J
e ne comprends pas comment
certains peuvent supporter An-
derlecht et l’Union. C’est comme
si j’étais fan de Chelsea et de Tot-
tenham…” Depuis le retour de l’Union
au plus haut niveau, un grand débat
agite les réseaux sociaux au sujet de
ces supporters mauves de plus en
plus présents dans les travées du
Stade Marien. Pour différentes rai-
sons, de nombreux fans anderlechtois
s’intéressent au phénomène unio-
niste et sont attirés par ce qu’il se
passe du côté de Forest.
Si ce double amour crée l’incompré-
hension dans l’esprit de certains, les
supporters des deux camps ont tou-
jours été relativement proches. “Il y a
des liens historiques entre le public d’An-
derlecht et celui de l’Union, explique Fa-
brizio Basano, fidèle supporter de la
RUSG et fin connaisseur de l’histoire
des Jaunes et Bleus. À l’époque, les diri-
geants des deux clubs s’accordaient
même pour que les deux équipes ne
jouent pas le même jour, à la même
heure. Dans les années 50-60, ils avaient
remarqué qu’une proximité existait en-
tre les deux parties. Leur accord permet-
tait aux fans des uns d’aller voir l’équipe
des autres.”
Cette proximité s’explique en partie
pour des raisons familiales. Après
avoir connu ses heures de gloire,
l’Union est un peu rentrée dans le
rang au contraire du Sporting d’An-
derlecht, ce qui a poussé certains à
changer de club de cœur. “Il n’est pas
rare de voir des grands-parents unionis-
tes dont les fils sont devenus anderlech-
tois, continue Fabrizio Basano. Mainte-
nant, les petits-fils sont présents à
l’Union. Ces vingt dernières années, de
plus en plus d’Anderlechtois sont reve-
nus à l’Union car ils y trouvaient une
bonne ambiance et un chouette climat
même si les résultats sportifs n’étaient
pas nécessairement bons. Même en Divi-
sion 3, beaucoup de Mauves venaient
voir l’Union et appréciaient le match
mais aussi et surtout l’avant-match et la
troisième mi-temps.”
. Un phénomène amplifié
Depuis la montée en Division 1A, le
phénomène s’est encore amplifié et
de nombreux fans de l’équipe de Vin-
cent Kompany sont rapidement tom-
bés amoureux du jeu proposé par les
hommes de Mazzù. Pour d’autres, le
coup de foudre a eu lieu il y a plu-
sieurs années déjà. “J’ai toujours été un
grand fan d’Anderlecht, explique Ja-
nusz, devenu supporter des Mauves
grâce à son père et
abonné au Lotto Park.
Mes souvenirs remon-
tent à la fin des années
90 et à la campagne en
Ligue des champions au
début des années 2000.
J’ai rêvé avec Anderlecht
et je suis rapidement
tombé amoureux du
club. Puis, en 2018, j’ai
découvert l’Union sous l’ère Luka Elsner.
Des amis m’ont dit qu’il fallait que je
connaisse cette ambiance si particulière.
J’y suis allé par curiosité et je n’ai pas été
déçu. Une fois en tribunes, on ressent ra-
pidement l’idée de la zwanze. À Ander-
lecht, si je me lève de mon siège, je me
fais presque engueuler…”
Depuis lors, Janusz a la particularité
d’être abonné à Anderlecht… et à
l’Union. “C’est vrai que c’est hyper para-
doxal et j’ai beaucoup réfléchi avant de
franchir le pas, explique le jeune
homme de 31 ans. Je dis souvent que j’ai
le sang mauve mais un cœur unioniste.
Pour moi, ce sont deux plaisirs différents.
À Anderlecht, j’adore ce que Kompany
met en place en essayant de lancer le
plus de jeunes possible. À l’Union, j’aime
ce côté positif où on peut boire des bières
entre amis. Je croise beaucoup plus de
gens que je connais du côté de l’Union. Il
y a moins ce côté ‘copains’ à Anderlecht.
Et puis, il y a aussi une petite ambiance à
l’anglaise avec cette tribune debout le
long du terrain qui rend les choses spé-
ciales. On peut presque parler aux
joueurs tellement on est proche du ter-
rain.”
. Rivalité saine
Dans les tribunes du Parc Duden, les
uns cohabitent avec les autres sans
aucun problème. Pour beaucoup,
cette bonne cohabitation est due à la
rivalité qui est quasi inexistante entre
les deux entités bruxelloises. “Il y a
bien sûr une rivalité citadine mais il n’y a
jamais eu de rivalité sportive car les deux
équipes n’ont que rare-
ment été au sommet en
même temps, avance Fa-
brizio Basano. La vraie
rivalité pour l’Union est
celle avec Molenbeek. Il
serait beaucoup plus
surprenant, même si
cela existe, de retrouver
des supporters du
RWDM dans nos gradins… Pour le mo-
ment, retrouver des fans anderlechtois
dans notre stade ne me surprend pas car
ce n’est pas un phénomène nouveau. Ce
qui est neuf, c’est le nombre d’Anderlech-
tois présents chez nous. Avec le retour en
D1A et les résultats actuels, cela s’est vrai-
ment amplifié.”
“Je n’ai jamais senti de haine entre les
deux clubs, analyse Hermès, un fan
d’Anderlecht depuis tout petit qui sup-
porte aussi l’Union depuis quelques an-
nées. Cette idée de rivalité sortait un peu
de nulle part… sauf qu’elle existe mainte-
nant réellement vu le classement des deux
équipes. Certains amis
supporters d’Anderlecht
ne comprennent pas ma
‘double casquette’. Je ne
me suis jamais dit que je
devais choisir car je ne
m’attendais pas à ce
qu’un jour, l’Union et An-
derlecht deviennent ri-
vaux sur le terrain. Fina-
lement, je supporte
l’Union plus pour le folklore que pour l’as-
pect sportif. Beaucoup d’amis y vont pour
se défouler et s’amuser dans la joie et la
bonne humeur même s’ils ne sont pas les
plus calés en football.”
Reste à ces supporters à faire un
choix en vue de la rencontre de ce di-
manche. Si pour Hermès, la décision
est prise (“Anderlecht restera toujours
mon premier club”), le dilemme est
cruel pour Janusz. “J’en dors mal, rigo-
le-t-il. Les deux clubs ont une place diffé-
rente en moi. J’ai presque envie que ce
soit match nul (sourire).”
Avant que les deux équipes bruxel-
loises ne se retrouvent sûrement en
fin de saison pour deux autres derbies
hauts en couleur en PO1…