Chris O’Loughlin, directeur sportif unioniste, décrypte la
réussite actuelle du club qu’il a rejoint en 2019.
C’ est l’histoire d’un Nord-Ir-
landais, passé par le
Congo et l’Australie, qui
joue un rôle majeur dans
la réussite actuelle de l’Union. Cette
histoire, c’est celle de Chris O’Lou-
ghlin (43 ans), directeur sportif du
club bruxellois. Entretien avec un
homme passionné qui croit dur
comme fer en les qualités de son
équipe.
Comment êtes-vous arrivé à l’Union ?
“J’étais entraîneur-adjoint à Courtrai,
en 2019, quand j’ai reçu un appel depuis
l’Angleterre pour me demander si j’étais
ouvert à la discussion. Après un long
processus d’entretien, j’ai choisi l’Union
malgré deux autres opportunités car, en
tant que romantique du football, il était
très facile de tomber amoureux de ce
club. En football, tout le monde parle de
“projet, projet, projet”. Mais quand on
est vraiment face à un projet, c’est assez
spécial d’en faire partie.”
Beaucoup vantent la méthode de recrute-
ment du club. Avec quelle méthode
travaille-t-on à l’Union ?
“Nous nous basons énormément sur
les datas. Analyser toutes les minutes de
jeu d’un footballeur nous permet d’avoir
de bonnes informations objectives sur le
joueur en question, même si nous
voyons aussi bien sûr le joueur sur
terrain. Nous regardons plus d’un millier
de joueurs et nous gardons une trace de
chacun. Ensuite, nous allons plus loin en
cherchant quel profil est le plus à même
de jouer pour l’Union. Au sein de notre
centre d’entraînement, il y a cinq piliers
sur lesquels sont inscrits cinq mots
(NdlR : intégrité, engagement, cou-
rage, passion et humilité). C’est loin
d’être de la décoration. Quand nous
recrutons un joueur, nous prenons en
compte l’aspect footballistique mais
aussi sa façon d’être. Nous n’avons pas
besoin d’anges car il faut qu’ils aient
une certaine personnalité mais nous
avons besoin de bonnes personnes. Sans
cela, il n’est pas possible de travailler
ensemble et de réussir. C’est pourquoi
nous interviewons les joueurs pour
apprendre à les connaître, leur partager
la vision du club mais aussi son histoire.
Notre manière de faire n’est pas une
science exacte mais nous travaillons dur
pour ne pas seulement apporter des
bons joueurs à l’équipe mais aussi des
bons gars.”
Undav, Nielsen, Burgess ou encore
Nieuwkoop : le club a plutôt bien réussi
ses derniers mercatos.
“Nous avons bien travaillé sur nos
transferts lors des deux dernières an-
nées. Ce gros recrutement a été possible
grâce à toutes les personnes impliquées
dans le processus. Maintenant, rien n’est
jamais garanti à 100 % car des facteurs
externes peuvent intervenir. Par exem-
ple, certains joueurs peuvent avoir
besoin de plus de temps pour s’adapter.
La transition vers un autre pays, vers un
autre championnat ou une autre divi-
sion peut prendre du temps.”
À quel genre d’arrivées les supporters
peuvent-ils s’attendre durant le mercato
hivernal ?
“Il faudra voir quels résultats l’équipe
fait d’ici là. Aujourd’hui, notre équipe est
solide et tout va bien mais le football est
imprévisible. Nous devons en tout cas
faire en sorte d’être préparés pour tous
les scénarios. Mais le plus important est
de ne pas déséquilibrer le groupe. Nous
ne voulons pas transférer un nouveau
joueur pour le principe de transférer un
nouveau joueur. L’idée est d’apporter le
bon profil qui peut se greffer au groupe
actuel. En réfléchissant de cette manière,
nous maintiendrons la bonne balance.”
En vous penchant sur la saison actuelle
de l’Union, de quoi êtes-vous le plus
fier ?
“Les gens sont contents de regarder
nos matchs. Nous jouons un football
réaliste qui est excitant à regarder. Sur
le terrain, on voit la détermination des
joueurs, leur bravoure et la camarade-
rie. On sent qu’il s’agit d’une équipe qui
pourrait perdre un match tout en ayant
les capacités à revenir plus fort la se-
. Chris O’Loughlin est arrivé à l’Union en 2019. © BELGA maine suivante. Tout cela fait que c’est
un plaisir de voir cette équipe jouer,
sans parler du support des fans qui
rajoutent une touche exceptionnelle…
C’est assez magique de faire partie de ce
qu’il se passe actuellement.”
Jusqu’où peut aller cette équipe cette
saison ?
“Nous n’avons jamais de garanties en
football. Pour continuer sur notre lan-
cée, il faut que de nombreuses choses
tournent en notre faveur. Il faut de la
chance et pouvoir éviter les blessures. Vu
le potentiel de l’équipe qui est très élevé,
nous avons les capacités pour réaliser
une saison dont nous pourrons être
fiers.”
Vu les prestations de certains joueurs,
craignez-vous des départs durant ce
mercato ?
“Encore une fois, on ne sait jamais ce
qu’il peut se passer. Mais ce n’est pas
notre plan de déstabiliser l’équipe.
