GUILLAUME RAEDTSLe médian a inscrit son premier but chez les pros le week-end dernier à Genk.PhotoNewsAyant grandi à Molenbeek et ayant été formé en grande partie à Anderlecht où il évolue depuis les U11, Anouar Ait El Hadj est un Bruxellois pur souche. Portrait d’un gamin prêt à endosser les responsabilités de numéro dix au RSCA. next
Dimanche soir, effervescence inhabituelle dans la communauté des taxis bruxellois. Quelques minutes après qu’il ait « tué les filets » de Vukovic comme il l’a lui-même déclaré en interview, la vidéo du premier but chez les professionnels d’Anouar Ait El Hadj fait déjà le tour de toutes les conversations « whatsapp » des chauffeurs. Un membre de sa famille y travaille et n’est évidemment pas peu fier de montrer les prouesses du gamin de Molenbeek devenu porte-étendard du Sporting d’Anderlecht dont il a fait le « A » en guise de célébration. Des quartiers molenbeekois au bord du canal au centre d’entraînement de Neerpede, on ne manque pas une miette de l’avènement du nouveau numéro dix des Mauves. D’un gamin qui a en lui cette « magic touch » qui rappelle les exploits de Mbark Boussoufa et de Matias Suarez aux nostalgiques de la belle époque. Mais qui sont avant tout un éloge de chaque instant à Lionel Messi. L’idole absolue du numéro 46 du Sporting qui a tapissé les murs de sa chambre à la gloire de la star argentine. Une pièce dans le nid familial que le joueur de 18 ans occupe toujours.Elle se situe à quelques encablures du Parc Pierron qui abrite une agora défraîchie coincée entre des barres d’immeubles et un musée d’arts modernes bâti il y a peu dans un quartier en plein renouveau. Là-bas, Ait El Hadj a passé des heures et des heures avec ses potes et les autres jeunes du quartier à peaufiner ses gestes techniques. Jeudi soir, c’est dans un autre parc, le « Duden », fief de l’Union Saint-Gilloise, que le milieu offensif espère poursuivre sur sa lancée sous la houlette de Vincent Kompany. Dans un huitième de finale de Coupe de Belgique aux accents bruxellois dont il est l’un des garants côté mauve. Une capitale où il s’est construit entre Molenbeek et Anderlecht. Entre la famille, les amis et le ballon rond. Un destin forgé non pas par un accident mais par des accidents. « J’ai inscrit Anouar dans un club du coin parce qu’il cassait trop de vases et de lampes dans la maison », se souvient Idriss, père dévoué et prêt à tous les sacrifices pour épauler son fils. « Rapidement, on m’a dit qu’il était trop talentueux pour ce petit club et qu’il devait tenter sa chance dans un plus grand. Le Brussels est alors arrivé. »« On ne devait plus marquer, coach »La première marche dans sa formation. Il y passera quatre saisons en compagnie d’un certain Killian Sardella, également dans le noyau anderlechtois. À un âge où on est encore loin de trancher si ces gamins iront ou non jusqu’au bout de leur rêve. Ses facilités techniques éclatent déjà au grand jour – Marc Degryse lui glissera qu’il est un sacré footballeur – tout comme ses qualités humaines et sa bonne éducation si chère à ses parents. « Son écoute est son meilleur atout », estime Jacques Morjau, son coach à Molenbeek, se souvenant d’une anecdote savoureuse sur le sujet. Un jour, on affrontait une équipe hennuyère dont les joueurs étaient un an plus vieux. À la mi-temps, le score était de 16-1 en notre faveur. Je craignais qu’en continuant sur ce tempo, on inscrive trente buts. J’ai demandé à mes joueurs de conserver le ballon. J’ai dit à Killian Sardella, qui jouait en défense, d’uniquement faire une passe quand tous les autres joueurs étaient en mouvement. Durant la deuxième mi-temps, Ait El Hadj s’est retrouvé seul face au gardien. Au lieu de marquer, il a rendu le ballon à Sardella. Il s’est tourné vers moi en disant : « Vous nous avez dit qu’on ne devait plus marquer. »L’une de ses histoires qui rend son père encore plus fier que lorsqu’Anouar a signé son premier contrat professionnel en mai 2018 en même temps que dix autres jeunes comme Doku ou Verschaeren grâce au duo Coucke-Devroe. « Le plus important pour moi, c’est qu’on me dise qu’Anouar est bien éduqué », martèle le paternel qui peut être rassuré de ce point de vue-là. « C’est un garçon très calme et très réservé », souligne Stéphane Stassin qui l’a côtoyé plusieurs années du côté de Neerpede. La preuve, c’est qu’on ne