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“On pouvait difficilement faire pire niveau timing”
“On pouvait difficilement faire pire niveau timing”

Le démon de midi, mais version foot. Il y a deux ans, Thibault Peyre quittait l’Union pour les bras plus ambitieux du KV Malines. Une rupture mouvementée et un come-back attendu ce week-end dans les travées du Parc Duden.

"On pouvait difficilement faire pire niveau timing"

Thibault Peyre était impatient. Excité, aussi. Ennuyé par un pépin au tendon d’Achille depuis plusieurs semaines, il a enfin fêté son retour dans le onze de Wouter Vrancken dimanche dernier contre Genk. Et le Français espère maintenant disputer son premier match à l’extérieur depuis la fin du mois d’août dans l’antre de son ancien club, l’Union. Parce qu’il a de bons souvenirs de ses duels musclés de l’aller avec Deniz Undav, mais surtout pour se frotter à la réalité d’un transfert réalisé dans l’urgence de la fin du mercato de janvier 2019 dans un drôle de contexte. Tout juste éliminé en demi-finale de la Coupe de Belgique par Malines après avoir été exclu au match aller, le taulier de la défense de Luka Elsner avec l’Union signera dans la foulée pour le bourreau de la veille. De quoi s’offrir une fin de saison pleine de bulles, mais une réputation d’opportuniste patenté. Que Thibault Peyre a décidé d’assumer.

Trois semaines après avoir signé à Malines, on joue contre l’Union et on prend 0-5. Je fais un match horrible. Comme si le destin avait voulu me donner une leçon.” Thibault Peyre

Tu te souviens du moment précis où tu as été mis au courant de l’intérêt de Malines?

THIBAULT PEYRE: Je vais être franc avec vous, et c’est quelque chose que je n’ai pas trop dit à l’époque parce que de toute façon, j’étais sûr qu’on ne me croirait pas, mais mon agent était au courant depuis le début du mercato de janvier de l’intérêt de Malines. Mais mon agent savait aussi que Malines devait nous affronter en demi-finale de la Coupe de Belgique fin janvier. Donc il ne m’a rien dit. Ça, je peux le jurer sur ce que j’ai de plus cher. Si on m’avait proposé un contrat juste avant le match, on aurait pu parler de tentative de corruption ou quelque chose comme ça, mais là, rien de tout ça. Mieux, malgré le fait que je prenne ce carton rouge lors de l’aller le 23 janvier et que je sois de facto suspendu pour le retour du 29, je peux vous jurer que je ne suis toujours au courant de rien au moment de m’asseoir dans les tribunes du Parc Duden pour le match retour. Et je peux d’ailleurs vous dire que j’étais bien dégoûté de notre élimination.

Mais du coup, quand est-ce que ton agent se manifeste pour la première fois?

PEYRE: Le problème, c’est que quand je m’endors ce soir-là, c’est avec le sentiment que ma saison est finie. On n’avait déjà plus beaucoup de chances de remporter la deuxième tranche et donc de jouer la finale contre Malines, et on risquait forcément finir le championnat en roue libre. Contrarié par ça, je me souviens de me réveiller super tôt le lendemain matin et d’appeler moi-même mon agent. C’est là qu’il me dit qu’il doit justement me parler de quelque chose. Et qu’il me demande si je veux aller à Malines. Je ne vais pas vous mentir, j’ai dit oui directement. En vrai, j’avais pensé toute la nuit à 9.999 scénarios possibles, mais jamais à celui-là. Pourtant, la première des choses que j’ai dit à mon agent, c’est un grand oui. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque: Malines, c’est bien au-dessus de l’Union à cet instant précis. Dans la structure, dans le financier, dans les ambitions surtout.

“Personne ne se doutait que je partais à Malines”

On imagine que le gros frein qui existe à l’époque, ça reste la situation extra-sportive de Malines et la menace qui pèse sur une rétrogradation de fait en D1 Amateurs du club en fin de saison?

PEYRE: Ça a été, en effet, le sujet le plus discuté au moment de peaufiner mon contrat. Mon salaire, c’était réglé en dix minutes. Avec l’Union, pareil. Ce qui a fait traîner les choses, c’était les pourcentages en cas de montée et une clause me permettant d’être libre en fin de saison si le club était rétrogradé en D1 Amateurs. Pour mon agent et moi, c’était indispensable. Si elle n’y figurait pas, je n’y allais pas. Mais à partir du moment où ça a été entériné, je n’avais pas l’impression de prendre un risque démesuré. Surtout que Malines semblait hyper serein par rapport à la situation du club.

