Deniz Undav, c’est la belle histoire de ce début de saison. L’histoire d’un joueur longtemps sous-estimé, qui a failli arrêter sa carrière il y a quelques années, et qui explose aujourd’hui avec l’Union. Rencontre.
Arrivé à l’USG -alors active en Division 1B- durant l’été 2020 en provenance de D3 allemande, Deniz Undav s’est aujourd’hui fait un nom au plus haut niveau. Il est le meilleur buteur du championnat belge avec quatorze réalisations (ex æquo avec Michael Frey de l’Antwerp) et a claqué le premier quadruplé de sa carrière dimanche dernier contre Ostende. L’attaquant allemand savoure ces moments. D’autant qu’il sait que, pour en arriver là, il a dû s’accrocher.
Deniz, c’est extraordinaire ce qui vous arrive. Comment faites-vous pour garder les pieds sur terre ? Vous n’étiez pas habitué à une telle médiatisation…
J’écoute ce qui se dit dans les médias bien sûr, mais cela ne représente pas grand-chose pour moi. Je reste juste moi-même. Mais je me dis que, si on parle autant de moi, c’est le signe que je suis dans le bon.
Comment expliquez-vous votre si bon début de saison personnel ? On ne vous attendait pas à un tel niveau.
J’ai travaillé durant l’été pour être plus « fit », plus athlétique. Et j’ai également la confiance du coach. Je travaille énormément pour être meilleur durant les matches, pour être plus frais. Et ce travail se voit sur le terrain.
Toutefois, vous imaginiez-vous, à titre personnel, réaliser une telle première partie de saison ?
Non. J’avais dit en pré-saison que mon but était de marquer quatorze buts. Et j’ai déjà atteint ce bilan après quinze matches seulement. Tout en distribuant neuf assists.
Vous êtes-vous fixé un nouvel objectif comptable ?
Je veux désormais atteindre les vingt buts, et arriver à douze ou treize assists.
Par rapport à votre arrivée à l’Union il y a un an et demi de cela, vous semblez métamorphosé, physiquement notamment.
Durant l’hiver dernier, Felice Mazzù m’a dit que, si on montait, je ne pouvais pas rester au poids auquel j’étais. Et je savais qu’il avait raison. D’un début de saison à l’autre, j’ai perdu près de sept kilos. Je mange désormais nettement plus sainement et j’ai énormément travaillé. Je l’ai fait pour être compétitif en D1.
Vous parliez de Felice Mazzù. Quelle relation entretenez-vous avec lui ?
Il sait comment me prendre, et vice-versa. La saison dernière, lorsque je suis arrivé, il m’a beaucoup parlé. Il savait que je débarquais dans un nouveau club, que tout était différent pour moi et que ce n’était pas spécialement évident. Et encore aujourd’hui, il me parle énormément. Il m’aide à rester concentré, surtout avec tous ces médias autour de moi. Il me permet de ne pas devenir arrogant, même si je ne suis pas comme ça. Et puis, je sais que si je fais un mauvais match, il va me laisser jouer le suivant. Car il connaît mes qualités.
Revenons sur votre carrière. Vous avez été formé en partie au Werder Brême. Comment cela s’est-il passé ?
Je suis effectivement arrivé au Werder à l’âge de dix ans. J’y suis resté quelques années. Mais le club n’a pas voulu que j’y reste. Le coach des U15 me trouvait trop petit et j’ai été mis dehors.
Cela vous a-t-il blessé ?
Cela m’a fait mal, oui. Les premiers jours ont été compliqués car mon but était de jouer pour le Werder. Non pas que j’étais spécialement supporter de ce club mais car j’y habitais à dix minutes seulement. Mais après un mois, je m’en fichais.
Qu’avez-vous ensuite fait ?
J’ai été au SC Weyhe durant deux ans, chez les jeunes toujours, avant de m’engager au TSV Havelse. J’ai débuté chez les U19 et puis je suis passé en équipe première qui évoluait en D4 allemande.
Pouviez-vous vivre du football à cette époque ?
Non. Je ne gagnais que 150 euros par mois, ce qui était naturellement largement insuffisant. Je travaillais à côté dans une usine car je ne voulais pas devoir demander à ma famille de m’aider.
