Le directeur sportif irlandais de l’Union Saint-Gilloise,
Chris O’Loughlin, détaille la manière dont il travaille
pour découvrir des joueurs méconnus.
Une dizaine de vareuses aux
murs ; quelques cadres à l’ef-
figie d’un Maradona qu’il
adore ; deux tableaux blancs
pour “brainstormer” ; un ballon qu’il
triture de temps en temps en souvenir
de l’époque où il jouait en Irlande et
un ordinateur portable qui tourne à
plein régime : le bureau de Chris
O’Loughlin au centre d’entraînement
unioniste de Lierre ressemble à celui
que vous imaginez pour un directeur
sportif. On s’est assis face à celui qui a
bâti la meilleure équipe belge des 18
derniers mois. Et même s’il n’aime pas
ramener la couverture à lui ni être ap-
pelé “l’architecte de l’équipe”, on l’a
poussé à en dire un peu plus sur ce re-
crutement à succès que tant de
monde lui envie.
Chris, l’Union est la seule équipe
de Belgique encore en lice sur trois
tableaux. Rares sont ceux qui s’atten-
daient à une telle année de confirmation.
“Il y a beaucoup de cas de petites
équipes pour qui la deuxième année est
compliquée. En interne, on avait con-
fiance en notre capacité à proposer
quelque chose de solide. Nous ne sa-
vions pas qu’on serait toujours en lice
sur trois tableaux évidemment. Tout cela
est nouveau pour le club, pour moi, pour
Karel Geraerts. L’équipe allait-elle réus-
sir à gérer l’enchaînement Europe-cham-
pionnat ? Nous savions que nous avions
créé une culture assez solide pour réus-
sir cette transition.”
Et c’est souvent là que beaucoup
d’énergie se perd, pour les équipes
européennes. Pas pour l’Union.
“Plusieurs choses y ont contribué.
Notre identité forte, d’abord. Nous avons
bâti un environnement d’excellence où
tout le monde veut grandir. Nous avons
bien conscience du fait qu’un joueur a
des aspirations pour aller plus haut.
Mais on veut être sûr d’avoir des joueurs
qui donneront tout pour le maillot de
l’Union. Chaque année, on réalise des
ateliers sur notre culture pour pousser
plus loin nos valeurs. Et le staff soutient
ces idées. C’est le deuxième point : on a
un très bon staff, où tout le monde
excelle dans ce qu’il fait.”
De l’extérieur, voir partir Nielsen, Undav
et Mitoma suscitait des craintes.
“C’est le dernier point : avec Alex
Muzio et Philippe Bormans, nous
n’avons jamais paniqué. On n’a jamais
arrêté de travailler à chercher les
joueurs adéquats tactiquement et tech-
niquement, mais aussi pour se fondre
dans cette culture. Je comprends que les
gens se posaient des questions puis-
qu’on n’avait jamais connu une telle
situation. Mais déjà à l’automne 2021
nous cherchions les profils dont nous
aurions besoin. Parfois, on ne peut pas
conclure un transfert quand on veut
comme pour Victor Boniface qui devait
jouer les préliminaires de Ligue des
champions avec Bodo/Glimt. Mais nous
n’allions pas recruter un autre attaquant
juste parce qu’il ne pourrait pas jouer
contre les Rangers. Nous avons préféré
attendre et prendre la bonne personne.”
Expliquez-nous comment vous parvenez
à recruter des joueurs comme à peu près
personne ne sait le faire, alors que tout
le monde a accès aux datas, aujourd’hui.
“Je ne suis pas un scientifique des
datas, pour être honnête. J’ai eu la
chance d’avoir un président qui travaille
dans le secteur des données depuis 14
ans. On a une relation incroyable et il a
été assez gentil pour enseigner à un
ex-entraîneur ce qu’il savait de cela.