Comment ça se passe à l’époque avec la direction de l’Union?

PEYRE: Le 31 janvier au matin, j’étais convoqué dans le bureau de Luka Elsner et d’Alex Hayes, alors directeur sportif à l’Union. Ils me disent: “Thibault, est-ce que tu veux y aller?” Là encore, j’ai dit oui sans hésiter, malgré le fait que je me plaisais super bien à l’Union, que je m’y sentais comme à la maison. Mais je voyais bien que ça ne les contrariait pas plus que ça non plus. Ils ne m’ont pas fait de contre-offre en tout cas. Par contre, je me souviens bien des mots d’Alex Hayes me disant qu’ils allaient me laisser partir, mais qu’il allait falloir que je travaille ma communication dans les jours à venir parce que ça risquait de mal passer.

Thibault Peyre: "Ma compagne a vu des gens qu'elle connaissait, qu'elle croisait au Parc Duden me qualifier de traître, de Judas.", BELGAIMAGE - JAMES ARTHUR

Thibault Peyre: “Ma compagne a vu des gens qu’elle connaissait, qu’elle croisait au Parc Duden me qualifier de traître, de Judas.” © BELGAIMAGE – JAMES ARTHUR

Le plus délicat dans ces cas-là, c’est d’annoncer la nouvelle à ses coéquipiers. Comment ceux-ci ont-ils réagi?

PEYRE: On pouvait difficilement faire pire dans le timing, mais il n’y avait pas le choix. Du coup, le 31 au matin, en sortant du bureau, je dis à Luka Elsner, avec qui j’avais une super relation, que je ne vais pas m’entraîner vu que je suis censé signer mon contrat en après-midi avec Malines. Forcément, ça a éveillé les soupçons. Je me rappelle encore de Mathias Fixelles qui me dit: “Thibault, comme je te vois, tu nous prépares quelque chose de louche”. En gros, les gars avaient compris que je partais, ils en étaient maintenant à miser sur le club dans lequel j’allais signer. Mais personne ne se doutait que c’était à Malines, évidemment. C’était horrible, parce que c’était mes potes, mais je ne pouvais rien dire tant que ce n’était pas fait. Kevin Kis, c’est un ami, un vrai, mais même avec lui, je me devais de garder ma langue. Le pire, c’est que comme l’Union s’entraîne à Lierre, Malines, c’est vraiment à deux pas. En cinq minutes, j’étais de l’autre côté à passer ma visite médicale. Je suis resté à Malines jusque 22h30, mais quand l’info est finalement sortie, ça a été un déferlement. Une bombe.

Il faut se remettre dans le contexte de l’époque: Malines, c’est bien au-dessus de l’Union à cet instant précis.” Thibault Peyre

Comment tu as géré?

PEYRE: Ma compagne a passé plus de temps que moi à lire les commentaires sur les réseaux sociaux. Ce qui l’ennuyait, c’était de voir des gens qu’elle connaissait, qu’elle croisait au Parc Duden me qualifier de traître, de Judas. Je lui disais d’arrêter de lire ça, mais évidemment que ça fait mal quand même. Reste que le 1er février, je tenais absolument à aller voir les gars pour leur expliquer. L’accueil a été sympa, mais j’ai vite compris que la pilule ne passait pas aussi bien pour tout le monde. Pour vous dire, cette année-là, on avait négocié une prime globale pour l’ensemble de notre parcours en Coupe de Belgique. C’est-à-dire qu’on recevait tout d’un coup au moment de l’élimination au pro rata des matches joués. Eh bien, j’ai su par après que certains, parmi lesquels des copains à moi, avaient milité pour que je ne touche pas ma part alors que je faisais partie intégrante de l’aventure et que j’avais joué tous les matches.

“Gagner une Coupe, pour un joueur comme moi, c’est exceptionnel!”

Tu n’as jamais eu à regretter ton transfert?

