L’impact sportif
Selon nos informations, l’Assemblée générale de la Pro League qui s’est tenue lundi a décidé de donner discrètement mandat à sa haute direction pour qu’elle fasse pression dès ce vendredi
sur l’Union belge. Et ce afin que le Parquet fédéral entame une procédure à l’encontre du FC Malines pour match fixing auprès de la Commission de contrôle de la Fédération.
On ne parle pas ici d’une demande de radiation, mais bien d’une procédure en dégradation. Pour résumer la longue législation sur le sujet, un verdict de radiation équivaudrait à une cessation immédiate des activités du KaVé et donc à l’amputation du classement de D1A d’une de ses 16 équipes en cours de saison.
En revanche, le processus de dégradation, pour lequel le règlement fédéral prévoit une réduction de la moitié des délais (tierces interventions, appels, etc.) n’aurait aucun effet immédiat puisqu’il doit être entériné
par l’AG de fin de saison. La justice civile peut venir en appui en fournissant des éléments du dossier d’instruction, mais l’on se souvient que dans l’affaire Yé, le juge d’instruction avait refusé cette aide de peur d’un éventuel vice de forme.
Question timing, à moins d’un lancement de la procédure de rétrogradation avant la mi-janvier, aucun verdict de relégation en D1B ne pourra tomber avant l’AG du 30 juin qui entérine la validité des classements. Autant dire que l’on pourrait se retrouver dans le cas de figure d’un FC Malines relégué après cette date couperet et donc engagé dans la prochaine édition du championnat de D1A, mais dont la sanction ne serait applicable que lors de la saison 2020-21.
D’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts. Qui plus est, avec la collaboration du désormais repenti Dejan Veljkovic avec la justice. Ce qui risque de diviser le football belge en deux factions : les gens qui dorment bien et ceux qui, depuis hier, auront nettement plus de mal à trouver le sommeil.
Il est l’homme central du dossier. Celui qui peut tomber tant pour les matches truqués que pour le blanchiment. En devenant un « repenti », il devient l’élément pivot du dossier du Footbelgate. Portrait de ce discret mais incontournable agent.
Depuis un mois, Dejan Veljkovic, agent serbe de 48 ans, implanté en Belgique depuis sa carrière de modeste joueur d’Alost dans le courant des années 90, est au cœur du scandale du Footbelgate. Tant pour ses magouilles financières que pour la corruption et les matches truqués. Peu médiatique, l’ancien agent de Milan Jovanovic, l’homme qui a placé Mbark Boussoufa à Anzhi ou Sofiane Hanni à Anderlecht, s’est pourtant tissé un réseau de clubs et de clients au fil des années au point de pouvoir faire trembler pas mal de personnages influents en cas de grand déballage. Aujourd’hui,
le microcosme du ballon rond est pendu aux lèvres d’un repenti qui connaît tous les méandres et les coups tordus pour les avoir pratiqués lui-même. Portrait d’un homme capable à la fois de symboliser les vices d’un monde pourri et de porter l’espoir d’un renouveau.
Autant Mogi Bayat s’est servi de la lumière pour faire fructifier ses affaires, autant Dejan Veljkovic est un homme de l’ombre. Ceux, qui tels des Mazarin ou Richelieu, font et défont les intrigues, dans l’arrière-cour des palais, activant leurs réseaux pour mieux contrôler. Autant Mogi avait imposé sa langue, ne parlant pas le néerlandais, pour séduire tout le football belge, autant Veljkovic a préféré se mouler dans la culture néerlandophone, maniant la langue
de Vondel mieux que certains Belges. Les deux hommes faisaient le même métier mais pas de la même façon, même s’ils savaient mélanger mensonge et vérité au point que l’on confonde les deux.
Si Veljkovic n’a pas autant fait la une des journaux dans le sud du pays, c’est parce que son réseau d’action se situait principalement dans le nord. Inactif à Charleroi et Mouscron, peu présent au Standard, Veljkovic régnait par contre en maître dans un premier temps à Alost, au Lierse, à Courtrai puis à Waasland/Beveren, Malines ou Lokeren. Et surtout, il était devenu incontournable dans le commerce des joueurs d’ex-Yougoslavie.
