VINCENT MILLER
Anthony Morris a déjà un fameux parcours derrière lui. Chronica – Yannick Bertrand
Au travers d’un ouvrage intitulé « Le gardien de mes rêves », le capitaine de l’Union a décidé de coucher sur papier son histoire, heureuse et tourmentée à la fois. Pour Sudinfo, il a accepté de revenir sur les moments forts de son livre, et donc de sa vie. next
Anthony Moris, pourquoi avez-vous décidé de raconter votre histoire ? À 33 ans, vous êtes encore jeune pour réaliser une autobiographie…
Au départ, quand on m’a contacté pour écrire ce livre, j’étais dubitatif. Car je n’avais jamais rien gagné comme titre majeur. Ce qui m’a incité à accepter, c’est que je rencontre souvent des gens qui me disent que ma carrière est une source d’inspiration pour eux.
Dans votre ouvrage, vous expliquez que c’est à dix ans que vous rejoignez l’académie du Standard. Votre famille avait alors été confrontée à un dilemme.
On habitait à Habay-la-Neuve, à 120 kilomètres de Liège. La question s’est posée de savoir si on devait déménager en Cité ardente ou pas. Ma mère était pour car elle savait qu’elle n’allait plus beaucoup me voir à cause des trajets. Mon père, lui, était moins partant car, à l’académie, il y avait des évaluations annuelles. Et donc le risque de ne pas être repris l’année suivante. Finalement, on a opté pour faire la navette. Avec mon père qui était directeur d’école, on prenait la route à 16h après les cours. On arrivait au Standard vers 17h30-18h pour l’entraînement. On repartait vers 20h30 et j’étais de retour chez moi à 22h. Autant dire que je ne voyais presque plus les autres membres de ma famille.
À 15 ans, vous décidez finalement de quitter le cocon familial pour l’internat.
C’était un déchirement. Je me souviendrai toujours de mon premier jour là-bas… À 15 ans, tu te retrouves seul, tu dois te débrouiller. Cela te forge le caractère.
Quelques années plus tard, votre abnégation est récompensée. Vous disputez votre premier match professionnel avec le Standard. C’était en 2011 en Coupe de Belgique face à Hoogstraten.
Ce match résume en quelque sorte ma carrière. On avait gagné. J’avais fait plusieurs arrêts mais malheureusement, j’avais commis une bourde et c’est cela qu’on avait retenu de ma prestation. Ma copine était tellement triste pour moi qu’elle avait quitté le stade à la mi-temps. Le lendemain, j’avais mon nom inscrit partout dans les journaux, disant que j’avais fait une erreur. Pour un jeune gardien de 22 ans, ce n’était pas évident à vivre.
Quelques semaines plus tard, vous retrouvez le sourire, réalisant une belle prestation en Coupe d’Europe face au FC Copenhague.
Je me rappelle qu’à l’interview UEFA d’après-match, Peter Schmeichel qui était consultant à la télévision n’avait pas tari d’éloges à mon sujet. Quand je lui ai dit que ce n’était que mon deuxième match professionnel, il n’en croyait pas ses yeux !
En janvier 2014, le Standard vous prête à Saint-Trond. Dans votre livre, vous expliquez avoir eu un entretien lunaire avec le président de l’époque, Roland Duchâtelet.
Alors qu’il était en train de m’expliquer pourquoi je ferais bien d’aller à Saint-Trond, il a sorti sa boîte à tartines et a commencé à manger devant moi ! Hallucinant ! J’ai beaucoup repensé à cette scène et me suis dit après réflexion que c’était le discours et le comportement d’un businessman. C’est pour cette raison que j’aimerais que les jeunes joueurs lisent mon livre, pour qu’ils soient en quelque sorte préparés à ce genre de choses.
Autre moment fort de votre carrière : à la fin de l’été 2014, vous cassez votre contrat avec le Standard. Mais les documents arrivent trop tard sur le bureau de l’Union belge et vous êtes bloqué jusqu’en janvier 2015.