Grâce à son travail, nous avons réussi à
rassembler un volume de datas que peu
de monde arriverait à obtenir. Avec mes
deux assistants, Gauthier (Carton) et
Jean-Paul (Tuyishime), nous avons des
fiches sur plus de 1 000 joueurs que nous
nourrissons au fil du temps (NdlR : il
nous montre la plateforme person-
nelle qu’il utilise). Nos datas sont
uniques à mes yeux, parce qu’elles sont
contextualisées : savoir qu’un joueur
réussit 70 % de ses passes n’est pas
intéressant si on ne connaît pas le
contexte des passes. Voilà pourquoi on
parvient à chercher à travers tant de
joueurs dans le monde. La deuxième
étape est de comprendre le style du
joueur. Et il faut passer des heures à le
regarder en situation. L’étape finale est
de comprendre quel type de personne
c’est. Il n’y a jamais de garantie à 100 %,
mais on améliore le processus chaque
année. Avec tout ça, on a construit une
image complète du joueur et de
l’homme. Ça représente énormément de
travail, mais quand on sait qui on veut
transférer, il n’y a presque pas un seul
aspect que l’on ne connaisse pas. Un
joueur doit faire un choix dans une
carrière qui est courte, et on veut lui
montrer qu’on le comprend très bien,
qu’il va aider l’Union mais l’inverse
aussi. Ensuite quand on recrute un autre
joueur, on a le premier en tête. Il y a une
combinaison de cultures à effectuer. Il
faut qu’il y ait quelque chose qui les relie
tous les uns aux autres ; qu’il y ait une
base commune de valeurs. Voilà com-
ment on construit un groupe.”
Cela doit être plus facile de convaincre
les joueurs de signer à l’Union qu’il y a
trois ans.
“Quand on était en D2, c’était compli-
qué. La D1 belge n’a déjà pas le crédit
qu’elle mérite, mais alors, la D2… Main-
tenant, la difficulté vient des attentes
financières qui sont parfois folles par
rapport à nos moyens. Il peut y avoir de
fausses idées, mais la réalité est qu’il
s’agit seulement de notre deuxième
année en D1. On ne pourra pas concur-
rencer des clubs qui ont 20 ans de stades
pleins. On a beaucoup d’agents qui nous
contactent et pensent qu’on peut propo-
ser autant que d’autres. Mais bon, on ne
recrute pas comme ça, on compte plutôt
sur nous-mêmes.”
Dans le cas d’un José Rodriguez,
qui a déjà quitté le club, la sauce n’a pas
pris. Le renvoyer dans le noyau B,
c’était quand même dur, non ?
“José est un excellent joueur. Parfois,
ça ne fonctionne pas, comme ici. Il
voulait jouer plus et c’était dans l’intérêt
de tout le monde qu’il parte. Il n’y a pas
de plaisir à reléguer quelqu’un dans
l’équipe B, mais il faut parfois regarder
de façon plus large. Réussir tous les
transferts, c’est compliqué. Vous ne
pouvez pas contrôler la transition d’un
joueur : parfois il a du mal avec le cli-
mat, ou son épouse le rejoint et ne se
sent pas bien.”
Vous bénéficiez aussi de quelques prêts
de Brighton. Il y a pas mal de questions
et peut-être même de fantasmes autour
des liens entre les deux clubs…
“Une histoire a été racontée, peut-être
parce que les gens ne comprennent pas
bien la situation. Tony Bloom est action-
naire majoritaire de l’Union et de Brigh-
ton, mais c’est Alex Muzio, qui est aussi
actionnaire de l’Union, qui est notre
président. Et nous n’avons pas de con-
tact avec Tony Bloom, qui vient au match
deux ou trois fois par an. C’est Alex qui
est le président exécutif qui gère ce club
avec Philippe Bormans et moi. Nous ne
sommes pas un club assisté, nous
n’avons rien à voir avec Brighton. Oui,
nous avons des joueurs en prêt et nous
avons vendu Deniz Undav, mais il s’agis-
sait du meilleur buteur de Belgique.
