Anthony Moris revient dans “Le gardien de mes rêves”
sur sa carrière plus que mouvementée.
A
nthony Moris vit des heures
joyeuses du côté de l’Union.
En tête de Pro League et bien
parti pour jouer l’Europe au chaud,
le Luxembourgeois est au sommet
de son art. Avant cela, il a connu les
galères entre le chômage, les rup-
tures de contrat, les blessures aux
ligaments croisés et la perte du ti-
tre. À 33 ans, il a décidé de se racon-
ter dans un livre, “Le gardien de
mes rêves”, publié aux Éditions
Chronica. Morceaux choisis.
SON ARRIVÉE
AU STANDARD
“J’ai été contacté par le Standard en
décembre 2000. Mon papa m’a dit
que j’étais invité à faire un test. J’ai
fondu en larmes mais pas de joie…
Comme j’allais souvent à Anderlecht
avec mon frère, j’étais devenu suppor-
ter des Bruxellois et je ne me voyais
pas jouer ailleurs qu’au Sporting.
Mon papa tombait des nues. Je suis
quand même allé faire un test contre
Genk où j’ai livré une très belle presta-
tion qui m’a permis d’intégrer directe-
ment les équipes de jeunes du Stan-
dard. Je me suis retrouvé en U11 avec
Chadli, Witsel et Carcela.”
SON DÉPART EN PRÊT
À SAINT-TROND
“Je me souviendrai toujours du mo-
ment où Roland Duchâtelet m’a con-
voqué dans son bureau. Alors qu’il
était occupé à m’expliquer pourquoi
je ferais bien de quitter le Standard
pour aller à Saint-Trond, il a sorti sa
boîte à tartines et a commencé à
manger devant moi ! Je n’en revenais
pas que le président du Standard
m’impose un tel spectacle. Le plus hal-
lucinant, c’est quand il m’a dit qu’il
avait réfléchi pour moi : “En D2, les
attaquants sont moins forts, ils ti-
rent moins fort et sont moins pré-
cis, tu auras donc plus de chances
d’arrêter les ballons et de te mettre
à nouveau en évidence.” Comme
quoi, un grand businessman n’est pas
forcément un grand président de
club.”
LA FIN
DE SON AVENTURE
AU STANDARD
“À mon retour de prêt, il n’y avait
plus de place pour moi à Sclessin.
Nous avons cassé le contrat avec le
Standard mais les papiers étaient ar-
rivés trop tard à l’Union belge. Consé-
quence ? J’étais toujours sous licence
avec le Standard et je ne pouvais donc
pas signer dans un autre club avant
janvier 2015 ! Du fait que je toucherais
une indemnité, je n’avais droit à
aucune allocation de chômage. Cha-
que matin, je me levais tôt et, après
mon petit-déjeuner, j’allais m’entraî-
ner… seul. Je me souviens être allé
chez mon frère, vendeur, entre autres,
de vêtements de sport, pour acheter
une échelle, des haies et des plots.
Tous les matins, à dix heures, j’arri-
vais sur le terrain communal avec
tout mon matériel pour m’entraîner.
Je courais, je plongeais comme si
j’étais gardien.”
SON DÉPART À MALINES
“Le 22 décembre, alors que je m’en-
traînais sous la neige, mon téléphone
a sonné ; je l’avais toujours sur moi
car je l’utilisais comme chro-
nomètre. Sur l’écran, le nom d’Olivier
Renard est apparu : Malines s’intéres-
sait à moi. Comme il neigeait, j’avais
déjà du mal à parler mais avec les lar-
mes au bord des yeux, c’était encore
plus compliqué. C’était comme le mi-
racle de Noël ! Je suis allé signer mon
contrat et, sur le chemin du retour, je
me suis retourné vers ma femme et
j’ai vu son visage livide face à mon
contrat. Elle m’a montré la somme in-
diquée : 1 000 euros brut mensuels ! Je
me suis quand même demandé com-
ment on ferait avec 670 euros net…”
SES BLESSURES
AUX LIGAMENTS CROISÉS
“En avril 2015, face à Genk, je fais
un arrêt et, au moment de poser mon
pied par terre, j’ai ressenti comme
une décharge dans mon genou,
comme un coup de poignard. Le sa-
medi, je suis allé dans le bureau du
docteur Declercq qui m’a expliqué
qu’il me manquait un bout du liga-
ment antérieur. Pour un footballeur,
c’est la plus grave des blessures ; il
faut compter entre six et neuf mois.
