependant, vous savez, le plus émouvant à mes yeux, c’est la belle histoire qu’elle offre au football belge. Tout le monde a entendu parler des affaires. Grâce à l’Union, on évoque le foot de manière positive.
Vous avez déclaré que le football moderne ne vous plaisait pas. Pourquoi ?Trop de business. Trop d’argent. Pas assez de sentiments. Les joueurs, ils vont, ils viennent. À de rares exceptions, ils ne pensent qu’à leurs contrats. Le club passe après.
Juste. Toutefois vous n’ignorez pas que l’Union appartient à Brighton. Cela ne va pas à l’encontre de vos principes ?
Non. Je vais vous dire pourquoi. Brighton est aussi un club de tradition. Quant à l’Angleterre, c’est le berceau du foot. Je sais que, là comme ailleurs, on y brasse de grosses sommes. Toutefois, j’ai la faiblesse d’espérer qu’il y reste une approche plus profonde qu’ailleurs. Lorsque je viens au Parc Duden, je goûte les parfums du passé. Ceux que je savourais quand, petit garçon, je me rendais au stade avec mon père. Puis, il y a une dimension que j’apprécie particulièrement. À l’Union, on ne déteste pas l’adversaire. On adore surtout ses couleurs. Une approche différente de celles que proposent les Ultras italiens. Il n’y a rien d’artificiel à Saint-Gilles. Tout y est sincérité.
Avez-vous déjà eu des contacts avec Felice Mazzù, qui comme vous le savez est d’origine italienne ?
Sa famille provient de Calabre, si je ne m’abuse. J’ai fait sa connaissance. Je corresponds occasionnellement avec lui. Il me répond toujours. Cela aussi est appréciable. Qu’un simple supporter puisse entretenir un dialogue avec un entraîneur de l’élite, c’est tout simplement impensable en Italie. Felice Mazzù est une personne simple, accessible. Ainsi qu’un bon entraîneur, naturellement. Cela, vous le savez déjà.
Dernière question : imaginons que l’Union et la Juventus se rencontrent en Coupe d’Europe, pour qui votre cœur battra-t-il ?
Non ! Pas possible. Ce serait compliqué. J’aime mieux ne pas y penser…