connaît pas trop ses parents. Cela montre que c’est un bon gars et qu’il n’y a jamais eu de réunion de crise avec ses parents qui ont toujours fait confiance à l’institution anderlechtoise. » Un environnement où Anouar Ait El Hadj s’épanouit depuis son arrivée en U11 mais pas en provenance directe du stade Edmond Machtens. Entre les deux clubs bruxellois, le milieu offensif a fait un détour par Gand. Une saison durant laquelle son père n’a compté ni ses heures, ni ses kilomètres profitant des séances d’entraînement du fils pour faire tourner sa concession de voitures. Une société dans laquelle Anouar Ait El Hadj aurait sans doute entamé sa vie professionnelle s’il n’avait pas percé dans le monde du football. Une possibilité restée ancrée dans tous les esprits de la famille Ait El Hadj.à 15 ans, il a repoussé TottenhamParce que, malgré des qualités techniques et de dribbles largement au-dessus des standards du RSCA où la barre est généralement placée haut et un appel du pied de Tottenham poliment refusé lorsqu’il avait 15 ans, sa formation n’a pas été un long fleuve tranquille du côté de Neerpede malgré un statut de « joueur phénoménal » selon les dires de Jean Kindermans. Notamment en raison de ses caractéristiques physiques – pas son moteur exceptionnel mais bien son gabarit et sa capacité à survivre dans les duels – qui ont souvent fait débat parmi les coaches de jeunes. « C’est vrai que certains jeunes sont frêles et sont en difficulté face à des grands mais ce n’était pas le cas d’Anouar qui était toujours été bien sur ses appuis », assure Stassin. D’autres voix dans le cercle bruxellois avancent tout de même que ce n’était pas aussi simple que ça pour le « petit Anouar » qui a parfois pâti de son physique à certains moments de sa formation. L’exemple le plus parlant se déroule lors de son passage chez les U18. « Je me souviens qu’il a vécu des mois compliqués à ce moment-là car il a subitement découvert un football d’adultes », nous avait indiqué Mo Ouahbi en ce début du mois de janvier.Le déclic à AmsterdamToujours guidé par l’idée que son idole, Messi, avait subi les mêmes préjugés et encouragé par des cercles familial et amical toujours à ses côtés, Anouar Ait El Hadj n’a jamais baissé les bras dans sa quête. Avec un moment clé : la « Future Cup » disputée à Amsterdam en avril 2019. Un tournoi de renommée internationale où le numéro dix bruxellois marche sur l’eau. Si Anderlecht se classe troisième, il le doit à Ait El Hadj. Il est désigné meilleur joueur de la compétition et s’inscrit dans une lignée prestigieuse où on retrouve Dennis Praet (2011), Matthijs de Ligt (Ajax/2015) ou encore Riqui Puig (FC Barcelone/2016). Plus étonnant pour un garçon plus amoureux du beau geste que d’un but marqué, il termine meilleur artificier faisant preuve d’une rare efficacité dans son chef. « C’était le grand reproche qu’on lui faisait et il l’a gommé à Amsterdam », se remémore encore Stéphane Stassin. « Il avait tellement la classe avec le ballon qu’il compliquait toujours son jeu. Il cherchait le beau geste plutôt que l’efficacité. Il pouvait dribbler le gardien et, au lieu de marquer simplement, tenter une double talonnade et rater un but tout fait. Sans doute que c’était un héritage du football de son quartier où le petit pont a plus de valeur qu’un but. Toujours est-il qu’il a déjà gommé cela chez les professionnels. »Un groupe pro dans lequel il s’est installé après, là aussi, des moments de doute. Quelques mois après ses exploits amstellodamois, Ait El Hadj fait la préparation avec le noyau A rehaussé par le come-back de Vincent Kompany. Il monte même au jeu lors de la première journée de championnat 2019-20 face à Ostende. Il y aura une deuxième participation puis plus rien et seulement 27 minutes de jeu. Lors du présent exercice, l’histoire semble se répéter avec un long tunnel en octobre et novembre sans la moindre minute de jeu, ni de véritables explications de Vincent Kompany. À l’instar de son parcours chez les jeunes du Sporting, le Molenbeekois ne se plaint pas et poursuit le travail convaincu que son heure viendra tôt ou tard dans un club où il est déterminé à se faire les dents pendant encore quelques années. Son compteur but a en tout cas été lancé à Genk. Avec style évidemment. Il ne faudrait pas se faire chambrer par les copains du Parc Pierron.