Aujourd’hui, les joueurs veulent rester
jusqu’à la fin de la saison car ils veulent
accomplir quelque chose ensemble.”
Felice Mazzù
et la Ferrari
“Chris me donne une liberté de
travail extraordinaire. Sa discrétion
est sa plus grande qualité. Il mérite
de se faire mieux connaître par le
monde du football et a tout mon
respect.” Ces mots sont ceux de
Felice Mazzù, le T1 unioniste.
Avant de se retrouver à L’Union,
les deux hommes s’étaient déjà
croisés à plusieurs reprises. “Cela
a toujours été un gentleman pas-
sionné, se souvient Chris O’Lou-
ghlin. Je respecte son travail et
c’est important de lui donner l’es-
pace qu’il lui faut pour s’épanouir.
Et puis, j’aime qu’il pousse tout le
temps les joueurs à vouloir gagner.
C’est souvent facile de parler de
mentalité de gagnant mais il arrive
à la transmettre au quotidien. La
direction fait sa part en amenant
des bons joueurs, mais il faut un
coach qui sait comment conduire
la Ferrari. Et Felice la conduit plu-
tôt bien (sourire).”
“Je n’avais pas l’objectif
d’être entraîneur principal”
O’Loughlin a été T1 à Sant-
Trond après le départ
de Ferrera.
Avant d’atterrir à l’Union en
2019, Chris O’Loughlin a
bourlingué aux quatre coins
du monde. Après avoir joué
au niveau semi-professionel en Ir-
lande du Nord, son pays natal, il se
tourne rapidement vers le coaching
en Afrique du Sud. “Vers 28 ans, je suis
parti en Afrique du Sud où j’ai travaillé
dans les townships avec des joueurs lo-
caux. Après avoir rencontré une multi-
tude de gens, j’ai fini par tomber sur une
personne qui m’a invité à rejoindre le
club d’Orlando Pirates comme entraîneur
assistant.”
Deux ans plus tard, O’Loughlin met
le cap sur le Congo et le Vita Club, l’un
des grands clubs du pays, puis sur
l’Australie. “Au Congo, j’ai dû m’adapter,
j’ai dû apprendre à vivre avec la pression
et à survivre tout simplement. J’ai vécu
beaucoup de grands moments comme
quand nous battions des grandes équi-
pes devant 80 000 personnes… En tant
que très jeune entraîneur, cela a été une
expérience incroyable. Pour différentes
raisons étranges, il est difficile de se faire
une place en Europe avec un background
construit dans le football africain. J’ai
donc voulu réaliser une transition et cela
s’est fait dans le club de Melbourne Vic-
tory, en Australie. Ce n’était pas l’Europe
mais je me rapprochais du football occi-
dental.”
Et puisqu’il faut parfois forcer le des-
tin, Chris O’Loughlin décide d’utiliser
LinkedIn pour se faire une place dans
le monde du football. Grâce au réseau
social professionnel, le Nord-Irlandais
entre en connexion avec de nombreu-
ses personnes dont une qui va donner
une nouvelle trajectoire à sa vie : Yan-
nick Ferrera. “En 2006, LinkedIn était as-
sez nouveau. J’ai contacté Yannick Fer-
rera, qui était entraîneur des jeunes à An-
derlecht. Nous parlions énormément
quand j’étais au Congo. Nous avons dîné
ensemble en 2009 puis j’ai passé neuf
jours à ses côtés quand il entraînait Char-
leroi. Il y avait une forte relation profes-
sionnelle entre nous.”
. Entraîneur principal à Saint-
Trond
À tel point que Ferrera le choisit
comme assistant quand il est nommé
entraîneur principal de Saint-Trond,
en 2013. Avant que Chris O’Loughlin ne
le remplace à la tête de l’équipe lors de
la saison 2015-2016. “En arrivant en Bel-
gique, je n’avais pas du tout l’objectif de
devenir entraîneur principal, explique-
t-il. J’étais concentré sur mon rôle d’as-
sistant de Yannick. Je n’étais pas pré-
paré au rôle de T1 d’autant que le timing
n’était pas bon : Saint-Trond venait de re-
monter en D1, il n’y avait pas de budget, il
n’y avait pas d’expérience dans le club.
Mais j’ai accepté la mission pour que le
club puisse garder une certaine cohé-
rence.”
Après un sauvetage in extremis en
D1A et une saison terminée sans vic-
toire en PO2, Saint-Trond décide de se
séparer de son entraîneur. “Avec le re-
cul, cette saison est un mix entre réussite
et échec pour moi, analyse O’Loughlin.
Nous avons perdu trois joueurs impor-
tants au mercato hivernal, nous transfé-
rions des joueurs que les autres clubs ne
voulaient pas. Mais je n’ai jamais aban-
donné, le club s’est sauvé et certains
joueurs comme Alexis De Sart, Pieter Ger-
kens ou Alessio Castro-Montes se sont fait
connaître chez nous. Était-ce une aven-
ture facile ? Certainement pas. Aurais-je
dû faire certaines choses différemment ?
Sans aucun doute mais vu le budget, il
était difficile de faire ce qu’on voulait…”