PEYRE: Trois semaines après avoir signé, on joue l’Union chez nous et on prend 0-5. C’était 0-2 après huit minutes de jeu. Et quand je dis que je fais un match horrible, je pèse mes mots. C’est comme si le destin avait voulu me donner une leçon. Parce qu’autant je suis mauvais, mais eux font un match incroyable. Ils avaient la haine. Je vois encore Roman Ferber mettre une frappe pleine lucarne des vingt mètres. Ils n’avaient plus rien à jouer, mais ils voulaient me punir. Honnêtement, ce soir-là, si j’avais pu passer dans un tunnel et arriver directement à ma voiture, je l’aurais fait. J’avais tellement honte et c’était si dur à avaler comme sentiment. J’imaginais mes potes se moquer de moi, se payer ma tête, j’avais envie de disparaître. En plus, le Beerschot avait joué avant nous et avait perdu. Ce n’est jamais une bonne idée de regarder son opposant direct avant un match. On était arrivés sur le terrain en se disant qu’on n’avait plus qu’à… Bon ben voilà, on a pris une gifle.

Clause ou pas clause, la suite, c’est cet été agité et cette incertitude latente sur la situation du club. Ça non plus, ça ne devait pas être simple à gérer émotionnellement…

PEYRE: Je peux vous dire qu’au moment de la fête qui a suivi le titre en D1B, je ne voyais pas grand-monde douter. Tout le monde était en feu. C’est là que j’ai découvert l’âme festive qu’il y avait dans ce club. Et puis, je me souviens qu’à l’époque, on disait qu’au pire, vu le titre, notre sanction ce serait de rester en D1B et pas de descendre jusqu’en D1 Amateurs. Et sans mentir, j’aurais signé des deux mains pour un tel scénario. Parce que je n’aurais pas tant perdu au change et que j’avais quand même gagné une Coupe de Belgique entre-temps. Ce que je veux dire, c’est que gagner une Coupe, pour un joueur comme moi, c’est exceptionnel. Par rapport à ce que je vois à la télé, à des équipes comme Dortmund ou le PSG, je ne suis personne, mais j’ai aussi un palmarès, désormais. Mais bref, quand on a appris, au milieu de notre stage de préparation, qu’on montait “pour de vrai”, ça a été une fête mémorable. On était aux Pays-Bas, au coeur de notre préparation physique et en pleine sieste quand l’info est sortie. D’un coup, on s’est tous retrouvés en caleçon dans les couloirs à se tomber dans les bras et à chanter des chansons. L’entraînement de l’après-midi a été annulé et dix minutes plus tard, on était tous au café. Et le soir même, le président nous a tous invités au resto. C’est un club incroyable pour ça, Malines. 

“L’Union, ça ne sera pas un feu de paille”

Tu es surpris de l’évolution de l’Union sur ces deux dernières années?

THIBAULT PEYRE: Aujourd’hui, il y a beaucoup de joueurs de D1A qui rêveraient de signer à l’Union. C’est devenu le club en vogue, sexy, avec des moyens, de supers installations et un stade mythique qui est plein chaque semaine. Ça, je ne pouvais pas m’y attendre. Sportivement, c’est différent. Parce que si tu as vingt points d’avance en D1B dans un championnat réputé difficile, ce n’est pas anodin. Je ne suis donc pas surpris du niveau sportif affiché. L’an dernier, le Beerschot, ça sentait le feu de paille. Même chose pour OHL. Et puis, je n’ai jamais eu Felice Mazzù, mais tout le monde me dit que c’est un coach pour moi. Le genre de gars pour lequel tu es prêt à te défoncer. Il a cette manière de gérer un groupe qui me correspond bien, je crois. Et ça se voit avec certains. Damien Marcq, par exemple, c’est un bon joueur, mais c’est typiquement le genre de profils qui se sublime avec un coach comme Mazzù.

Est-ce que tu avais tout de suite perçu l’ambition des nouveaux propriétaires à leur arrivée?

PEYRE: Quand les Anglais sont arrivés, on en rigolait un peu dans le vestiaire. Mais très vite, on a compris que ce n’était pas des gens qui venaient juste pour faire de l’argent parce que la Belgique est un bon tremplin pour des jeunes joueurs. Non, là, dans tout ce qu’il se passait autour du club, on voyait qu’ils étaient en train de le programmer pour le haut niveau. Mais je pense que ce serait pareil si demain le RWDM remontait en D1. Ce sont des clubs avec une tradition, un bel écrin, une bonne situation géographique, c’est du pain bénit pour des investisseurs.

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