Brighton a aussi acheté Trossard en
Belgique, à Genk. Ils ont parlé à l’agent
de Deniz avant même que l’on sache
qu’il y avait un intérêt. Il n’y a pas de
faveur, cela se passe comme dans n’im-
porte quel autre transfert. De son côté,
Brighton a prêté des joueurs partout ;
Caceido au Beerschot, Alzate au Stan-
dard, etc. Ils estiment que la Belgique est
un marché intéressant pour prêter. Mais
la décision de prendre ou non un joueur
en prêt nous revient. On nous a proposé
Adingra ; on a regardé ce qu’il faisait et
cela a évidemment été une décision
facile. Puis il faut encore convaincre le
joueur. Pour le reste, je n’ai aucune idée
de ce qu’ils font dans leur recrutement et
vice-versa. Je sais qu’on arrive un peu de
nulle part, qu’on cherche des explica-
tions au succès et que c’est facile de
nous lier à eux mais ce n’est pas vrai.”
À titre personne, comment vous sentez-
vous dans ce rôle que vous occupez
depuis 2019 ?
“Je m’amuse beaucoup même si, pour
être honnête, le terrain me manque
parfois et que j’aimerais montrer mes
qualités d’ex-joueur aux gars (rires). Au
début, je me posais beaucoup de ques-
tions même si cela ne se voyait pas de
l’extérieur, car ce rôle n’est pas vraiment
défini. J’apprends toujours beaucoup.
Mais je ne me mets pas de pression sur
ce que sera mon futur. J’ai envie de
franchir des étapes avec le club. Et
j’apprécie être en Belgique.”
Vous devez être heureux d’avoir confié
les rênes de l’équipe à Karel Geraerts.
“Très. J’ai directement apporté mon
soutien quand l’idée a été évoquée. Je
l’ai vu grandir et j’adore travailler avec
lui. Il a vécu la croissance du club ces
dernières années. Il représente nos
valeurs. Son potentiel de réussir était là,
mais personne ne savait comment ça
allait se passer puisque c’était sa pre-
mière expérience de T1.”
Il est sous CDI. Vu ce qui est arrivé
avec Felice Mazzù la saison passée,
parler avec Karel de son avenir avant
la fin de la saison ne serait-il pas sage ?
“Je le connais, il veut se concentrer sur
le foot et on discutera au bon moment.”
Parlons du moins positif : les difficultés
de vos U23 en D2 ACFF montrent que le
club grandit un peu vite, non ?
“Il ne faut pas oublier d’où on vient : le
centre de formation n’était pas un centre
élite il y a quelques années. Les joueurs
n’avaient pas tous le même équipement.
Il fallait d’abord que le club monte en D1
pour construire. Changer tout ça de-
mande du temps. Beaucoup de choses
ont déjà été réalisées. On sait où on veut
aller, mais on doit aussi avoir des infras-
tructures à nous et ne plus devoir comp-
ter sur les autres (NdlR : comme pour
certains terrains d’entraînement).
Mais il y a déjà une progression énorme,
comme chez nos U18 par exemple.”
Avoir des jeunes du club en équipe A,
c’est pour quand ?
“On en a qui s’entraînent en perma-
nence avec l’équipe A. On veut que des
jeunes percent, mais il ne suffit pas de
mettre de l’argent. Il faut pouvoir leur
donner les bonnes opportunités de se
montrer. On a plusieurs jeunes sous
contrat, dont deux en prêt : Ryan (Safari)
au Lierse ou Ilyes (Ziani) au Standard. Et
on analyse chacune de leurs minutes.”
“Nous ne
sommes pas
morts du tout”
L’ Union s’apprête à vivre
un des matchs les plus
importants de son histoire ré-
cente, ce jeudi soir, à l’An-
twerp, dans une demi-finale
de Coupe de Belgique retour
qu’elle aborde en position de
force grâce à sa victoire 1-0 de
l’aller. Mais aussi avec deux dé-
faites 4-2 dans les jambes. Ka-
rel Geraerts et Christian Bur-
gess expliquent comment les
Jaune et Bleu comptent rele-
ver la tête.
. Des discussions
pour évacuer les doutes
Après deux défaites en
championnat 4-2 contre le
Standard et Westerlo, l’Union
Saint-Gilloise sait qu’elle doit
rebondir. Et il y a eu des dis-
cussions cette semaine, dans
le vestiaire et sur le terrain
d’entraînement : “C’est un mo-
ment où les plus expérimentés
doivent parler pour obtenir une
bonne réaction, explique Bur-
gess, qui fait partie de ceux-là.