Après l’opération, il y a eu la rééduca-
tion. J’étais obnubilé par cette réédu-
cation, à tel point que si j’allais aux
toilettes la nuit, j’en profitais pour
faire quinze à vingt flexions pour tra-
vailler mon quadriceps. Deux ans plus
tard, durant un match avec le Luxem-
bourg face à la France, j’ai eu un duel
avec Griezmann. En retombant, j’ai
pivoté mon pied droit vers la droite et
en touchant le sol, j’ai senti une tor-
sion dans le genou. Le verdict est
tombé comme un couperet le lende-
main : ligament croisé du genou droit,
quasiment à la même période que le
gauche deux ans auparavant.”
SA PREMIÈRE SAISON
AVEC L’UNION EN D1A
“On a profité de notre euphorie de
la montée, du retour en D1A, de la fraî-
cheur aussi, tant physique que men-
tale, car pour beaucoup, l’élite était
une découverte. Il régnait une forme
d’excitation. Par-dessus tout, nous
nous sommes tous pris au jeu au fil
des victoires. […] Malheureusement,
nous ne sommes pas parvenus à met-
tre la cerise sur le gâteau en fin de sai-
son : Bruges a pu compter sur Migno-
let au bon moment et, de notre côté, il
nous a manqué de petits détails pour
boucler victorieusement un parcours
qui fut malgré tout exceptionnel. Au
terme d’un dernier match perdu con-
tre l’Antwerp chez nous, je n’ai pas
goûté la fête organisée à sa juste va-
leur. La perte du titre m’était allée
loin. Les jours qui ont suivi la fin du
championnat, j’ai été invivable, irasci-
ble. Ça a duré une dizaine de jours. Je
me suis par la suite excusé auprès de
ma femme et de ma fille.”
LE DÉPART DE MAZZÙ
“Avant la petite fête organisée par
le club au terme du match contre l’An-
twerp, Felice Mazzù nous a mis dans
la confidence Teddy Teuma et moi : un
club s’intéressait à lui. Il n’a pas fallu
réfléchir longtemps pour nous rendre
compte que l’intérêt venait d’Ander-
lecht et cela, sans qu’il ne cite le nom.
On sentait qu’il cherchait un avis ou
un assentiment de la part des joueurs
sur la manière d’envisager cette pers-
pective ou sur la décision à prendre.
Je lui ai tout de suite dit que quel que
soit son choix, il prendrait la bonne
décision. À l’annonce du passage de
Mazzù à Anderlecht, la presse lui
avait fait emmener dans ses bagages
des joueurs cadres de son noyau tels
Teuma, Vanzeir, moi ou encore Ma-
chida. Le raccourci était vite fait mais
jamais il n’avait été question de cela.
Et lui ne l’a jamais envisagé non
plus !”
LE TITRE PERDU
FACE À BRUGES
“Le dimanche 4 juin 2023, au terme
de deux saisons extraordinaires, nous
pouvions offrir ce douzième titre de
champion à l’Union. Nous menions
1-0 contre Bruges jusqu’à cette 89e
mi-
nute où Lang, sur son flanc, n’était
pas arrêté, lui permettant de centrer
parfaitement pour un coéquipier dont
la remise de la tête dans les six mètres
trouvait Homma. À ce moment du
match, le ciel nous est tombé sur la
tête. Ensuite, à 1-2, j’ai vu, au-dessus
de notre stade, l’hélicoptère de la Pro
League, à bord duquel se trouvait la
coupe du champion, faire demi-tour
et prendre la direction de Genk. Je
n’oublierai jamais cette image. J’avais
compris qu’une fois de plus, le rêve
s’envolait. J’ai mis longtemps à m’en
remettre. Pendant une semaine, je me
suis totalement coupé du monde, je
ne voulais pas entendre sans cesse les
messages de soutien des gens, pro-
ches ou moins proches. Il n’a manqué
au groupe qu’un ingrédient, essentiel,
pour réussir le plat : l’expérience de ce
genre de moment crucial.”