C’était une période très compliquée mais je ne me suis pas laissé aller. J’ai décidé de m’entraîner tout seul pendant quatre mois, sur le terrain communal de Mons-lez-Liège dans la commune de Flémalle où j’habitais. J’arrivais tous les matins à 10h avec mon matériel pour m’entraîner. Je m’étais lié d’amitié avec l’ouvrier communal. Je lui avais demandé à veiller à ce que l’herbe ne soit pas trop haute. J’enchaînais les plongeons tout seul. En parallèle, je m’entraînais deux fois par semaine avec les jeunes gardiens du Standard qui étaient supervisés par Jean-François Lecomte. Imaginez : j’avais 24 ans et je me retrouvais à travailler avec des gars âgés entre 15 et 18 ans…
Le 22 décembre 2014, vous utilisez le terme de « cadeau de Noël » lorsqu’Olivier Renard vous propose un contrat à Malines, où il était directeur sportif. Vous signez, mais sans trop regarder aux conditions…
Je me suis aperçu quelques instants plus tard que je ne gagnerais que 1.000 euros brut par mois, soit 670 euros net… Certes, j’avais reçu une petite indemnité de départ du Standard. Mais ce n’était pas suffisant, sachant qu’on avait contracté un emprunt avec ma compagne Magali. Heureusement qu’elle était là et qu’elle avait un salaire… Mais avec le recul, je n’en veux pas à Olivier Renard. Car pour moi, le plus important était de retrouver un club.
Votre passage à Malines est marqué par deux blessures aux ligaments croisés du genou, à deux ans d’intervalle (en 2015 et 2017). À chaque fois, vous vous retapez en un temps record.
Les deux fois, j’étais à quelques mois de la fin de mon contrat et n’avais donc pas de temps à perdre. Normalement, il faut entre six et neuf mois à un joueur « normal » pour se remettre d’une telle blessure. Quand le docteur Declercq, qui m’a opéré, m’a remis un protocole de revalidation de trois pages, je l’ai déchiré devant lui en lui disant que je n’étais pas un joueur « normal ». Je lui ai dit que je serais de retour dans cinq mois. Il m’a rétorqué que c’était impossible. Cinq mois plus tard, j’étais sur les terrains (sourire).
D’où vous vient ce caractère aussi trempé ?
Je ne sais pas, j’ai toujours été comme cela. J’aime travailler comme un acharné. En fait, au plus c’est dur, au mieux c’est ! J’aime dire que je ne suis heureux que quand je sens le goût du sang dans ma bouche.
En 2018, vous signez à Virton suite à… un pari avec Guillaume François.
Avec Guillaume, on s’était dit que si un de nous deux signait à Virton, l’autre le rejoignait. Un jour, il m’a appelé en me disant qu’il venait me chercher le lendemain pour descendre à Virton. On est parti de Bruxelles. On s’est arrêté chez mes parents à Habay-la-Neuve. On a pris l’apéro et on s’est demandé : « Est-ce qu’on y va vraiment ou bien on remonte ? » On a finalement pris la direction de Luxembourg-Ville pour écouter ce que Flavio Becca avait à nous proposer. Et on a été convaincu par son projet.
À Virton, vous avez rencontré Laurent Deraedt, l’entraîneur des gardiens qui vous aura ensuite suivi à l’Union. Quelle importance a-t-il eue dans votre carrière ?
Le directeur sportif de Virton m’avait dit que c’était quelqu’un de très humain et cela m’a directement parlé. C’est de cela dont j’avais besoin. Laurent m’a toujours beaucoup poussé, me disant qu’on allait tout faire pour que je retrouve la D1A.
En 2022, il décide de quitter l’Union et de suivre Felice Mazzù à Anderlecht. Étiez-vous déçu qu’il ne poursuive pas sa route avec vous ?
Non car c’était une très belle opportunité pour lui. Et on est toujours en très bons contacts. Il travaille maintenant pour la fédération marocaine et vient de remporter la CAN avec les U23.
Au bout de votre première année à Virton, vous êtes sacré champion de Nationale 1 et élu « Soulier Vert », c’est-à-dire meilleur joueur du club gaumais.
C’était un véritable honneur, surtout après tout ce qui m’était arrivé. D’autant que, dans l’équipe, il y avait quand même des gars comme Guillaume François, Raphaël Lecomte ou encore Franck Koré.
En 2020, l’aventure à l’Union débute, mais dans des circonstances plutôt particulières.
