Les premiers rayons de soleil réchauffent un peu l’atmosphère. En cette matinée de février, l’entraînement de Roulers a touché à sa fin. Pascal Cygan en profite pour tomber le bonnet et se mêler à un petit groupe de joueurs pour un dernier petit jeu. Ses hommes ont tout le loisir de se rendre compte qu’à 42 ans, après 16 ans d’une carrière qui s’est étirée dans quatre clubs à Lille (1995-2002), Arsenal (2002-2006), Villarreal (2006-2009) puis Carthagène (2009-2011), l’ancien défenseur n’a rien perdu de ses qualités.
La présence d’un ancien membre des Invincibles d’Arsenal dans le staff de Roulers est à l’image du parcours de l’équipe : surprenante. Comme sa situation contractuelle. Mais la tournure qu’ont pris les
choses sur le terrain avec cette place dans l’élite que le club disputera à l’Antwerp, après ce que que le Nordiste qualifie “d’énorme aventure, extraordinaire même”, lui permet de relativiser. Tout en s’interrogeant sur la suite…
Que connaissiez-vous de Roulers avant le début de saison ?
“Rien ou presque. Pas du tout. J’ai fait des recherches, je suis venu voir aussi avant de m’engager ici oralement en tout cas. J’ai découvert. Quand on m’envoie ici sans autre alternative, je n’ai pas eu d’autre choix que d’accepter.”
Quel discours vous a tenu Lille ?
“Que je correspondais aux critères pour être adjoint en équipe pro . J’ai été évalué de la sorte.”
Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
“Au début, difficilement. J’ai appris de l’entraîneur des U19 qu’on lui avait déjà proposé le poste, qu’il
l’avait refusé et que c’était un truc bizarre car il y avait déjà un adjoint. Voilà. Lille m’annonce que je vais être T2 puis on me rappelle quand je viens ici que je suis T3 . Voilà la situation dans laquelle j’étais. Cela a été difficile au début. Arnaud Mercier et Tom Colpaert ont appris cela du jour au lendemain. Mais ce sont des personnes intelligentes, cela s’est fait petit à petit. Il a fallu qu’on trouve chacun nos places, qu’on définisse nos rôles. Les résultats ont fait le reste. Et il ne faut pas oublier le problème contractuel… J’ai demandé à l’époque s’il y avait une alternative. Mais on ne m’a rien proposé d’autre, donc j’ai accepté. Finalement, c’est ce qui me convenait le mieux à l’époque. J’étais avec les U15 en formation où il faut de la patience. Avec eux, c’est plus de l’éducation que du travail tactique de haut niveau. Ici, c’est vraiment ma voie, je m’éclate. Je suis dans mon élément.”
Il n’empêche qu’un certain flou entoure votre situation…
“Certain n’est peut-être pas l’adjectif que j’aurai employé mais il y a un énorme flou. Pas que par rapport à ma situation personnelle mais aussi par rapport aux deux clubs, les trois parties dans l’affaire peuvent avoir des soucis en cas de problème.”
Vous êtes venu dans le cadre d’un partenariat qui se résume à vous seul car il n’y a pas eu d’autres échanges…
“À peu de chose près, oui. Lille cherchait un club partenaire dans le coin. Ils ont tenté des clubs français de National mais cela n’a pas pu se faire. Et on est tombé sur Roulers qui était totalement d’accord. Le processus s’est mis en route à ce moment-là, il aurait peut-être fallu faire un travail un peu plus approfondi pour sonder des joueurs au moins. J’ai été envoyé en premier et au minimum trois joueurs devaient suivre. Aucun n’est venu. Les raisons, on ne les connaîtra pas. Résultat, je suis tout seul et j’ai un problème à gérer avec mon club de cœur, ce qui n’aide pas. C’est au club de régler cela maintenant…”
Vous avez une idée de quoi sera fait votre avenir ?
“Pas du tout. Ma patience arrive à ses limites. Je suis proche d’un avocat pour être conseillé. J’ai envoyé des courriers par recommandé, je n’ai eu aucune réponse, j’ai demandé des rendez-vous. On verra…”
À le voir donner de la voix et distiller ses conseils, Pascal Cygan diffuse l’impression d’être dans son élément sur le terrain. Lui qui a passé ses diplômes en France a acquis la conviction que ce métier d’entraîneur était fait pour lui. Et il entend vite le démontrer.
Vous avez été dirigé par Jean Fernandez, Jean-Michel Cavalli, Thierry Froger, Vahid Halilhodzic, Arsène Wenger, Manuel Pellegrini, Juan Ignacio Martinez, duquel vous sentez-vous le plus proche ?