Placer l’entraîneur
et le reste suivra
Comme un maître d’échec, Veljkovic savait placer ses pions. Un par un, sans se presser. Prenez le cas de Malines. Le club semblait être le dernier pour lui plaire : des garde-fous suite au traumatisme de 2002-2003, absence de toute folie et agent maison déjà en place (Walter Mortelmans). Et pourtant, à partir de 2014, Mortelmans a dû composer avec cet agent qui venait de placer Aleksandar Jankovic au poste d’entraîneur. S’ensuivirent la même année Pacovski, Mokulu, Kosanovic, Obradovic. Plus rien ne semblait l’arrêter. Un pion et puis l’autre. Placer l’entraîneur et le reste suivra, telle est la devise de celui qui s’occupa des destinées de Georges Leekens ou Besnik Hasi. Un entraîneur dans un portefeuille, c’est la garantie
de peser sur la politique de transferts d’un club, et donc de multiplier les commissions. Ainsi réfléchissait Dejan Veljkovic.
C’est au Daknam qu’il a noué des liens avec maes et leko
À Malines, certains avaient émis des réserves quant à son influence mais Johan Timmermans, le président, avait fait front. Derrière les casernes, on avait préféré retenir l’argent rapporté par la vente d’Obradovic à Anderlecht pour donner encore davantage de crédit à l’agent serbe. Les nouveaux investisseurs (Olivier Somers et Dieter Penninckx) avaient eu beau directement pointer du doigt l’influence négative de Veljkovic à leur arrivée, il y a deux ans, ils n’en avaient pas moins
fini par ne plus pouvoir s’en passer. Comme tant d’autres avant eux. Car, Malines n’était pas le premier à tomber, si pas sous le charme, tout au moins sous son joug. Lokeren avait déjà succombé il y a quelques années lorsque Veljkovic avait transformé en or les diamants africains que représentaient Aristide Bancé (vendu pour 1,5 million au Metalurg Donestk) et Moussa Maazou (vendu pour 4,8 millions au CSKA) à une époque (2006-2008) où ces sommes n’étaient pas anodines pour les clubs belges corsetés comme l’étaient Malines ou Lokeren. Roger Lambrecht ne l’a jamais oublié, remettant souvent son sort entre ses mains. C’est d’ailleurs de sa période bénie au Daknam que Veljkovic a noué des liens solides avec Peter Maes ou Ivan Leko, deux entraîneurs cités dans le Footbelgate.
« Papa Noël »
qui offrait des cadeaux
Mais plus que par ses plus-values financières, Veljkovic se rendait incontournable par sa présence, sa jovialité et ses nombreux cadeaux. « Papa Noël », comme on le surnommait, ne comptait plus les cadeaux qu’il envoyait tantôt aux clubs, tantôt aux joueurs, tantôt aux journalistes. Du vin ou du champagne en priorité. Mais il ne se limitait pas à cela. Veljkovic se rendait incontournable par sa présence et sa capacité à se couper en quatre pour ses clients. Que ce soit pour loger ou intégrer les joueurs d’ex-Yougoslavie débarqués en Belgique sans famille. Ou pour régler les problèmes du quotidien. Quand
Zvonko Milojevic avait eu son grave accident de voiture le laissant paralysé, Veljkovic n’avait pas hésité à payer de ses propres deniers une voiture faite sur mesure pour l’ancien portier d’Anderlecht. Derrière ses agissements, l’altruisme se confondait sans cesse avec le calcul, Veljkovic sachant très bien mesurer les retours sur investissement. Les écoutes téléphoniques ne l’ont-elles pas prouvé ? Si l’agent serbe s’est donné autant de mal pour Bart Vertenten ou Malines, c’est autant pour pouvoir continuer son juteux business que par pure charité chrétienne.