Comme plus ancien, il faut par-
fois parler plus avec les autres. Il
y a eu des conversations entre
nous et l’état d’esprit est bon. On
doit revenir à ce qu’on fait de
mieux.”
Son entraîneur a également
expliqué qu’il a parlé avec son
équipe. “Mais on le fait toujours
après les matchs.”
Geraerts a aussi répondu de
manière très ferme à ceux qui
accolent un peu vite le mot
“crise” à la situation de
l’Union. “À aucun moment on
ne ressent un moment de crise,
ici. Ça, c’est pour vous (NdlR : les
médias). On est deuxièmes en
championnat, en huitième de fi-
nale de Coupe d’Europe et en de-
mi-finale de Coupe. C’est vrai-
ment trop tôt pour parler
comme ça, répond-il assez jus-
tement. Celui qui était présent
au match samedi a vu que
l’équipe n’est pas du tout morte.
Tout le monde, moi y compris,
pensait lorsque nous sommes re-
venus à 2-2 que nous allions ga-
gner. Le plus important a été
d’avoir une équipe qui se batte
et réagisse après un moment dif-
ficile, ce qui a été le cas. Donc je
ne panique pas.”
. Resserrer les boulons
défensifs
Il n’a pas été particulière-
ment question de travail dé-
fensif, ces derniers jours, à
l’entraînement, à en croire Ge-
raerts. Mais il est certain que
l’Union a intérêt à retrouver sa
solidité défensive au Bosuil, si
elle veut atteindre la finale.
Après huit buts encaissés en
deux matchs, qu’aurait-il fallu
mieux faire ? Où faut-il pro-
gresser ? La question a été po-
sée à Burgess, qui répond hon-
nêtement : “J’aurais peut-être
pu mieux me positionner, pren-
dre plus de responsabilité dans
l’organisation de l’équipe en
parlant. Peut-être que comme ça
se passait bien pour nous, on
s’est laissé un peu aller, on a été
trop relax.”
“Il faudra bien commencer,
mais aussi bien finir cette demi-
finale, prévient Geraerts, qui a
effectué des exercices de tirs
au but, au cas où. Je veux voir
de l’enthousiasme et une presta-
tion de nonante voire 120 minu-
tes complète.”
S’attend-il à un match où il
faut aller au combat ? “On joue
pour une finale ; si un joueur ne
se bat pas, je ne le comprendrai
pas…”
. Un moment historique
en vue
Tout cela peut mener à une
finale qui serait une pre-
mière… en 109 ans ! “C’est sûr
que ce serait un moment histori-
que pour le club, répond Ge-
raerts. Mais nous ne voulons
pas nous attacher trop à ça,
nous. Nous voulons écrire notre
propre histoire. L’équipe a bien
conscience de ce pour quoi elle
joue demain.”
Vainqueur d’une English
Football League (EFL, pour les
divisions inférieures anglai-
ses) dont la finale s’est dispu-
tée à Wembley, Burgess sait ce
que cela veut dire. “Disputer et
gagner la finale de Coupe, ce se-
rait le plus grand trophée de ma
carrière, encore plus grand que
l’EFL, répond-il. Mais pour at-
teindre cette finale, il faudra gar-
der la tête froide pendant no-
nante ou 120 minutes, quoi qu’il
arrive, et bien exécuter le plan.
Quel plan ? “On en a un, mais
je ne vous dirai pas lequel, évi-
demment.”
ANTWERP
Alderweireld et De Laet de retour
Réserves : 26. De Wolf, 22. Avila, 81.
Devalckeneer, 33. Van Den Bosch, 52. Corbanie,
50, Krasniqi, 14. Stengs, 16. Gerkens, 32. Scott.
Blessés : Engels, Miyoshi, Haroun, Vines, Yusuf,
Verhulst.
Observations : Suspendus en championnat le
week-end passé, Toby Alderweireld et Richie De
Laet sont de retour et sont attendus dans le onze
de van Bommel. (St.L.)
UNION SG
Fin de suspension pour Van Der Heyden ;
Lapoussin de retour dans le onze ?
Réserves : 21. Pirard, 14. Imbrechts, 26. Sykes,