Combien de temps cela a-t-il duré ?
De mes 18 à mes 20 ans. Je me levais tous les matins à 4h. Je prenais le bus. J’allais travailler et puis je m’entraînais. Je rentrais à la maison à 20h et je n’avais bien souvent même pas le temps de cuisiner. À 21h, j’allais dormir car je devais me lever à 4h le lendemain. Physiquement, c’était un boulot très lourd. Parfois, j’avais des problèmes au dos durant trois ou quatre mois. Et personne ne t’aide. Tu dois te débrouiller.
N’avez-vous pas pensé à arrêter le football ?
J’ai dit à mon père que je voulais arrêter, effectivement. Car partout où je jouais, j’étais le meilleur joueur de l’équipe et le meilleur buteur. Malgré cela, je ne recevais pas l’attention que j’aurais dû. Mais mon père a été très fâché et m’a interdit d’arrêter (sourire). Ce fut un moment difficile mais cela m’a poussé à aller de l’avant et à me battre. Je connais la valeur de l’argent. Je sais combien il faut travailler pour gagner sa vie. Certains commencent à jouer au foot et ont directement tout l’argent qu’ils veulent.
Mais la situation s’est ensuite décantée pour vous.
J’ai été transféré à Braunschweig où je suis passé professionnel. Le club évoluait alors en D2 allemande. Mais malgré cela, il m’a versé dans le noyau amateur en me disant que je devais travailler pour mériter ma place chez les pros. Malheureusement pour moi, je me suis blessé et j’ai été sur la touche durant six mois. Je suis ensuite parti au SV Meppen en D3 allemande. Avant de partir pour l’Union en 2020.
Et la fabuleuse histoire a pu débuter. Une histoire que vous écrivez notamment avec votre compère d’attaque Dante Vanzeir. Comment expliquez-vous cette incroyable complicité ?
On s’apprécie vraiment beaucoup l’un l’autre, que ce soit sur ou en dehors du terrain. On s’amuse, on fait des blagues. Si à l’entraînement, je fais un mauvais contrôle ou je tombe, il sera le premier à rigoler. Et vice-versa. Il ne prend pas trop les choses au sérieux, un peu comme moi.
Et cela fait des étincelles sur le terrain car on ne compte plus les assists que l’un met à l’autre.
On se cherche souvent, c’est vrai. J’ai 9 assists et, parmi ceux-ci, je lui en ai donné 6 ou 7. Pour sa part, il est à 7 assists et 5 m’ont été adressés. En fait, aucun des deux n’est jaloux de l’autre.
Vous avez dès lors du être ravi d’apprendre sa sélection avec les Diables rouges…
J’étais vraiment content pour lui. Et j’ai regardé le match. C’est le premier coéquipier que j’ai qui joue pour un aussi grand pays de foot. On a d’autres internationaux dans le noyau mais la Belgique est tout de même première mondiale. Dante fait en quelque sorte rêver les autres au club. Car on voudrait tous un jour ou l’autre être appelé en équipe nationale. On est en tout cas très fier de lui. Et il le mérite car il a travaillé pour cela.
Au vu de vos performances, vous pourriez aussi peut-être un jour être appelé en équipe nationale. Vous avez la double nationalité allemande et turque. Quel pays choisiriez-vous si les deux venaient à toquer à votre porte ?
Mon premier choix se porterait sur l’Allemagne car j’y ai grandi. C’est mon pays. Mais en football, tu ne sais jamais. Et puis, je suis ouvert à tout. Je ne vais pas dire que je ferme la porte à la Turquie.
Quel est votre lien exact avec la Turquie ?
Mon père y a grandi mais je n’ai jamais véritablement été à cet endroit-là. J’y ai été en vacances et également lors des stages de pré-saison avec mes équipes précédentes en Allemagne.
Vos prestations attirent en tout cas les convoitises. Serez-vous toujours à l’Union après le mercato hivernal ?
Mon contrat court jusqu’en 2023, mais on ne sait jamais ce qui peut se passer.