En fait, en janvier 2020, OHL avait fait une offre pour moi de 300.000 euros à Virton. Celle-ci avait été refusée par Flavio Becca alors qu’elle lui aurait pourtant permis de renflouer les caisses, et à moi de retrouver la D1A. J’avais eu une bonne discussion avec Vincent Euvrard qui était à l’époque l’entraîneur louvaniste. Au moment du Covid, on n’a plus eu aucune nouvelle de la direction de Virton. Felice Mazzù, le tout nouveau coach de l’Union, m’avait contacté pour me proposer de venir m’entraîner avec lui. Au début, j’ai hésité. Cela paraît un peu bête aujourd’hui mais j’étais méfiant car je suis un Liégeois et il est carolo (sourire). Mais on m’a vite rassuré, m’expliquant que c’était quelqu’un de très humain. Entre-temps, Euvrard a été viré d’OHL et remplacé par Marc Brys. À partir de ce moment-là, je savais que je n’aurais plus aucune chance de jouer là-bas. J’ai contacté mon agent et me suis finalement engagé avec l’Union.
À votre arrivée, vous avez dû faire oublier Adrien Saussez, un gardien qui était à l’époque très apprécié par les fans de l’Union…
Laurent Deraedt m’avait dit qu’il y avait eu du remous sur les réseaux sociaux par rapport à cela mais je préférais ne pas aller voir ce qu’il s’y disait. Moi, je voulais juste prouver mes qualités aux supporters. J’ai même dit à Laurent que j’étais prêt à jouer avec le maillot d’Adrien s’il le fallait (sourire).
Trois ans plus tard, vous faites l’unanimité à Saint-Gilles et vous êtes le capitaine de l’Union. Qu’est-ce que ce brassard représente pour vous ?
Une fierté évidemment. Mais en réalité, je pense qu’à l’Union, tout le monde pourrait endosser le rôle de capitaine, tellement ce groupe s’autogère. Pour ma part, mes discours d’avant-match sont surtout basés sur le mental, ce qui a toujours été ma grande force.
Comment voyez-vous votre après-carrière ?
En fait, je ne veux pas trop y penser pour le moment. Mais ce qui est certain, c’est que je ne serai ni entraîneur principal, ni coach des gardiens. Car les horaires sont trop contraignants. Je me vois toutefois rester dans le monde du football, et pourquoi pas œuvrer à la prévention pour les jeunes joueurs en compagnie de mon agence actuelle.
Le livre « Le gardien de mes rêves », écrit sous la plume du journaliste sportif Eric de Boer, est disponible aux éditions Chronica. Des séances de dédicaces en présence d’Anthony Moris sont prévues ce jeudi 23 novembre de 16h à 18h au magasin « Club » de Drogenbos et le mercredi 6 décembre de 16h15 à 17h30 au « Club » de Hognoul.
Avec sa femme, Magali.Newsprev
Dans votre livre, vous évoquez à de nombreuses reprises votre femme Magali. Quel rôle a-t-elle joué dans votre carrière ?
On s’est rencontré à l’école à 16 ans. Elle a donc tout connu avec moi et m’a toujours soutenu. Elle a fait de nombreux sacrifices pour moi. Elle a notamment accepté de m’accompagner à Virton alors qu’elle ne s’y plaisait pas beaucoup, préférant les plus grandes villes. Elle a également accepté à un certain moment de venir vivre à Malines, alors qu’elle travaillait à Liège. Et donc de faire les allers-retours tous les jours. Après ma carrière, j’aimerais lui rendre la pareille.
Vos enfants Louiza et Romeo tiennent aussi une place particulière dans votre livre.
J’aimerais qu’un jour ils lisent mon livre. Et également qu’ils comprennent que le métier de papa n’est pas plus important que celui de maman, même s’ils me voient à la télé. Au passage, j’aimerais remercier les supporters de l’Union. Grâce à eux, ma petite fille peut toujours venir en sécurité au stade Marien. Je me rappelle de la première fois où elle était venue me voir, c’était au Standard. Comme dans nombre d’autres stades, je me faisais insulter à chaque dégagement. De retour à la maison, elle m’avait posé beaucoup de questions, cela m’avait fort marqué. Au Parc Duden, ce n’est pas comme cela et j’en suis reconnaissant aux fans. Cela permet à Louiza de venir courir en toute insouciance sur le terrain après la rencontre. Ce qui est son moment préféré (sourire).