“Juan Igniacio Martinez. Tout le monde s’attend à ce que je dise Wenger mais ma situation à Arsenal n’était pas celle que j’avais à Carthagène. Chez
les Gunners , Arsène avait une équipe galactique avec Bergkamp, Henry, Pirès, Campbell… Martinez n’avait que deux têtes de proue : Victor Fernandez et moi. J’avais vraiment une complicité avec lui. Son style de jeu aussi m’allait. Le football espagnol m’a convaincu. J’adore le kick and rush car avec mon gabarit, c’est mon jeu. Mais le meilleur moyen de bien défendre, c’est de bien attaquer et d’avoir la balle : plus vous avez le ballon, moins vous êtes en danger. Quand vous comprenez cela, vous comprenez beaucoup.”
Joueur, vous vous intéressiez au travail d’entraîneur ?
“C’est arrivé sur le tard, lors des deux dernières saisons à Carthagène. Martinez m’a beaucoup responsabilisé dans mon rôle d’ancien dans le groupe, par rapport à mon vécu, à mon poste pour guider et encadrer les jeunes. De leur montrer les choses à faire et ne pas faire. Cela a déclenché quelque chose. Avant,
je ne vais pas dire que je n’y pensais pas car cela devait être quelque part en moi, j’avais l’habitude de conseiller les autres. Je ne vais pas paraître modeste mais j’ai l’habitude de dire qu’une de mes grandes qualités était de rendre peut-être les autres meilleurs. J’étais rigoureux, je replaçais beaucoup les joueurs, à mon détriment d’ailleurs.”
Cette envie d’entraîner vous a poussé à quitter l’Espagne…
“J’aurais pu rester en Espagne à profiter du soleil et de mes revenus. Mais quand vous êtes un an chez vous, même en bord de mer, avec piscine et que vous ne faites rien, c’est assez dur. Vous allez courir les premiers jours en pensant que c’est un problème d’adrénaline. Puis vous vous rendez compte que c’est autre chose. C’était le milieu, d’avoir une vie sociale, de faire ce que je sais faire. Et cela s’est matérialisé par ce retour, ces sacrifices. Parce que mes filles sont trilingues et quitter
leurs amis en Espagne pour la France, c’était dur. Ma femme devait tout recommencer ici. Elles ont été compréhensives de tout arrêter.”
De quoi rêvez-vous durant cette carrière ?
“Déjà d’avoir ma chance. Dans ma position d’ancien pro , ce n’est pas évident de convaincre un président de connaître sa première expérience.”
Il faut savoir se vendre. Vous êtes prêt à le faire ?
“Je ne sais pas le faire. (sourires ) On m’a proposé des plateaux télés, je n’ai pas donné suite. Ce n’est pas trop mon truc. Mais le plus important reste de savoir comment faire passer le message aux joueurs. Puis de le faire accepter.”
La scène est frappante. Au milieu de ses hommes au lendemain de la démonstration du Paris SG contre Barcelone, Arnaud Mercier insiste sur la récupération après une saison intense, mais surtout sur la nécessité pour ses troupes de jeter un œil au match de la veille et à celui du soir, Bayern – Arsenal.
“On ne devrait pas avoir à leur dire. C’est ce qu’on n’arrête pas de se dire”, souffle Cygan qui, sans tomber dans le discours du vieux combattant, avoue : “Je suis un peu étonné des nouvelles générations qui devraient s’inspirer de nos comportements à nous qui avons gagné des choses et vécu plein de trucs. On démontre
encore chaque jour une envie d’être sur le terrain, une joie d’y être, de faire des efforts. Malheureusement, on ne trouve pas cela chez tous nos jeunes. On utilise le football comme un métier. Mais cela devrait être une passion, pas un métier. Mais cette passion se perd.”
Le Bosuil sera plein à craquer
Vainqueur de la 2e tranche, mais moins bien classé que le lauréat de la 1re tranche, Roulers, sur l’ensemble des deux périodes de la phase classique, l’Antwerp accueillera donc en premier lieu la bande à Mercier avant de se déplacer en Flandre occidentale le samedi suivant. Mais pour l’entraîneur du matricule 1 Wim De Decker, pas question de spéculer en vue du retour. “Je ne vais pas adapter mon système. Nous allons nous efforcer de développer notre jeu.” Pour la 6e ou 7e fois en 2 ans, le Bosuil sera plein à craquer, ce qui signifie plus de 12.000 supporters
anversois déchaînés, pour, au maximum, 800 sympathisants de l’équipe adverse. “Mais c’est du 50-50”, estime-t-on dans les deux camps. S’il est vrai que Roulers a dominé la première moitié du championnat, l’Antwerp a fini fort. Mais d’un autre côté, les Roulariens ont pu faire tourner leur effectif ces dernières semaines. Ils ne déplorent aucun suspendu et les deux blessés de longue date Damman et Lépicier ont été retapés. À l’Antwerp, Van Steenkiste et Colpaert sont indisponibles. Mais ce dernier était de toute façon réserviste ces derniers mois. Haroun et Vleminckx sont rétablis, mais sont encore trop justes pour débuter.