Y a-t-il un championnat ou une équipe que vous appréciez particulièrement ?
Non. Honnêtement, je me fous de quel championnat ce sera. Que ce soit l’Angleterre, l’Allemagne ou l’Italie par exemple, je voudrai aller le plus haut possible. Mais surtout, je voudrai aller là où un club me voudra vraiment.
En restant à l’Union, vous avez la possibilité, pourquoi pas, d’être champion de Belgique en fin d’année, au vu de votre première partie de saison tonitruante. Est-ce que vous, les joueurs, vous y pensez ?
Pas vraiment. En fait, on verra surtout où on en sera lors du break (NDLR : après le 26 décembre, jour du dernier match de 2021 avant la petite trêve hivernale). On verra en fonction de l’avance qu’on aura, ou pas, si on peut le faire ou non. D’ici là, il nous reste six matches. Et on pourrait très bien se retrouver cinquième ou sixième à ce moment-là. On essaye avant tout de se concentrer sur chaque adversaire pour aller le plus haut possible.
On a tout de même l’impression que pas grand-chose ne vous perturbe à l’heure actuelle. Qu’est-ce qui, d’après vous, pourrait arrêter l’Union ?
Nous pouvons très bien perdre ce vendredi soir, cela peut arriver. En foot, tout est possible. On peut perdre contre tous les adversaires. Si tu fais deux ou trois erreurs et que ton adversaire est dans un bon jour, alors il l’emporte. Nous, on essaye juste de continuer sur notre lancée.
Dimanche dernier, vous avez inscrit le premier quadruplé de votre carrière. S’agissait-il de votre plus beau moment depuis que vous jouez au foot ?
Non car j’ai deux moments qui restent véritablement ancrés dans ma mémoire. Premièrement, la signature de mon premier contrat pro avec Braunschweig. Et deuxièmement, un doublé que j’ai planté avec Meppen contre Braunschweig car on m’avait jeté dehors de ce dernier club en disant que je n’étais pas assez bon pour l’équipe. Je voulais vraiment leur prouver qu’ils avaient fait le mauvais choix.
Et avec l’Union, quel est votre meilleur souvenir ?
La promotion en D1A et le premier match de la saison contre Anderlecht. Gagner 1-3 au Parc Astrid, pour un retour au plus haut niveau après près d’un demi-siècle, c’était incroyable.
Ce vendredi soir, vous êtes de retour au stade Marien, devant vos supporters donc, pour une rencontre qui ne s’annonce pas aisée face à OHL.
D’autant que Louvain n’a perdu que quatre rencontres et réalisé de nombreux nuls. Mais on sait qu’on aura nos fans dans notre dos et que, comme d’habitude, on fera tout pour leur donner la victoire.
V.M.
En cas de succès face à OHL ce vendredi soir, l’Union aura dix points d’avance sur ses dauphins de Bruges et l’Antwerp qui jouent tous les deux dimanche, respectivement face à Genk et Ostende. De quoi leur mettre une sacrée pression. « Mais on préfère ne pas y penser », réagit Felice Mazzù. « On a déjà souvent joué le dimanche en dernier alors que des équipes nous avaient dépassés. Et on est parvenu à repasser devant eux car on l’avait emporté. On ne se dit vraiment pas qu’on va mettre la pression si on joue le vendredi ou qu’on va se faire rattraper si on joue le dimanche. Car on ne s’en sortirait plus. On va tout simplement continuer à jouer chaque match pour le plaisir et on verra bien à la fin du mois de décembre où nous en serons. »Place dès lors à la réception des Louvanistes, une opposition qui s’annonce costaude pour Felice Mazzù et ses troupes. « Louvain n’a perdu que quatre fois depuis le début de la saison. Or, on a perdu trois fois et Bruges deux fois. Elle fait donc partie des équipes qui s’inclinent le moins dans ce championnat. Cela veut dire qu’elle s’accroche, qu’elle travaille et que, si elle fait des nuls ou perd, ce n’est pas à cause d’un manque de qualité ou de contenu. »Pour cette rencontre, le T1 saint-gillois pourra à nouveau compter sur son effectif au grand complet, mis à part Lynen blessé de longue durée.